Elle détalait à toute vitesse, sans regarder derrière elle. Elle avait peur. Elle venait de s’évader et se sentait poursuivie. La luminosité de cette journée ensoleillée lui faisait mal aux yeux, et lui brûlait le visage. C’est qu’elle était restée si longtemps enfermée dans cette cave sombre, sans même un soupirail pour faire pénétrer la lumière du jour. A force, ses yeux s’étaient habitués au noir. Un silence oppressant régnait dans cet endroit. Elle avait dû dompter ce calme inquiétant, guettant le moindre bruissement. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était restée emprisonnée dans ce lugubre lieu. Elle n’avait plus la notion du temps. Sa captivité avait été rythmée par deux évènements qu’elle pensait journaliers : la gamelle de bouillie infecte qu’on lui apportait pour toute nourriture et le changement de seau d’aisance. Elle avait finie par s’y faire et même à attendre et désirer ses interruptions qui scandaient sa solitude.
Maintenant elle s’était enfuie et courait aussi vite qu’elle le pouvait, sans savoir où elle allait. Elle se sentait poursuivie et elle avait peur. Dés qu’elle regardait au-dessus de son épaule, elle LE voyait là, tout près derrière elle, prêt à lui sauter dessus. Il avait une forme presqu’humaine, il était gris comme les ombres qui venaient lui servir son immonde repas. Elle entendait ses pas qui la suivaient. Si elle ralentissait, il ralentissait lui aussi. Si elle accélérait, il pressait le pas. Elle sentait son souffle chaud sur tout son corps.
L’angoisse la saisit et l’envahit peu à peu jusqu’à l’étouffer. Il fallait qu’elle trouve un endroit pour se cacher et se reposer un peu. La captivité avait quelque peu atrophié ses facultés à courir sans effort et elle se sentait dépouillée de souffle, de force et d’énergie.
Elle crut reconnaître l’arbre creux où elle jouait à la tombée du soir, quand elle était toute petite, juste avant qu’on ne l’enferme dans cette cave abominable.
S’aidant des branches basses, elle se hissa jusqu’au creux de l’arbre. Elle se rendit compte qu’elle n’était plus suivie, il n’y avait plus cette forme effrayante derrière elle, elle n’entendait plus ces affreux pas raisonner à ses oreilles. Elle se sentit à l’abri et s’endormit. Elle dut dormir très longtemps car lorsqu’elle ouvrit les yeux une nouvelle journée se levait, ensoleillée comme la veille. Avec précaution, elle descendit de son abri nocturne. Il fallait qu’elle parte le plus loin possible. La peur l’assaillit de nouveau en constatant que son poursuivant l’avait retrouvée et la suivait encore de tout près. Il était derrière elle et elle entendait de nouveau ses pas, elle sentait de nouveau son souffle brûlant. Elle avait l’affreuse sensation qu’elle ne pourrait jamais s’en sortir. Elle se laissa tomber dans un fossé, sur le bord du chemin.
Le choc de la chute la réveilla en sursaut. Elle venait de tomber de son lit. Encore cet affreux cauchemar !
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Clara était une enfant de lune. Elle ne pouvait pas sortir, elle n’en avait pas le droit. Cela aurait été trop dangereux pour elle, la lumière pouvait la tuer. Même les fenêtres de sa chambre et de sa salle de jeux étaient occultées par d’épais rideaux noirs. De temps en temps on lui allumait une veilleuse pour qu’elle puisse lire, mais jamais très longtemps, et il y avait ce régime alimentaire, fait de bouillis insipides et de nutriments spéciaux, peu goûteux, qu’on lui infligeait. Elle avait à peine 2 ans lorsque cette maladie bizarre s’était déclenchée. Depuis, elle était condamnée à l’obscurité.
Une fois, une seule, trompant la vigilance de ses parents, elle avait tenté une escapade dans le parc de la maison. C’était un matin, il y avait du soleil. Cela lui avait brûlé les yeux. Son ombre l’avait terrorisée, elle ne savait pas ce que c’était ; le bruit de ses pas sur les cailloux de l’allée l’avait effrayée. Elle s’était crue poursuivie par un monstre. Elle était vite rentrée à l’abri dans sa chambre noire. L’ombre monstrueuse, avec son souffle brûlant lui avait entamé la peau ; Elle avait des cloques sur le visage, les bras et les jambes. Ses parents n’avaient rien compris, ils ne l’avaient pas vu sortir. Depuis, elle était condamnée à encore plus d’obscurité. Depuis, elle faisait ce cauchemar récurrent. Elle pensait que, là, dehors, un monstre fait d’ombre et de chaleur la guettait pour lui dévorer le corps à petit feu. Clara venait d’avoir 9 ans. Elle savait que plus jamais elle ne sortirait de sa chambre noire. Elle n’en avait d’ailleurs aucune envie.
Mes voix
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Aimerez-vous mon soleil nocturne ou ma fourchette d'or ? Merci au cas où...
Bonne chance