Bonjour.
Je m’appelle Brunette.
J’ai 14 ans.
C’est mon androïde-Mère qui m’a appelé comme ça. Bon, ce jour-là elle devait avoir un problème de connexion réseau car je suis blonde comme le ciel.
Je ne veux plus vivre ici. Ils disent que c’est le paradis, mais je sais qu'il y en a qui sont partis. Je le sais.
« Tu as tout ce qu’il faut, la vie y est belle, tu as le Temps ».
J’ai entendu le Père Suprême parler du chemin vers la brume, là-haut, j’ai été fureter chez lui, c’est vrai, quand il dormait. J’ai vu le parchemin, j’ai mémorisé le plan. Ça va être dur, je sais, mais d’autres l’ont fait.
« Ne pars pas !! Ne pars pas Brunette !! Tu vas perdre le Temps ! ».
Mais qu’est-ce qu’ils me racontent !! Rester dans votre monde « parfait » : non.
Je cours je cours je grimpe, il fait de plus en plus froid, j’ai mal aux jambes, mes cheveux s’emmêlent sur ces fils qui parsèment ce brouillard. Où est le chemin ? Ah il est là. Vite vite, je ne les entends plus derrière moi mais on ne sait jamais.
La Liberté est là, la Liberté est là ! Je vois du bleu ? Du bleu ! C’est quoi ? C’est froid ? C’est blanc ! Le vieux disait que ça existait dans le monde du Haut, de la neige je crois.
Oh merci ! Que c’est beau, c’est grand ! Mon regard n’est pas habitué à voir aussi loin je dois dire, il va falloir que je m’y fasse, ça va venir ! Je suis fatiguée quand même un peu là, je vais m’assoir, tiens.
Oui, je suis vraiment fatiguée. Et puis j’ai mal aux jambes, vraiment, et aux mains, elles me tirent. On dirait même qu’elles rapetissent un peu. Non ! Elles se flétrissent ?! Mon visage me tire, qu’il me tire, on dirait qu’il se sèche... se sèche. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je suis fatiguée... fatiguée. Mes yeux, je n’arrive plus à les laisser ouverts, je n’arrive plus...
C’était la tournée d’inspection d’OP-612.
Il trébucha, sur un corps. Encore une qui a voulu traverser la brume et les fils de la vie. Elle a perdu le Temps... comme les autres.
Il caressa délicatement... il était programmé pour ça... le visage de cette vieille femme sans âge. Juste avant qu’elle ne devienne cendres.
Comme les autres.
"Memento quia pulvis es".
Je m’appelle Brunette.
J’ai 14 ans.
C’est mon androïde-Mère qui m’a appelé comme ça. Bon, ce jour-là elle devait avoir un problème de connexion réseau car je suis blonde comme le ciel.
Je ne veux plus vivre ici. Ils disent que c’est le paradis, mais je sais qu'il y en a qui sont partis. Je le sais.
« Tu as tout ce qu’il faut, la vie y est belle, tu as le Temps ».
J’ai entendu le Père Suprême parler du chemin vers la brume, là-haut, j’ai été fureter chez lui, c’est vrai, quand il dormait. J’ai vu le parchemin, j’ai mémorisé le plan. Ça va être dur, je sais, mais d’autres l’ont fait.
« Ne pars pas !! Ne pars pas Brunette !! Tu vas perdre le Temps ! ».
Mais qu’est-ce qu’ils me racontent !! Rester dans votre monde « parfait » : non.
Je cours je cours je grimpe, il fait de plus en plus froid, j’ai mal aux jambes, mes cheveux s’emmêlent sur ces fils qui parsèment ce brouillard. Où est le chemin ? Ah il est là. Vite vite, je ne les entends plus derrière moi mais on ne sait jamais.
La Liberté est là, la Liberté est là ! Je vois du bleu ? Du bleu ! C’est quoi ? C’est froid ? C’est blanc ! Le vieux disait que ça existait dans le monde du Haut, de la neige je crois.
Oh merci ! Que c’est beau, c’est grand ! Mon regard n’est pas habitué à voir aussi loin je dois dire, il va falloir que je m’y fasse, ça va venir ! Je suis fatiguée quand même un peu là, je vais m’assoir, tiens.
Oui, je suis vraiment fatiguée. Et puis j’ai mal aux jambes, vraiment, et aux mains, elles me tirent. On dirait même qu’elles rapetissent un peu. Non ! Elles se flétrissent ?! Mon visage me tire, qu’il me tire, on dirait qu’il se sèche... se sèche. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je suis fatiguée... fatiguée. Mes yeux, je n’arrive plus à les laisser ouverts, je n’arrive plus...
C’était la tournée d’inspection d’OP-612.
Il trébucha, sur un corps. Encore une qui a voulu traverser la brume et les fils de la vie. Elle a perdu le Temps... comme les autres.
Il caressa délicatement... il était programmé pour ça... le visage de cette vieille femme sans âge. Juste avant qu’elle ne devienne cendres.
Comme les autres.
"Memento quia pulvis es".
Merci pour cette découverte en tout cas !
Il y a, dans cette finale, des textes de moins bonne qualité, mais le système de votes est ce qu'il est et cela fait partie du jeu... Ce système est un bon système parce qu'il récompense les gens qui votent et font des commentaires sur les textes mais il a aussi un effet pervers : il ne reflète pas réellement les goûts du public.
Je vous invite donc à venir prolonger le plaisir en participant à la "sélection du public" du Festival Off, sur le forum : http://short-edition.com/fr/forum/la-fabrique/imaginarius-2017-le-festival-off
Que la fête continue et longue vie au prix Imaginarius !
merci Miraje !
Si vous souhaitez un commentaire précis et argumenté, n'hésitez pas à demander et, de même, ne vous gênez pas pour venir commenter, critiquer ou même détester ma "Frontière de brumes"...
J'irai voir le vôtre, et vous dirai avec toute ma subjectivité !
Mais d'abord, je voudrais souligner le petit défaut de votre narration, qui est un défaut assez fréquent dans ce concours d'après ce que j'ai pu constater et qui concerne le point de vue narratif. Vous débutez votre récit par "Bonjour. Je m'appelle Brunette. J'ai 14 ans" : cela laisse à penser que Brunette s'adresse directement à nous, lecteurs, pour nous raconter son histoire. Or ce n'est pas possible puisqu'elle meurt avant la fin du texte : nul ne peut, a priori, raconter sa propre mort. Pour cela, vous êtes donc obligée de changer de point de vue pour nous raconter comment l'OP-612 a finalement trouvé le corps de Brunette sans vie. Mais vous auriez pu très facilement éviter cette rupture de point de vue en nous racontant directement l'histoire de Brunette à la 3e personne : "Elle s'appelait Brunette. Elle avait 14 ans." Et le tour était joué. En plus, il y a, à la fin de votre récit, une morale : "Memento quia pulvis es" (n'oublie pas que tu n'es que poussière), ce qui en fait donc une fable, un genre traditionnellement écrit à la 3e personne puisque le narrateur n'est autre que le fabuliste, c'est-à-dire le moraliste.
Ceci étant dit, le corps de votre récit est à la fois extrêmement mystérieux (on sait très peu de choses de l'univers dans lequel vit Brunette qui semble pourtant extrêmement différent du nôtre : "androïde-mère", "Père suprême", vie éternelle et robot-inspecteur) et extrêmement suggestif. Personnellement, j'y vois au moins deux niveaux de lecture :
- A un premier niveau (SF), on peut y voir un récit d'anticipation basé sur le rêve d'immortalité des transhumanistes : l'humanité aurait trouvé le moyen de vivre éternellement en s'isolant dans une sorte de paradis brumeux d'où quiconque s'échapperait vieillirait instantanément.
- à un deuxième niveau, qui serait celui de la fable, on peut y voir une mise en garde contre le fait de "Perdre son temps" (expression qui revient comme un refrain dans le récit) et qui rappellerai le célèbre poème du "Carpe diem" de Ronsard. Le "paradis" dans lequel vit Brunette serait alors tout simplement l'instant présent et à force de courir après un rêve illusoire (peut-on trouver mieux que le paradis ?), Brunette "perd son temps" et sa vie passe en un éclair sans qu'elle ait eu le temps d'en profiter...
Bref, un texte très riche en dépit de sa brièveté et de son apparente légèreté. Bravo pour cette prouesse !