L’impact des gouttes sur le métal émaillé de la bassine posée au sol venait de cesser. Justine échappa quelques larmes de désespoir. Elle savait pourtant que ça allait cesser. Elle avait... [+]
— Allo, Simone ? Les cerises sont mûres !
Huguette raccrocha sans quitter des yeux La Colombine, un beau chalutier de 22 mètres.
— Raymond l’a bien choisi, se dit-elle.
Simone s’était avancée le long du quai dans la nuit avec un 20 m3 de location dès réception de l’appel. Elle atteignit le chalutier où deux marins fumaient leurs cigarettes sur le pont. Elle stoppa brutalement devant eux et les interpella en prenant un air affolé.
— Messieurs, par pitié, aidez-moi ! Une armoire s’est renversée sur mon mari dans le camion pendant qu’il la calait. Il ne me répond plus.
Les deux hommes se précipitèrent, ouvrirent la porte arrière et sautèrent dans la caisse. Au fond, dans la pénombre, ils devinèrent un corps sous une armoire massive.
— Aide-moi, dit Fabian !
— Mais qu’est ce que…, fit Matias. C’est un mannequin !
Un bruit sec les priva de liberté et de lumière. Raymond verrouilla la porte pendant que Simone faisait vrombir le moteur pour couvrir le bruit des deux prisonniers.
— Vas-y ! Fonce ! Lucette t’attend !
— Simone démarra et sortit de la ville endormie. Elle prit la direction de la forêt.
Raymond monta à bord et accéda à la timonerie pendant qu’Huguette lançait un nouvel appel :
— Allo Geneviève ? Les cerises sont cueillies !
Elle rejoignit le navire à petits pas.
Raymond souriait. Ses doigts couraient sur les instruments. Les niveaux étaient corrects et lorsqu’il put presser sur ‘START’ le moteur émit un bruit rond et régulier. Raymond ferma les yeux et ses campagnes de pêche remontèrent à la surface. Elles étaient enfouies depuis son enterrement vivant dans le foyer logement d’où il ne voyait même pas la mer. Il vissa sur son crane, une casquette élimée et un sourire radieux illumina son visage.
Le trafic aménagé, ‘emprunté’ au foyer, apporta Marie-Louise affectueusement enlevée par un commando de vieilles dames. Tous savaient ce qu’ils risquaient. Surtout Raymond, sans qui leur projet était impossible. Il se précipita pour installer une large planche servant de coupée.
— Et bien ? Me direz-vous où vous m’emmenez ?, lança Marie-Louise alors qu’on la débarquait sur son fauteuil roulant.
— Patience, répondit Geneviève à la centenaire aux yeux bandés. C’est une surprise !
Marie-Louise fût transbordée avec peine alors qu’Huguette arrivait, suivie de Lucette, ramenant Simone.
Raymond manœuvra habilement et les femmes purent larguer les amarres. La dernière à bord, le navire s’éloigna pour rejoindre la passe. Toutes s’étaient dissimulées pour ne pas attirer l’attention des autres bateaux à quai.
Raymond était à son affaire. Simone le rejoignit à la barre.
— Tu crois qu’on va nous laisser prendre la mer ?
— Si on parvient à quitter le port sans être repéré, ça ira.
— Mais on sera détecté au radar…
— Oui mais je connais le moyen de les leurrer… Je n’ai pas transporté que du poisson !, précisa-t-il avec un clin d’œil.
La Colombine doubla le phare de la jetée. La mer était d’huile et la nuit absolue.
Les femmes sortirent et humèrent le vent du large. Un sentiment de liberté les fit vibrer. Le foyer logement était déjà loin. On retira le bandeau de Marie-Louise et elle fut mise au courant de ce qui avait été réalisé pour elle.
— Mais vous êtes folles !, s’exclama-t-elle. Et Raymond encore plus ! Quand la police va découvrir tout ça. Elle sera très fâchée.
— Ne t’inquiète pas, Marie-Louise, dit Paloma. Ce qui compte, c’est que tu puisses exaucer ton vœu. D’autant plus qu’aujourd’hui, tu fêtes tes cent ans !
La colombine navigua jusqu’au lever du jour et atteint la position où, en 1943, le sous-marin Protée avait été coulé. L’épave avait été retrouvée en 1995 par une équipe d’exploration. Raymond coupa le moteur et le silence se fit. Lucette remit à Marie-Louise une brassée de roses blanches et l’approcha de l’eau. Tout le monde se regroupa près d’elle. La centenaire sourit. Un merci chargé d’émotion jaillit de sa bouche. Simone parla :
— Marie-Louise, en ce jour spécial, nous avons tenu à exaucer ton vœu le plus cher : celui de te recueillir là où ton mari chéri a disparu. Cela t’a toujours été refusé par toutes ces personnes bien intentionnées qui ont mis nos vies entre parenthèses jusqu’à notre mort. Soit disant pour notre bien. Aujourd’hui tu es libre de vivre ta passion. Nous partagerons entièrement ce bonheur.
Tous applaudirent et permirent à Marie-Louise de se recueillir pendant un très long moment dans un silence absolu. Ensuite la centenaire, aidée de ses amies, dispersa les fleurs sur l’eau. Les regards les suivirent jusqu’à ce qu’elles fussent englouties.
— Et maintenant ?, demanda Geneviève.
— J’ai une idée, fit Raymond en attrapant le sac qu’il avait emporté. Puisque nous sommes officiellement des pirates, je vous propose d’en jouer.
Il sortit un tricorne orné d’une tête de mort et le posa sur la tête de Marie-Louise.
— Voici notre capitaine ! Et vous et moi, mes amies !, s’écria t-il en vidant le sac sur le pont. Nous serons l’équipage !
Multitude de chapeaux, foulards, fausses barbes, ceintures, cache-œils et fausses armes furent partagés dans de grands éclats de rires.
Raymond prit le drapeau noir à la tête de mort qu’il avait confectionné en cachette. Il le hissa à la place du pavillon.
— J’ai toujours rêvé faire ça !, dit-il avec délice.
Il s’adressa à son capitaine parée de faux bijoux clinquants.
— Et maintenant, Capitaine ? Quelles sont vos instructions ?
Tout l’équipage affublé comme une horde de brigands attendait les ordres.
Alors le capitaine Marie-Louise leva son sable doré et lança du plus fort que ses poumons le lui permettaient encore :
— Cap sur l’île au trésor, Maître Raymond !
— Hourra !, lui répondit l’équipage. Hourra !
Quand le garde-côtes aborda la Colombine par tribord, les militaires ne purent garder un air sévère en découvrant la bande de zigotos appuyés au bastingage, brandissant mousquets et sables de plastique dans de joyeux « A l’abordage ! ».
— Tu vois, Marie-Louise, ils ne sont pas fâchés !, s’écria Lucette en se tournant vers son capitaine.
A bâbord, contre le bastingage, le fauteuil était vide.
Huguette raccrocha sans quitter des yeux La Colombine, un beau chalutier de 22 mètres.
— Raymond l’a bien choisi, se dit-elle.
Simone s’était avancée le long du quai dans la nuit avec un 20 m3 de location dès réception de l’appel. Elle atteignit le chalutier où deux marins fumaient leurs cigarettes sur le pont. Elle stoppa brutalement devant eux et les interpella en prenant un air affolé.
— Messieurs, par pitié, aidez-moi ! Une armoire s’est renversée sur mon mari dans le camion pendant qu’il la calait. Il ne me répond plus.
Les deux hommes se précipitèrent, ouvrirent la porte arrière et sautèrent dans la caisse. Au fond, dans la pénombre, ils devinèrent un corps sous une armoire massive.
— Aide-moi, dit Fabian !
— Mais qu’est ce que…, fit Matias. C’est un mannequin !
Un bruit sec les priva de liberté et de lumière. Raymond verrouilla la porte pendant que Simone faisait vrombir le moteur pour couvrir le bruit des deux prisonniers.
— Vas-y ! Fonce ! Lucette t’attend !
— Simone démarra et sortit de la ville endormie. Elle prit la direction de la forêt.
Raymond monta à bord et accéda à la timonerie pendant qu’Huguette lançait un nouvel appel :
— Allo Geneviève ? Les cerises sont cueillies !
Elle rejoignit le navire à petits pas.
Raymond souriait. Ses doigts couraient sur les instruments. Les niveaux étaient corrects et lorsqu’il put presser sur ‘START’ le moteur émit un bruit rond et régulier. Raymond ferma les yeux et ses campagnes de pêche remontèrent à la surface. Elles étaient enfouies depuis son enterrement vivant dans le foyer logement d’où il ne voyait même pas la mer. Il vissa sur son crane, une casquette élimée et un sourire radieux illumina son visage.
Le trafic aménagé, ‘emprunté’ au foyer, apporta Marie-Louise affectueusement enlevée par un commando de vieilles dames. Tous savaient ce qu’ils risquaient. Surtout Raymond, sans qui leur projet était impossible. Il se précipita pour installer une large planche servant de coupée.
— Et bien ? Me direz-vous où vous m’emmenez ?, lança Marie-Louise alors qu’on la débarquait sur son fauteuil roulant.
— Patience, répondit Geneviève à la centenaire aux yeux bandés. C’est une surprise !
Marie-Louise fût transbordée avec peine alors qu’Huguette arrivait, suivie de Lucette, ramenant Simone.
Raymond manœuvra habilement et les femmes purent larguer les amarres. La dernière à bord, le navire s’éloigna pour rejoindre la passe. Toutes s’étaient dissimulées pour ne pas attirer l’attention des autres bateaux à quai.
Raymond était à son affaire. Simone le rejoignit à la barre.
— Tu crois qu’on va nous laisser prendre la mer ?
— Si on parvient à quitter le port sans être repéré, ça ira.
— Mais on sera détecté au radar…
— Oui mais je connais le moyen de les leurrer… Je n’ai pas transporté que du poisson !, précisa-t-il avec un clin d’œil.
La Colombine doubla le phare de la jetée. La mer était d’huile et la nuit absolue.
Les femmes sortirent et humèrent le vent du large. Un sentiment de liberté les fit vibrer. Le foyer logement était déjà loin. On retira le bandeau de Marie-Louise et elle fut mise au courant de ce qui avait été réalisé pour elle.
— Mais vous êtes folles !, s’exclama-t-elle. Et Raymond encore plus ! Quand la police va découvrir tout ça. Elle sera très fâchée.
— Ne t’inquiète pas, Marie-Louise, dit Paloma. Ce qui compte, c’est que tu puisses exaucer ton vœu. D’autant plus qu’aujourd’hui, tu fêtes tes cent ans !
La colombine navigua jusqu’au lever du jour et atteint la position où, en 1943, le sous-marin Protée avait été coulé. L’épave avait été retrouvée en 1995 par une équipe d’exploration. Raymond coupa le moteur et le silence se fit. Lucette remit à Marie-Louise une brassée de roses blanches et l’approcha de l’eau. Tout le monde se regroupa près d’elle. La centenaire sourit. Un merci chargé d’émotion jaillit de sa bouche. Simone parla :
— Marie-Louise, en ce jour spécial, nous avons tenu à exaucer ton vœu le plus cher : celui de te recueillir là où ton mari chéri a disparu. Cela t’a toujours été refusé par toutes ces personnes bien intentionnées qui ont mis nos vies entre parenthèses jusqu’à notre mort. Soit disant pour notre bien. Aujourd’hui tu es libre de vivre ta passion. Nous partagerons entièrement ce bonheur.
Tous applaudirent et permirent à Marie-Louise de se recueillir pendant un très long moment dans un silence absolu. Ensuite la centenaire, aidée de ses amies, dispersa les fleurs sur l’eau. Les regards les suivirent jusqu’à ce qu’elles fussent englouties.
— Et maintenant ?, demanda Geneviève.
— J’ai une idée, fit Raymond en attrapant le sac qu’il avait emporté. Puisque nous sommes officiellement des pirates, je vous propose d’en jouer.
Il sortit un tricorne orné d’une tête de mort et le posa sur la tête de Marie-Louise.
— Voici notre capitaine ! Et vous et moi, mes amies !, s’écria t-il en vidant le sac sur le pont. Nous serons l’équipage !
Multitude de chapeaux, foulards, fausses barbes, ceintures, cache-œils et fausses armes furent partagés dans de grands éclats de rires.
Raymond prit le drapeau noir à la tête de mort qu’il avait confectionné en cachette. Il le hissa à la place du pavillon.
— J’ai toujours rêvé faire ça !, dit-il avec délice.
Il s’adressa à son capitaine parée de faux bijoux clinquants.
— Et maintenant, Capitaine ? Quelles sont vos instructions ?
Tout l’équipage affublé comme une horde de brigands attendait les ordres.
Alors le capitaine Marie-Louise leva son sable doré et lança du plus fort que ses poumons le lui permettaient encore :
— Cap sur l’île au trésor, Maître Raymond !
— Hourra !, lui répondit l’équipage. Hourra !
Quand le garde-côtes aborda la Colombine par tribord, les militaires ne purent garder un air sévère en découvrant la bande de zigotos appuyés au bastingage, brandissant mousquets et sables de plastique dans de joyeux « A l’abordage ! ».
— Tu vois, Marie-Louise, ils ne sont pas fâchés !, s’écria Lucette en se tournant vers son capitaine.
A bâbord, contre le bastingage, le fauteuil était vide.
Merci Lélie de ces agréables commentaires
Puisque vous semblez apprécier mes récits, je vous invite à lire "Billet de sortie" (jamais deux sans trois :-) )
N'hésitez pas à jeter un coup d oeil à mon dessin finaliste pour me soutenir : https://short-edition.com/fr/oeuvre/strips/poudlard-3?all-comments=1&update_notif=1533195954#fos_comment_2874290
Je vous invite également à découvrir ma peinture pour le concours Harry Potter
https://short-edition.com/fr/oeuvre/strips/dumbledores-tattoo-1
Je participe aussi à un concours de dessin en finale si tu veux jeter un coup d’oeil: https://short-edition.com/fr/oeuvre/strips/victoire-weasley
Belle maîtrise
Merci Marsile