C’était aux puces d’un petit village que je passais mon dimanche matin. Je jetai rapidement mon dévolu sur un carton contenant d’anciennes gravures. Glissé entre elles, je tombai soudain... [+]
Mamie est zinzin
il y a
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En compétition
Depuis quelques semaines, mamie est devenue complètement zinzin.
C’est arrivé très vite. Un matin, elle est allée à la boulangerie d’en bas en pyjama, puis a demandé à la boulangère où était papy.
« Papy est mort il y a plus de quinze ans », me dira maman quelques jours plus tard.
La boulangère a appelé maman qui a appelé le médecin qui a appelé une ambulance.
Depuis, mamie est à l’hôpital. Au début, maman a beaucoup pleuré, papa a beaucoup ri et moi je me suis beaucoup inquiété.
« Si je tombe malade avec plein de fièvre ou si je fais trop pipi à côté de la cuvette, maman va aussi m’envoyer à l’hôpital, comme mamie. »
Et puis, ce matin, maman a décidé de m’emmener voir mamie.
Après quelques minutes de route sans une parole, nous arrivons à l’hôpital. La chambre de mamie est vide. Je lis un livre de détresse dans les yeux de maman. Nous sortons précipitamment de la chambre. J’aperçois mamie au bout du couloir. Elle court comme un enfant. Je n’y comprends rien. Avant, mamie se tortillait comme un coquelicot sous le vent et ce matin elle galope presque aussi vite que mon copain Hugo dans la cour de récréation.
Elle passe devant nous comme un obus sans même nous regarder. Les yeux de maman s’humidifient et ne savent plus où se poser. Une infirmière s’approche de maman. Elles échangent quelques mots que je ne comprends pas. J’entends juste la dernière phrase de maman :
« S’il vous plaît, veillez à ce qu’elle prenne bien ses médicaments ».
Je regarde maman. Mais pourquoi donc s’acharner à donner ses médicaments à mamie puisqu’elle ne guérira jamais, qu’elle ne nous reconnaît même pas, qu’elle ne nous fera plus jamais de crêpes et qu’elle ne glissera plus jamais un billet de dix euros dans ma serviette du dimanche « pour acheter des glaces pendant les vacances ».
Je garde mes pensées bien enfouies. Maman a l’air trop triste.
Maman attrape ma main et la serre très fort. « Il est temps de rentrer », me chuchote-t-elle, les yeux gonflés.
Je comprends à cet instant ce que veulent dire les mots famille et amour.
Main dans la main, nous laissons mamie faire ses pirouettes dans les couloirs et rejoignons le parking.
Je sais maintenant que tant que maman sera fière de moi, nos mains ne se décrocheront pas.
Le retour en voiture semble s’éterniser. Je devine maman ailleurs que dans la voiture. Elle doit sans doute être avec mamie, peut-être même une autre mamie, enfin pas celle que je connais, plutôt celle qu’a connue maman quand elle était petite, mamie quand elle était maman de maman. Je me rends compte à l’avant-dernier feu rouge que maman aussi, elle ne sera pas toujours la maman que je regarde aujourd’hui. Je la regarde encore plus intensément, faisant semblant de regarder par la vitre.
Le téléphone de maman sonne. Maman regarde le numéro qui s’affiche, repose le téléphone, puis active le clignotant.
Quelques larmes coulent sur ses joues.
C’est arrivé très vite. Un matin, elle est allée à la boulangerie d’en bas en pyjama, puis a demandé à la boulangère où était papy.
« Papy est mort il y a plus de quinze ans », me dira maman quelques jours plus tard.
La boulangère a appelé maman qui a appelé le médecin qui a appelé une ambulance.
Depuis, mamie est à l’hôpital. Au début, maman a beaucoup pleuré, papa a beaucoup ri et moi je me suis beaucoup inquiété.
« Si je tombe malade avec plein de fièvre ou si je fais trop pipi à côté de la cuvette, maman va aussi m’envoyer à l’hôpital, comme mamie. »
Et puis, ce matin, maman a décidé de m’emmener voir mamie.
Après quelques minutes de route sans une parole, nous arrivons à l’hôpital. La chambre de mamie est vide. Je lis un livre de détresse dans les yeux de maman. Nous sortons précipitamment de la chambre. J’aperçois mamie au bout du couloir. Elle court comme un enfant. Je n’y comprends rien. Avant, mamie se tortillait comme un coquelicot sous le vent et ce matin elle galope presque aussi vite que mon copain Hugo dans la cour de récréation.
Elle passe devant nous comme un obus sans même nous regarder. Les yeux de maman s’humidifient et ne savent plus où se poser. Une infirmière s’approche de maman. Elles échangent quelques mots que je ne comprends pas. J’entends juste la dernière phrase de maman :
« S’il vous plaît, veillez à ce qu’elle prenne bien ses médicaments ».
Je regarde maman. Mais pourquoi donc s’acharner à donner ses médicaments à mamie puisqu’elle ne guérira jamais, qu’elle ne nous reconnaît même pas, qu’elle ne nous fera plus jamais de crêpes et qu’elle ne glissera plus jamais un billet de dix euros dans ma serviette du dimanche « pour acheter des glaces pendant les vacances ».
Je garde mes pensées bien enfouies. Maman a l’air trop triste.
Maman attrape ma main et la serre très fort. « Il est temps de rentrer », me chuchote-t-elle, les yeux gonflés.
Je comprends à cet instant ce que veulent dire les mots famille et amour.
Main dans la main, nous laissons mamie faire ses pirouettes dans les couloirs et rejoignons le parking.
Je sais maintenant que tant que maman sera fière de moi, nos mains ne se décrocheront pas.
Le retour en voiture semble s’éterniser. Je devine maman ailleurs que dans la voiture. Elle doit sans doute être avec mamie, peut-être même une autre mamie, enfin pas celle que je connais, plutôt celle qu’a connue maman quand elle était petite, mamie quand elle était maman de maman. Je me rends compte à l’avant-dernier feu rouge que maman aussi, elle ne sera pas toujours la maman que je regarde aujourd’hui. Je la regarde encore plus intensément, faisant semblant de regarder par la vitre.
Le téléphone de maman sonne. Maman regarde le numéro qui s’affiche, repose le téléphone, puis active le clignotant.
Quelques larmes coulent sur ses joues.
Beaucoup.
Merci.
Les gamins voient beaucoup plus que ce que l'on pense.
Un texte que j'ai apprécié, bonne journée :-)
C'est beau la folie...
Un texte de cet artiste qui dit en particulier :
" Quand la douane lui à demandé ses papiers...
Pour mieux nous protéger...
Tout en souriant, elle les a déchirés. "
À bientôt Philippe.