Je te déteste.
La chambre beige pue le javellisant. Les machines couinent au gré de ta respiration et de ton rythme cardiaque.
— Prenez quelques minutes pour prendre une décision, dit le... [+]
Réanimation
il y a
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Lauréat
Jury
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Elle ne comprend pas pourquoi ils ont tant tenu à la réanimer. C’était pourtant une mort parfaite, on ne pouvait rêver mieux. Elle ne se rappelle pas avoir eu mal.
Elle avait fait sa toilette, avait épluché deux pommes et une poire pour la compote, puis elle était allée à la messe. C’était la veille du Vendredi saint.
Ce qu’elle a fait d’autre ce jour-là, elle l’a oublié. Elle ne se rappelle pas être rentrée de la messe, ni avoir préparé la soupe, ni même s’être couchée. Un grand trou noir dans sa mémoire. Ce n’est pourtant que le lendemain que son cœur s’est arrêté.
L’hôpital, l’hélicoptère, pourquoi avaient-ils fait tous ces efforts alors que ça s’était si bien passé ? L’encéphalogramme plat. Les enfants, les petits-enfants, les arrière-petits-enfants, tous pouvaient se préparer au deuil en douceur. Le printemps arrivait pour panser les plaies.
Et pourtant le lundi, elle avait rouvert les yeux. Des yeux pleins de reproches, puis de résignation.
Depuis, dix ans avaient passé. Dix ans volés. Elle n’aurait pas dû voir disparaître ses amis, son frère, sa sœur, ses cousines, son gendre, son petit-fils. Elle n’aurait pas dû faire du feu dix hivers durant. Elle n’aurait pas dû se tromper dans les prénoms, ni pleurer tous ces morts, ni voir le monde s’enflammer. Ce n’était plus son monde.
Dans son monde, elle courait de feux en feux, à la Saint-Laurent, en dansant sous les étoiles. Et puis à l’aube, elle prenait les sentiers, ceux des bergers ou ceux des bêtes, elle les connaissait tous, et elle grimpait au sommet de l’Umo di Cagna, crier sa joie et sa rage d’être vivante.
Elle avait fait sa toilette, avait épluché deux pommes et une poire pour la compote, puis elle était allée à la messe. C’était la veille du Vendredi saint.
Ce qu’elle a fait d’autre ce jour-là, elle l’a oublié. Elle ne se rappelle pas être rentrée de la messe, ni avoir préparé la soupe, ni même s’être couchée. Un grand trou noir dans sa mémoire. Ce n’est pourtant que le lendemain que son cœur s’est arrêté.
L’hôpital, l’hélicoptère, pourquoi avaient-ils fait tous ces efforts alors que ça s’était si bien passé ? L’encéphalogramme plat. Les enfants, les petits-enfants, les arrière-petits-enfants, tous pouvaient se préparer au deuil en douceur. Le printemps arrivait pour panser les plaies.
Et pourtant le lundi, elle avait rouvert les yeux. Des yeux pleins de reproches, puis de résignation.
Depuis, dix ans avaient passé. Dix ans volés. Elle n’aurait pas dû voir disparaître ses amis, son frère, sa sœur, ses cousines, son gendre, son petit-fils. Elle n’aurait pas dû faire du feu dix hivers durant. Elle n’aurait pas dû se tromper dans les prénoms, ni pleurer tous ces morts, ni voir le monde s’enflammer. Ce n’était plus son monde.
Dans son monde, elle courait de feux en feux, à la Saint-Laurent, en dansant sous les étoiles. Et puis à l’aube, elle prenait les sentiers, ceux des bergers ou ceux des bêtes, elle les connaissait tous, et elle grimpait au sommet de l’Umo di Cagna, crier sa joie et sa rage d’être vivante.

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"le coq et l'oie" sur ma page.
Voici ma nouvelle présentée pour la matinale des lycéens, si vous voulez venir faire un petit tour ;) : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/tournez-a-droite
Si le coeur vous en dit:
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