Voilà, c’était fini. Il avait remercié les amis, les voisins, les parents. Il avait décliné poliment les invitations des uns et des autres à venir les voir si ça n’allait pas. Il avait... [+]


L'indifférence tue. Elle s'avère impitoyable aussi bien pour les intelligences supérieures que pour les êtres les plus primitifs. La vérité est la même pour tous. Bouche cousue, regard absent : poisons mortels.
Malgré son âge, Maurice était encore frais comme un gardon. Le teint vif, la démarche assurée, il se déplaçait dans la vie avec une apparente aisance. Heureux comme un poisson dans l'eau, disait-on. Et pourtant...
Et pourtant, il faut se rendre à l'évidence, tôt ce matin, Maurice a mis fin à ses jours.
C'est la femme d'ouvrage qui l'a retrouvé sans vie en commençant sa journée.
Elle connaissait Annette depuis des années et venait deux fois par semaine entretenir l'appartement.
Annette avait quitté la maison quelques heures auparavant. Elle se levait toujours de très bonne heure pour se rendre à son lieu de travail, un centre de recherche situé à l'autre bout de la ville.
Quelles idées morbides avaient germé dans la tête de Maurice ? Qu'est-ce qui l'avait poussé à accomplir ce geste fatal, à faire le grand saut ? Le saurait-on jamais ?
Le poids de la solitude peut-être. L'impression de ne plus être pour Annette qu'un objet décoratif auquel on ne jetait plus que rarement un regard furtif.
Combien de fois n'avait-il pas eu envie de lui crier : « Bon sang, Annette, regarde-moi ! J'existe ! Je vis ! Je ne suis pas une potiche ! Dis-moi des mots doux ou engueule-moi comme du poisson pourri, mais parle je t'en supplie. Au début de notre cohabitation, tu t'intéressais à moi, un regard, un sourire, un petit mot de toi suffisaient pour que je nage dans le bonheur. Aujourd'hui, tout cela a disparu. Je tourne en rond dans un univers qui me paraît bien étriqué. Sans rien comprendre à ce qui m'arrive. ».
Le plus souvent, hélas, quand Maurice voulait s'exprimer, il ouvrait la bouche avec un bruit à peine perceptible puis se sentait bloqué, impuissant, incapable d'articuler la moindre syllabe. Muet comme une carpe. Comme une tombe.
Au fil des jours, c'était devenu intolérable. Cela avait quelque chose d'inhumain, se disait-il parfois. Il n'arrivait même plus à penser de manière cohérente. Impression de naviguer en eaux troubles, sans repère, sans espoir. Et le pire des maux, ne pouvoir confier sa peine à personne. Tout garder pour soi. Il avait fini par tomber dans une sombre mélancolie. Jusqu'à ce geste de désespoir.
Sur la table d'Annette, un ouvrage entrouvert, un passage souligné : « Les troubles dépressifs de l'Homme ont-ils leur équivalent dans le monde animal le plus primitif ? ». Et tout à côté, un bocal à moitié vide et une petite flaque d'eau où gît le corps inanimé de Maurice, le poisson rouge.
Malgré son âge, Maurice était encore frais comme un gardon. Le teint vif, la démarche assurée, il se déplaçait dans la vie avec une apparente aisance. Heureux comme un poisson dans l'eau, disait-on. Et pourtant...
Et pourtant, il faut se rendre à l'évidence, tôt ce matin, Maurice a mis fin à ses jours.
C'est la femme d'ouvrage qui l'a retrouvé sans vie en commençant sa journée.
Elle connaissait Annette depuis des années et venait deux fois par semaine entretenir l'appartement.
Annette avait quitté la maison quelques heures auparavant. Elle se levait toujours de très bonne heure pour se rendre à son lieu de travail, un centre de recherche situé à l'autre bout de la ville.
Quelles idées morbides avaient germé dans la tête de Maurice ? Qu'est-ce qui l'avait poussé à accomplir ce geste fatal, à faire le grand saut ? Le saurait-on jamais ?
Le poids de la solitude peut-être. L'impression de ne plus être pour Annette qu'un objet décoratif auquel on ne jetait plus que rarement un regard furtif.
Combien de fois n'avait-il pas eu envie de lui crier : « Bon sang, Annette, regarde-moi ! J'existe ! Je vis ! Je ne suis pas une potiche ! Dis-moi des mots doux ou engueule-moi comme du poisson pourri, mais parle je t'en supplie. Au début de notre cohabitation, tu t'intéressais à moi, un regard, un sourire, un petit mot de toi suffisaient pour que je nage dans le bonheur. Aujourd'hui, tout cela a disparu. Je tourne en rond dans un univers qui me paraît bien étriqué. Sans rien comprendre à ce qui m'arrive. ».
Le plus souvent, hélas, quand Maurice voulait s'exprimer, il ouvrait la bouche avec un bruit à peine perceptible puis se sentait bloqué, impuissant, incapable d'articuler la moindre syllabe. Muet comme une carpe. Comme une tombe.
Au fil des jours, c'était devenu intolérable. Cela avait quelque chose d'inhumain, se disait-il parfois. Il n'arrivait même plus à penser de manière cohérente. Impression de naviguer en eaux troubles, sans repère, sans espoir. Et le pire des maux, ne pouvoir confier sa peine à personne. Tout garder pour soi. Il avait fini par tomber dans une sombre mélancolie. Jusqu'à ce geste de désespoir.
Sur la table d'Annette, un ouvrage entrouvert, un passage souligné : « Les troubles dépressifs de l'Homme ont-ils leur équivalent dans le monde animal le plus primitif ? ». Et tout à côté, un bocal à moitié vide et une petite flaque d'eau où gît le corps inanimé de Maurice, le poisson rouge.

(Si vous avez le temps pour une lecture, je vous envoie à une autre histoire très très courte http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/pas-de-mariage-a-trois-dommage)