20 juillet 2013. J’ai pris la photo comme on vole un bonbon. Sans réfléchir. Dans l’urgence. Le sommet enneigé m’a sauté au visage alors que, les bras serrés autour de ton corps... [+]
La vie est un gratin de pommes arrosé de Charles Dickens
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Finaliste
Jury
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Marie avait sept ans lorsqu’elle se prit d’une passion dévorante pour la cuisine, au cours de l’été 43. Quand elle comprit que ses parents cachaient un couple juif et leur fils de huit ans dans la cave de leur petite épicerie, elle trouva enfin un but à cette vie qui avait jusque-là brisé tous ses rêves d’enfant.
Elle s’appliquait chaque jour à confectionner tartes aux quetsches et gratins de pommes de terre aux herbes, et répétait sans cesse à sa mère : « Il faut leur faire aimer la vie », avant d’ajouter, comme pour elle-même : « sinon, à quoi ça sert tout ça... ». Elle accompagnait toujours ses plats d’un livre de sa bibliothèque à l’attention du jeune Gabriel, des Histoires extraordinaires de Poe aux romans de Charles Dickens, ses auteurs préférés. Marie devint ainsi la petite lumière du jeune garçon, sa compagne de lecture et de concours des plus belles moustaches au chocolat.
Gabriel garda de cette période le parfum d’un bonheur aussi surprenant – au vu du contexte –, qu’intense. Peu avant la libération, il dut partir précipitamment avec ses parents. Marie n’eut pas l’occasion de leur dire au revoir. Elle pleura longtemps mais s’appliqua à mitonner plats et gâteaux savoureux comme pour continuer à croire en cette lumière que Gabriel avait révélée.
Quinze ans plus tard, l’avènement de la télévision vit apparaître les premières émissions consacrées, entre autres, à la Résistance et aux héros anonymes de la guerre. Marie fut invitée avec ses parents à venir apporter son témoignage sur un plateau télé. Elle était devenue chef cuisinière et aspirait à ouvrir rapidement son propre restaurant.
Cernée par les caméras, les journalistes et les autres invités, elle n’aperçut pas tout de suite le jeune homme qui s’était timidement avancé sur le plateau, impressionné lui aussi par la révolution télévisuelle et son organisation. Lui, par contre, ne vit qu’elle. Et les souvenirs reprirent en un instant leur vraie stature. Les yeux mutins de ses sept ans, son sourire démoniaque quand elle maquillait ses dents de mousse au chocolat, l’odeur des livres qu’elle lui prêtait, cette odeur rassurante qu’ont les rêves possibles, Marie-gratin, Marie-lutin, Marie-destin.
Lorsque Marie tourna enfin les yeux et reconnut Gabriel, elle sut d’instinct qu’une renaissance s’annonçait. Le premier jour du reste de sa vie.
Gabriel consacra sa vie à l’écriture tandis que Marie n’eut de cesse d’innover en matière de cuisine et gagna vite une renommée nationale. Ils n’eurent jamais de doute sur la force du destin qui les avait d’abord unis puis réunis. Leur amour fut toujours une évidence et un exemple.
Et sans eux, sans ces grands-parents au destin singulier, je ne serai pas là aujourd’hui.
Elle s’appliquait chaque jour à confectionner tartes aux quetsches et gratins de pommes de terre aux herbes, et répétait sans cesse à sa mère : « Il faut leur faire aimer la vie », avant d’ajouter, comme pour elle-même : « sinon, à quoi ça sert tout ça... ». Elle accompagnait toujours ses plats d’un livre de sa bibliothèque à l’attention du jeune Gabriel, des Histoires extraordinaires de Poe aux romans de Charles Dickens, ses auteurs préférés. Marie devint ainsi la petite lumière du jeune garçon, sa compagne de lecture et de concours des plus belles moustaches au chocolat.
Gabriel garda de cette période le parfum d’un bonheur aussi surprenant – au vu du contexte –, qu’intense. Peu avant la libération, il dut partir précipitamment avec ses parents. Marie n’eut pas l’occasion de leur dire au revoir. Elle pleura longtemps mais s’appliqua à mitonner plats et gâteaux savoureux comme pour continuer à croire en cette lumière que Gabriel avait révélée.
Quinze ans plus tard, l’avènement de la télévision vit apparaître les premières émissions consacrées, entre autres, à la Résistance et aux héros anonymes de la guerre. Marie fut invitée avec ses parents à venir apporter son témoignage sur un plateau télé. Elle était devenue chef cuisinière et aspirait à ouvrir rapidement son propre restaurant.
Cernée par les caméras, les journalistes et les autres invités, elle n’aperçut pas tout de suite le jeune homme qui s’était timidement avancé sur le plateau, impressionné lui aussi par la révolution télévisuelle et son organisation. Lui, par contre, ne vit qu’elle. Et les souvenirs reprirent en un instant leur vraie stature. Les yeux mutins de ses sept ans, son sourire démoniaque quand elle maquillait ses dents de mousse au chocolat, l’odeur des livres qu’elle lui prêtait, cette odeur rassurante qu’ont les rêves possibles, Marie-gratin, Marie-lutin, Marie-destin.
Lorsque Marie tourna enfin les yeux et reconnut Gabriel, elle sut d’instinct qu’une renaissance s’annonçait. Le premier jour du reste de sa vie.
Gabriel consacra sa vie à l’écriture tandis que Marie n’eut de cesse d’innover en matière de cuisine et gagna vite une renommée nationale. Ils n’eurent jamais de doute sur la force du destin qui les avait d’abord unis puis réunis. Leur amour fut toujours une évidence et un exemple.
Et sans eux, sans ces grands-parents au destin singulier, je ne serai pas là aujourd’hui.

Un texte rempli de tendresses avec un titre très attirant.
Un plaisir de découvrir votre page et de vous lire Céline.
Bonne continuation!