Dans la forêt vivait une petite sorcière qui s'appelait Fatoche. Elle avait de petits bras tordus, une verrue sur le nez et un grand chapeau pointu. Elle ne se promenait jamais sans son grimoire et son balai. Bref, Fatoche ressemblait à toutes les autres petites sorcières de la forêt. Et pourtant... elle avait été renvoyée de l'école des Sorciers. La directrice, désespérée, avait déclaré : 
— Fatoche n'est pas une petite sorcière ordinaire, elle ne sait pas compter, et elle est incapable de se rappeler des lettres de l'alphabet. Tout ce qu'elle sait faire, c'est voler sur son balai. Elle empêche toutes les sorcières de son âge de progresser ! Inscrivez-la à l'école des petits Hommes, pas à l'école des Sorciers ! 
La maman de Fatoche était bien embêtée. Elle lui répétait sans cesse : 
— Fatoche, fais donc un effort. Essaie de te rappeler du A et du B ! 
Mais pour Fatoche, apprendre toutes ces lettres, c'était drôlement compliqué.
Le jour de la rentrée, sur le chemin de l'école, elle se sentait bien triste. « Je serai la seule sorcière inscrite à l'école des petits Hommes », pensait-elle. « Je n'aurai pas d'amis. Et ils se moqueront tous de moi quand ils verront que je ne sais ni compter ni lire les lettres de l'alphabet. » 
Elle voletait sur son balai quand elle rencontra un petit garçon qui portait un cartable sur le dos. Il avançait en s'appuyant sur une béquille. 
— Bonjour, lui dit-elle, pour toi aussi c'est la rentrée ? 
L'enfant s'arrêta pour la regarder. Il avait des cheveux blonds et un petit nez en forme de bouton. Il ressemblait à tous les autres garçons de la forêt. Et pourtant... il penchait un petit peu sur le côté. 
Il répondit : 
— Oui ! Mais tu sais, j'ai beaucoup de mal à avancer. Ma jambe droite est toujours fatiguée et je ne peux ni courir ni sauter. Je peux marcher, mais je suis beaucoup plus lent que les autres enfants ! 
Puis il ajouta fièrement : 
— Mais j'ai déjà appris à lire et à écrire !
— Ça alors, déclara Fatoche. Toi aussi, tu es un peu différent. 
Elle ajouta :
— Je m'appelle Fatoche. Moi, c'est avec l'alphabet que j'ai des difficultés. J'ai toujours mon grimoire avec moi, mais je ne peux pas encore lire les formules magiques. Au fait, comment t'appelles-tu ? 
Et le petit garçon répondit :
— Je m'appelle Lulu ! 
— Ça te dit de monter sur mon balai ? Je sais très bien voler. Toi, tu pourras lire les panneaux pour qu'on ne se perde pas dans la forêt ! 
— D'accord ! 
Fatoche et Lulu, bien agrippés, poursuivirent leur voyage dans la forêt. Lulu était très impressionné ! Fatoche était douée pour diriger son balai. Et en plus, c'était super amusant d'aller à l'école en volant. Fatoche, elle, était bien contente d'avoir rencontré Lulu. Sans lui, c'est sûr, elle se serait perdue.

Arrivés à l'école, Fatoche et Lulu essayèrent de jouer à « attrape petits Hommes » avec les autres enfants. Mais quelle catastrophe ! Fatoche gagnait toutes les parties. Elle volait à toute allure sur son balai et attrapait tous ses camarades en deux temps, trois mouvements. Quant à Lulu, il était beaucoup trop lent. Personne ne voulait être dans son équipe, car il perdait tout le temps. 
Finalement, une petite fille leur dit : 
— Fatoche et Lulu, vous ne pouvez plus jouer avec nous ! Nous ne jouons ni avec les sorcières, ni avec les enfants trop lents. 
Pauvres Fatoche et Lulu ! Fatoche murmura alors : 
— Tu vois Lulu, toi et moi, on est un peu différents. 
— Je sais ! répondit Lulu tristement.
Au même moment, un souffle chaud s'abattit sur la cour de récréation. On entendit un grondement épouvantable, et en un battement d'ailes, un énorme dragon noir vint se poser sur le toit de l'école. De la fumée sortait de son nez et il fixait de son œil rouge les enfants, prêt à les avaler d'une seule bouchée...

— Au secours ! crièrent-ils. 
Ils se mirent à courir dans tous les sens. Ils allaient être dévorés par un dragon de contes de fées !
 Avec courage, Fatoche enfourcha son balai. Elle se mit à voler le plus vite possible, montait, descendait, tourbillonnait. Elle voulait attirer l'attention de cet énorme dragon. Elle avait réussi ! Il ne regardait plus les enfants ; c'était elle qu'il voulait dévorer maintenant !
La petite sorcière cria du haut de son balai :
— Vite, aidez-moi ! Prenez mon grimoire et lisez la formule pour faire disparaître un dragon noir ! 
Les enfants, effrayés, répondirent :
— Mais nous ne savons pas encore bien lire ! 
On entendit alors la voix de Lulu qui disait :
— Moi, je sais ! 
Tous les enfants se retournèrent vers lui et le supplièrent : 
— Vite Lulu, vite ! Lis la formule ! 
Lulu prit le grimoire que Fatoche avait fait tomber par terre en s'envolant. Il déchiffra la phrase en haut de la douzième page : 
— « Comment faire disparaître un dragon qui veut avaler des enfants tout rond. »
— C'est celle-là ! Vite Lulu, lis, vite ! 
Et Fatoche criait du haut de son balai : 
— Lulu, je sens déjà son souffle chaud sur l'échine de mon dos ! 
Lulu s'éclaircit la voix et s'écria : 
— Fatoche, répète après moi : « Dragon, dragonou, tu disparaîtras tout à coup ! »
— Dragon, dragonou, tu disparaîtras tout à coup ! répéta Fatoche.
Et aussitôt, le dragon disparut dans une fumée verdâtre. 
— Hourra ! crièrent les enfants.
— Ouf, on a eu chaud ! soupira Fatoche.

Depuis ce jour, Fatoche et Lulu jouent avec tous les autres enfants dans la cour de récréation. Ils ont même créé un nouveau jeu appelé le jeu du dragon. Fatoche vole sur son balai et Lulu lit des formules du grimoire. Et tous les enfants crient : 
— Vive Fatoche et Lulu !
— Tu vois, dit fièrement Fatoche à Lulu, finalement, c'est trop chouette d'être différents !