Si au hasard d’un soir, tu ballades ton cafard, du côté d’l’Eden Bar,
Surtout laisse-toi guider par l’étrange fumet de... [+]
Je suis mort depuis trois semaines. Je ne suis pas assis à la droite du Père, comme je l'espérais, mais relégué dans une chambre avec trois autres hommes. Nous avons chacun notre lit et une petite table de travail. L'endroit est propre, sans aucune fioriture. Les conseillers d'orientation qui nous accueillent, précisent que notre cas sera examiné dans les quinze jours, mais un surcroît de travail lié aux récents attentats de part le monde nous oblige à patienter. Soudain un homme frappe à la porte et me demande de le suivre. Mes camarades me font un signe d'encouragement et j'emboîte le pas de mon guide. Le bureau du responsable de l'orientation (RO sur la porte) est éclairé par un néon dont les vibrations lumineuses me contraignent à plisser des yeux. Il est cerné de baies vitrées qui ouvrent sur d'innombrables cellules sans plafond dans lesquelles des hommes ou des femmes sont plongés dans une lecture silencieuse.
- Bonjour Monsieur. Veuillez-vous asseoir s'il vous plaît.
Le ton est cordiale et le visage de mon interlocuteur reflète la bienveillance. Il ouvre un dossier sur lequel figure mon nom en lettres d'or et croise les mains sur sa poitrine.
- Je vois que vous avez demandé une admission au Paradis. Pourriez- vous justifier ce choix.
Dans son dos, des flammes orangées se dessinent parfois derrière la vitre et des cris terrifiants font sursauter les lecteurs.
- A vrai dire, Monsieur, j'ai tout décrit dans le dossier. J'ai beau repasser mon existence au tamis de la critique, je ne vois aucune faute ni aucun pêché qui puisse me priver du Paradis.
Mon interlocuteur fronce les sourcils et avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, j'enchaîne :
- Les quelques bêtises d'enfant que j'ai pu commettre ont été pardonnées lors de ma communion solennelle et...
- Soit ! Mais j'ai devant les yeux des événements plus récents qui ne figurent pas dans votre rapport, dit-il en tapotant mon dossier.
Il glisse une feuille devant moi et désigne une phrase surlignée en rose fluo. Dés les premiers mots, tout remonte à la surface et je sens mes mains tremblées. Comment ont-ils su ? Je fais mine de lire tout en me rendant compte que les faits sont graves et qu'il me sera difficile de justifié quoi que ce soit.
- Reconnaissez-vous ces actes ? Il se redresse, pose les coudes sur le bureau et devant ma mine défaite ajoute : « Inutile de perdre du temps, faite une croix sur le paradis ». Je m'en doutais. J'espérais simplement que personne ne savait. Mais Dieu voit tout !
- Auriez-vous la prétention de postuler pour le Purgatoire ? Son attitude n'a plus rien de bienveillant et son regard en dit long sur la réponse qu'il attend. Je me lance.
- A vrai dire j'ai beaucoup changé depuis cette erreur et je m'applique au quotidien à réparer mes fautes. Je distribue des repas aux resto du cœur et j'ai même passé une journée complète à Disneyland pour accompagner la classe de ma fille. Je suis vraiment tourner vers les autres et ne cherche que leur bonheur.
- C'est bien la moindre des choses. Monsieur, nos règles sont précises et se tournant vers la fenêtre, il embrasse l'espace et ajoute :« vous avez une semaine pour y réfléchir ».
Un géant ouvre la porte et me demande de le suivre. Je jette un dernier regard autour de moi et sors.
Une semaine complète de lecture. Je pourrais réciter de mémoire le règlement complet qui régit le Paradis. Mes deux compagnons de cellule font de même. Nous avons quelques échanges concernant principalement nos chances d' intégrer le saint des saints. Elles sont maigres.
De retour au bureau, le RO me dévisage et me bombarde de questions. Je dois lui citer les pêchés capitaux, expliquer la notion de fraternité, raconter l'histoire de Noé... Je sais tout sur le bout des doigts. Merci les révisions car ces questions ne m'avaient jamais effleuré l'esprit. Mon air est dépité, on peut lire la rédemption sur mon visage et je rajoute même quelques judicieux sanglots. L'empathie n'est pas la principale qualité de mon examinateur et à la fin de l'entretien il ajoute le sourire aux lèvres : « Je ne crois pas un mots de ce que vous dites. Les flammes vous attendent ». Même préparé à cette décision, le choc est rude. L'Enfer est beaucoup moins confortable que le Purgatoire. Les cellules sont sales, ornées de dessins morbides et toutes les heures un diable aux yeux rougis par les pétards vient me piquer les fesses. Je croise toute sorte de personnes. Les surprises sont nombreuses et parfois agréables. J'ai pu me constituer une collection d'autographes dont celui de Judas qui m'a écrit un joli mot de solidarité. Une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et découvre stupéfait l'Archange Gabriel visiblement éméché. « T'as rien à boire me rote t-il au visage ». Je tombe à genou et le supplie de me révélé la raison de son séjour en compagnie de Lucifer. Il m'annonce qu'au cours de sa visite à Marie, lors de l'Annonciation, il a succombé à son charme.
- C'est sûrement cette salope qui m'a balancé. Il plaide non coupable et rejette la faute sur Jésus qui remplace l'eau en vin et sur la tenue vestimentaire de Marie qui était selon lui « Plus que bandante ».
Maintenant il s'en fout. Il ne regrette rien tant il est certain que la Vierge n'en a que le nom et que son attitude est plus que douteuse dans bons nombres de situations et principalement avec les Apôtres. Je n'en reviens pas. Gaby, comme il exige que je l'appelle depuis que je lui ai trouvé une bouteille, ressemble de plus en plus à Bukowski. Son haleine de fosse sceptique me chavire l'estomac, je suis obligé de le soutenir pour qu'il se déplace et les mots qu'il prononce à l'encontre du Créateur m' effraient. Soudain il se fige, se redresse, m'embrasse sur le front et dans un râle me confie : « C'est désormais toi qui me remplace ». Puis, sans que j'ai pu dire un mot, il se transforme en torche et disparaît dans une odeur de cochon grillé. Il ne me reste plus qu'à me retrousser les manches !
- Bonjour Monsieur. Veuillez-vous asseoir s'il vous plaît.
Le ton est cordiale et le visage de mon interlocuteur reflète la bienveillance. Il ouvre un dossier sur lequel figure mon nom en lettres d'or et croise les mains sur sa poitrine.
- Je vois que vous avez demandé une admission au Paradis. Pourriez- vous justifier ce choix.
Dans son dos, des flammes orangées se dessinent parfois derrière la vitre et des cris terrifiants font sursauter les lecteurs.
- A vrai dire, Monsieur, j'ai tout décrit dans le dossier. J'ai beau repasser mon existence au tamis de la critique, je ne vois aucune faute ni aucun pêché qui puisse me priver du Paradis.
Mon interlocuteur fronce les sourcils et avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, j'enchaîne :
- Les quelques bêtises d'enfant que j'ai pu commettre ont été pardonnées lors de ma communion solennelle et...
- Soit ! Mais j'ai devant les yeux des événements plus récents qui ne figurent pas dans votre rapport, dit-il en tapotant mon dossier.
Il glisse une feuille devant moi et désigne une phrase surlignée en rose fluo. Dés les premiers mots, tout remonte à la surface et je sens mes mains tremblées. Comment ont-ils su ? Je fais mine de lire tout en me rendant compte que les faits sont graves et qu'il me sera difficile de justifié quoi que ce soit.
- Reconnaissez-vous ces actes ? Il se redresse, pose les coudes sur le bureau et devant ma mine défaite ajoute : « Inutile de perdre du temps, faite une croix sur le paradis ». Je m'en doutais. J'espérais simplement que personne ne savait. Mais Dieu voit tout !
- Auriez-vous la prétention de postuler pour le Purgatoire ? Son attitude n'a plus rien de bienveillant et son regard en dit long sur la réponse qu'il attend. Je me lance.
- A vrai dire j'ai beaucoup changé depuis cette erreur et je m'applique au quotidien à réparer mes fautes. Je distribue des repas aux resto du cœur et j'ai même passé une journée complète à Disneyland pour accompagner la classe de ma fille. Je suis vraiment tourner vers les autres et ne cherche que leur bonheur.
- C'est bien la moindre des choses. Monsieur, nos règles sont précises et se tournant vers la fenêtre, il embrasse l'espace et ajoute :« vous avez une semaine pour y réfléchir ».
Un géant ouvre la porte et me demande de le suivre. Je jette un dernier regard autour de moi et sors.
Une semaine complète de lecture. Je pourrais réciter de mémoire le règlement complet qui régit le Paradis. Mes deux compagnons de cellule font de même. Nous avons quelques échanges concernant principalement nos chances d' intégrer le saint des saints. Elles sont maigres.
De retour au bureau, le RO me dévisage et me bombarde de questions. Je dois lui citer les pêchés capitaux, expliquer la notion de fraternité, raconter l'histoire de Noé... Je sais tout sur le bout des doigts. Merci les révisions car ces questions ne m'avaient jamais effleuré l'esprit. Mon air est dépité, on peut lire la rédemption sur mon visage et je rajoute même quelques judicieux sanglots. L'empathie n'est pas la principale qualité de mon examinateur et à la fin de l'entretien il ajoute le sourire aux lèvres : « Je ne crois pas un mots de ce que vous dites. Les flammes vous attendent ». Même préparé à cette décision, le choc est rude. L'Enfer est beaucoup moins confortable que le Purgatoire. Les cellules sont sales, ornées de dessins morbides et toutes les heures un diable aux yeux rougis par les pétards vient me piquer les fesses. Je croise toute sorte de personnes. Les surprises sont nombreuses et parfois agréables. J'ai pu me constituer une collection d'autographes dont celui de Judas qui m'a écrit un joli mot de solidarité. Une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et découvre stupéfait l'Archange Gabriel visiblement éméché. « T'as rien à boire me rote t-il au visage ». Je tombe à genou et le supplie de me révélé la raison de son séjour en compagnie de Lucifer. Il m'annonce qu'au cours de sa visite à Marie, lors de l'Annonciation, il a succombé à son charme.
- C'est sûrement cette salope qui m'a balancé. Il plaide non coupable et rejette la faute sur Jésus qui remplace l'eau en vin et sur la tenue vestimentaire de Marie qui était selon lui « Plus que bandante ».
Maintenant il s'en fout. Il ne regrette rien tant il est certain que la Vierge n'en a que le nom et que son attitude est plus que douteuse dans bons nombres de situations et principalement avec les Apôtres. Je n'en reviens pas. Gaby, comme il exige que je l'appelle depuis que je lui ai trouvé une bouteille, ressemble de plus en plus à Bukowski. Son haleine de fosse sceptique me chavire l'estomac, je suis obligé de le soutenir pour qu'il se déplace et les mots qu'il prononce à l'encontre du Créateur m' effraient. Soudain il se fige, se redresse, m'embrasse sur le front et dans un râle me confie : « C'est désormais toi qui me remplace ». Puis, sans que j'ai pu dire un mot, il se transforme en torche et disparaît dans une odeur de cochon grillé. Il ne me reste plus qu'à me retrousser les manches !
Bravo Bertrand
Cecel