Ça faisait longtemps qu’il était là, coincé dans sa bulle, dans son univers de papier glacé. Toujours grand et dégingandé, il a perdu ses couleurs, délavé par le temps : soixante-dix ans. Il est célèbre, mondialement connu pour ses aventures, « L’homme qui tirait plus vite que son ombre ». Maintenant, il tire ses histoires à des milliers d’exemplaires mais toujours plus vite que les autres. Il est dans sa case bien tranquille, un peu trop à son goût. La mèche sur l’œil, il fume. Il est pensif : son monde est bien étroit maintenant. Il vit dans un cadre bien élégant cerné de noir d’encre profond. Il voudrait s’évader de sa prison dorée alors, il clope, il clope. Dans sa tête, ça galope. Devant lui un écran de fumée de brouillard, la case devient blanche. Il tire une balle qui fait exploser le cadre. Éclats de verre, BING, BANG.
Ouf ! Ça y est ! Il est dehors, à lui les grands espaces, le Wild Wild West. Il siffle.
— Où est Jolly Jumper ?
Il ne vient pas. Il le voit sur une affiche qui lui sourit.
— Hello Luke, fini de faire le canasson. Tu as vu ma crinière et mes jambes fuselées ? Maintenant, je pose avec Averell. Tu te souviens le plus beau des Dalton. Il est mannequin maintenant.
— Pff ! n’importe quoi.
Déçu, il hèle un taxi jaune. Il arrive à pic : il a toujours été chanceux.
— En route, prenons la route 66 !
La caisse, elle en a sous le capot : 70 chevaux. De sa fenêtre, défilent des montagnes râpeuses, ocres et rouges : l’immensité sans limites. Le ciel est d’un bleu azur. Devant lui, l’asphalte, la ligne jaune et autour de lui des roches oxyde de fer et cuivrées aux formes bizarres. Là, un éléphant, ici une chouette. Ça lui revient, il est à Monument Valley ; il s’est souvent baladé avec John Wayne. HI HA !
Il demande au taxi de l’arrêter là. Le cab ne souhaite pas être réglé, mais avoir un autographe. Il saute dehors et avance les jambes arquées. Devant lui, se tient un vieux navajo un peu bouffi, la plume en berne.
Luke va à sa rencontre et tente sa chance.
— Hi, lui lance le peau rouge, ça faisait longtemps.
— Salut mon pote, qu’est-ce que tu fous maintenant ?
— Bah, comme tu vois, je vends des poteries et des colliers en turquoise pour les touristes.
— Et ta tribu, elle ne galope plus ?
Kokopelly rit :
— Non, non mon gars. Le soir seulement quand le soleil se couche et se noie avec les roches en fusion. On s’est reconvertis. Fini le western à papa. Le jour, on fait faire des tours de jeep aux touristes. Va voir mon fils, il est là-bas.
Luke curieux saute dans le quatre-quatre. Ça secoue. Devant lui se dressent les roches nues érectiles dans la poussière flamboyante. Il n’y voit plus rien, il tousse.
— Hé, papi, où allons-nous ?
— A la prison d’Alcatraz, les Dalton doivent y être encore.
— Les Dalton ? interroge le jeune navajo.
Il sourit.
— Cela fait belle lurette qu’ils n’y sont plus. Ils portent des costumes rayés mais des trois pièces croisés maintenant. Ils ont confié leur histoire à un nègre qui en a fait un roman.
— Ah bon, et Donald qu’est-il devenu ?
— Ha lui, il trompe tout le monde. Finis les santiags et le stetson. Avec sa moumoute et ses westons, il vient de se faire élire shérif.
— Zut alors, plus de duels, de règlements de comptes à O.K. Corral ? Moi qui souhaitais reprendre l’entraînement...
— Non mon gars, terminé, maintenant c’est la bataille des ondes et des déclarations. C’est à celui qui casse le plus vite que son ombre.
Luke allume sa clope et tire dessus comme un pompier. Rien n’est plus comme avant, tout s’évapore. Puis soudain, dans un écran de fumée, il s’est envolé.
Ouf ! Ça y est ! Il est dehors, à lui les grands espaces, le Wild Wild West. Il siffle.
— Où est Jolly Jumper ?
Il ne vient pas. Il le voit sur une affiche qui lui sourit.
— Hello Luke, fini de faire le canasson. Tu as vu ma crinière et mes jambes fuselées ? Maintenant, je pose avec Averell. Tu te souviens le plus beau des Dalton. Il est mannequin maintenant.
— Pff ! n’importe quoi.
Déçu, il hèle un taxi jaune. Il arrive à pic : il a toujours été chanceux.
— En route, prenons la route 66 !
La caisse, elle en a sous le capot : 70 chevaux. De sa fenêtre, défilent des montagnes râpeuses, ocres et rouges : l’immensité sans limites. Le ciel est d’un bleu azur. Devant lui, l’asphalte, la ligne jaune et autour de lui des roches oxyde de fer et cuivrées aux formes bizarres. Là, un éléphant, ici une chouette. Ça lui revient, il est à Monument Valley ; il s’est souvent baladé avec John Wayne. HI HA !
Il demande au taxi de l’arrêter là. Le cab ne souhaite pas être réglé, mais avoir un autographe. Il saute dehors et avance les jambes arquées. Devant lui, se tient un vieux navajo un peu bouffi, la plume en berne.
Luke va à sa rencontre et tente sa chance.
— Hi, lui lance le peau rouge, ça faisait longtemps.
— Salut mon pote, qu’est-ce que tu fous maintenant ?
— Bah, comme tu vois, je vends des poteries et des colliers en turquoise pour les touristes.
— Et ta tribu, elle ne galope plus ?
Kokopelly rit :
— Non, non mon gars. Le soir seulement quand le soleil se couche et se noie avec les roches en fusion. On s’est reconvertis. Fini le western à papa. Le jour, on fait faire des tours de jeep aux touristes. Va voir mon fils, il est là-bas.
Luke curieux saute dans le quatre-quatre. Ça secoue. Devant lui se dressent les roches nues érectiles dans la poussière flamboyante. Il n’y voit plus rien, il tousse.
— Hé, papi, où allons-nous ?
— A la prison d’Alcatraz, les Dalton doivent y être encore.
— Les Dalton ? interroge le jeune navajo.
Il sourit.
— Cela fait belle lurette qu’ils n’y sont plus. Ils portent des costumes rayés mais des trois pièces croisés maintenant. Ils ont confié leur histoire à un nègre qui en a fait un roman.
— Ah bon, et Donald qu’est-il devenu ?
— Ha lui, il trompe tout le monde. Finis les santiags et le stetson. Avec sa moumoute et ses westons, il vient de se faire élire shérif.
— Zut alors, plus de duels, de règlements de comptes à O.K. Corral ? Moi qui souhaitais reprendre l’entraînement...
— Non mon gars, terminé, maintenant c’est la bataille des ondes et des déclarations. C’est à celui qui casse le plus vite que son ombre.
Luke allume sa clope et tire dessus comme un pompier. Rien n’est plus comme avant, tout s’évapore. Puis soudain, dans un écran de fumée, il s’est envolé.
(et après ces grands espaces, je t'invite par delà les signaux de fumée, à venir écouter les nuages ... http://short-edition.com/oeuvre/poetik/ecouter-les-nuages)