Mr et Mrs Granger prenaient leur petit-déjeuner quand un bruit familier de froissement d'ailes leur parvint de l'extérieur. Mr Granger, qui étalait copieusement de la marmelade sur une tranche de... [+]
Le moment qu’elle attendait depuis si longtemps était enfin arrivé. Nerveuse, elle tortillait ses longs cheveux bleus entre ses doigts fins, et allait d’un bout à l’autre de la pièce, attendant avec impatience l’heure où elle goûterait enfin à sa liberté.
Elle s’était toujours sentie prisonnière d’une vie qui ne lui convenait pas, d’un monde qui ne lui ressemblait pas. Elle avait l’impression d’être née dans le mauvais corps, et se sentait incomplète...
Nul ne la comprenait, ni ses parents ni ses sœurs, pas même ses meilleures amies, et on la considérait comme une fille étrange et farfelue.
Elle avait toujours aimé son royaume pourtant, mais lui préférait cet ailleurs qu’on lui interdisait, celui qui la faisait rêver depuis qu’elle était toute petite et qu’elle imaginait tellement plus vaste, plus propre et plus lumineux que le sien.
Beaucoup disaient qu’il ne s’agissait que de caprices d’une princesse trop gâtée, et Saphira les laissait parler et se moquer d’elle, même si cela la blessait beaucoup. Au fil des années elle avait appris à garder pour elle son insatisfaction et sa frustration, mais ses parents le roi et la reine étaient loin d’être dupes.
Ils lui avaient ainsi promis, quelques années plus tôt, que le jour de son quinzième anniversaire elle pourrait enfin aller au-delà des frontières de leur royaume. Et le jour tant attendu était enfin arrivé. Mais entre-temps, les choses s’étaient gâtées au sein du royaume, et ses parents avaient décidé de repousser encore les limites de ce dernier pour échapper à la pollution et au danger que celle-ci représentait, s’éloignant toujours plus du royaume que Saphira convoitait tant.
Ils avaient reconstruit leur château au fond d’un gouffre sans lumière, triste et froid, et la jeune fille, fébrile et impatiente, s’apprêtait enfin à quitter la grotte qui lui servait de chambre depuis plusieurs mois déjà.
Ses parents lui avaient fait le plus beau des cadeaux pour ses quinze ans : ils lui avaient donné une potion qui lui permettrait d’être pourvue de jambes humaines, sortilège dont la sorcière du royaume des mers avait le secret. Mais celle-ci avait demandé la voix de la jeune fille en retour, et cela lui semblant un moindre sacrifice, Saphira avait accepté sans rechigner.
Elle mit un temps fou à remonter à la surface. Quand elle sortit enfin la tête hors de l’eau, la sirène vit avec stupéfaction de nombreux déchets flotter tout autour d’elle, des débris, et tout un tas d’objets abîmés et décomposés qu’elle n’aurait su nommer.
Elle avait imaginé inspirer goûlument sa première bouffée d’air frais, la savourer, s’en délecter, mais au lieu de cela elle faillit s’étouffer avec quelque chose que les humains appelaient plastique. Il y en avait partout autour d’elle.
Elle comprit alors pourquoi son peuple s’enfonçait toujours plus loin dans les profondeurs marines, froides et obscures. Ce royaume terrestre qu’elle avait toujours convoité était en réalité celui qui empoisonnait le sien depuis toujours.
Son quinzième anniversaire fut le pire de sa vie, et Saphira renonça à mettre un seul pied sur la terre ferme. Elle regagna son royaume, en larmes, et rendit sa potion à la sorcière, soulagée de pouvoir récupérer sa voix pour pouvoir chanter sa colère.
Jamais la princesse ne remonta à la surface, et elle commença pour la première fois à apprécier ce qu’elle avait déjà.
Les algues n’étaient pas plus vertes ailleurs.
Elle s’était toujours sentie prisonnière d’une vie qui ne lui convenait pas, d’un monde qui ne lui ressemblait pas. Elle avait l’impression d’être née dans le mauvais corps, et se sentait incomplète...
Nul ne la comprenait, ni ses parents ni ses sœurs, pas même ses meilleures amies, et on la considérait comme une fille étrange et farfelue.
Elle avait toujours aimé son royaume pourtant, mais lui préférait cet ailleurs qu’on lui interdisait, celui qui la faisait rêver depuis qu’elle était toute petite et qu’elle imaginait tellement plus vaste, plus propre et plus lumineux que le sien.
Beaucoup disaient qu’il ne s’agissait que de caprices d’une princesse trop gâtée, et Saphira les laissait parler et se moquer d’elle, même si cela la blessait beaucoup. Au fil des années elle avait appris à garder pour elle son insatisfaction et sa frustration, mais ses parents le roi et la reine étaient loin d’être dupes.
Ils lui avaient ainsi promis, quelques années plus tôt, que le jour de son quinzième anniversaire elle pourrait enfin aller au-delà des frontières de leur royaume. Et le jour tant attendu était enfin arrivé. Mais entre-temps, les choses s’étaient gâtées au sein du royaume, et ses parents avaient décidé de repousser encore les limites de ce dernier pour échapper à la pollution et au danger que celle-ci représentait, s’éloignant toujours plus du royaume que Saphira convoitait tant.
Ils avaient reconstruit leur château au fond d’un gouffre sans lumière, triste et froid, et la jeune fille, fébrile et impatiente, s’apprêtait enfin à quitter la grotte qui lui servait de chambre depuis plusieurs mois déjà.
Ses parents lui avaient fait le plus beau des cadeaux pour ses quinze ans : ils lui avaient donné une potion qui lui permettrait d’être pourvue de jambes humaines, sortilège dont la sorcière du royaume des mers avait le secret. Mais celle-ci avait demandé la voix de la jeune fille en retour, et cela lui semblant un moindre sacrifice, Saphira avait accepté sans rechigner.
Elle mit un temps fou à remonter à la surface. Quand elle sortit enfin la tête hors de l’eau, la sirène vit avec stupéfaction de nombreux déchets flotter tout autour d’elle, des débris, et tout un tas d’objets abîmés et décomposés qu’elle n’aurait su nommer.
Elle avait imaginé inspirer goûlument sa première bouffée d’air frais, la savourer, s’en délecter, mais au lieu de cela elle faillit s’étouffer avec quelque chose que les humains appelaient plastique. Il y en avait partout autour d’elle.
Elle comprit alors pourquoi son peuple s’enfonçait toujours plus loin dans les profondeurs marines, froides et obscures. Ce royaume terrestre qu’elle avait toujours convoité était en réalité celui qui empoisonnait le sien depuis toujours.
Son quinzième anniversaire fut le pire de sa vie, et Saphira renonça à mettre un seul pied sur la terre ferme. Elle regagna son royaume, en larmes, et rendit sa potion à la sorcière, soulagée de pouvoir récupérer sa voix pour pouvoir chanter sa colère.
Jamais la princesse ne remonta à la surface, et elle commença pour la première fois à apprécier ce qu’elle avait déjà.
Les algues n’étaient pas plus vertes ailleurs.
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