En ces jours mouillés, désespérants de décembre, lorsque les nuages reposent sur la terre et tardent à se lever. Quand les sombres matins ressemblent à des crépuscules, les humains en souffrance, de corps épuisés, qui n’ont que peu d’attrait pour leur petite vie, sans même un rai de soleil auquel s’accrocher, se laissent mourir.
D’autres, se croyant forts encore, exercent leur activité ou leur loisir intensément. Et négligeant les malaises annonciateurs du pire, s’écroulent en plein tourbillon de leurs obligations ou de leur plaisir.
Je ne sais pas quelle sera ma fin, je voudrais que l’on puisse dire après :
« Il a fait une belle mort. »
Ce qui voudra dire une fin de vie brève, sans trop de dépendance, lucide presque jusqu’au bout, sans souffrance physique intense.
Je sais la douleur d’une femme, mère aussi, dont le vieux papa qu’elle vénère, perdu d’esprit, n’a pas su la nommer par son prénom, ne l’a même pas reconnue. Elle est la dernière de la fratrie, pas mieux ni moins aimée que les autres, mais a grandi avec l’attention affective que l’on accorde aux êtres les plus vulnérables de la famille. Ce père qu’elle considérait, il y a peu comme son modèle, son protecteur, ne la connait plus. Elle se sent reniée, trahie, comme abandonnée, et comprend que c’est son père qui maintenant aura besoin d’elle, sans qu’elle attende de lui un signe de reconnaissance.
Je crains autant la déchéance physique que la déchéance intellectuelle. Quand l’esprit avec un reste de raison ne commande plus son propre corps, quand les muscles atrophiés n’obéissent plus aux ordres du cerveau. J’ai vu quelques uns de ces êtres, hier encore responsables, maîtres d’eux-mêmes, devenus incapables de contrôler leurs excrétions et souillés, pleurer d’humiliation. Et moi spectateur qui n’aurais pas dû être là, j’étais humilié aussi de voir ces hommes en ruine. L’humiliation d’autrui est insupportable.
La fin des êtres humains est quelque fois inhumaine.
Un tendre et vigoureux plaidoyer pour une fin digne.
Champolion