Cet été-là, en pleine rupture amoureuse, elle partit dépayser sa tristesse en terre basque. Elle prit Le soleil se lève aussi d'Hemingway pour compagnon de route.
Elle quitta le gris de... [+]
A chacun de ses rendez-vous, elles posaient la question. Sans écouter sa réponse, invariablement, elles sortaient leur disque cartonné, le faisaient tourner, l'air concentré. C'était donc prévu pour le 17 mai. Cinq semaines avant déjà, elle recevait d'étranges textos, lui souhaitant bon courage dans sa dernière ligne droite, qu'on pensait bien à elle devant l'imminence de la naissance. Il faisait vingt degrés ce matin-là, elle avait pris le petit-déjeuner dans le jardin, elle avait même pu étendre le linge dehors. Nous étions le 18 mai, elle n'avait pas toujours pas rendu sa copie : elle était toujours enceinte. Imminence, mes fesses.
Elle n'allait même plus chercher son pain, marre d'entendre la voix haut perchée de la boulangère lui dire depuis deux mois que c'était bientôt la fin. Ni envie de croiser le voisin du 4-oh-ben-décidément-il-est-bien-au-chaud-avec-maman ou la voisine du 6-ah-on-en-peut-plus-à-la-fin-hein?.
Qu'on lui foute la paix. Fuck les échos et les monitos. Elle décida de franchir le périmètre de sécurité : elle s'éloigna de la maternité. Le 19, au petit matin, elle sortit sa mobylette qui n'avait pas vu le jour depuis deux décénies. Elle n'avait pas réussi à mettre la main sur le casque bleu zébré d'orange qu'elle aimait tant alors. Tant mieux, elle pourrait sentir le vent dans ses cheveux. Finalement, ce n'était pas si inconfortable. Pourquoi donc l'avait-on regardée de travers à la station-service ? Elle alla jusqu'au petit port de pêche de son enfance, traversa les marais aux étiers salés, admira les sublimes aigrettes, se balada sur la digue. Longtemps, elle huma l'odeur de la vase. Il était temps de faire la paix avec les fantômes du passé. Ensuite, elle tailla la route jusqu'à Saint-Malo, se promena sur les remparts, rendit hommage à Chateaubriand, mangea une galette saucisse et but beaucoup de cidre. Le soir, elle rejoignit une vieille amie à Honfleur, elles enchaînèrent les martinis près du vieux bassin et s'engueulèrent comme au bon vieux temps. Elle dormit là-bas, dans un petit hôtel très convivial, prit trois croissants pour le petit déjeuner avant d'avoir le vertige sur le pont de Normandie. Plus tard, elle aperçut, de loin, le site des deux caps, le gris et le blanc, elle s'imprégna de l'esprit Belle époque de Wimereux, mangea des moules, arrosées d'une bouteille de muscadet bien frais. Après sa sieste, allongée dans le sable, elle relut "Une vie" de Maupassant.. Elle poussa enfin jusqu'à la mer du Nord, elle tenait à rapporter des croquettes de crevettes.
Enfin, épuisée mais heureuse, elle rentra, rangea la mobylete. Non, la mobylette. Elle se dépêcha de corriger les fautes, compta les caractères, eut même le temps d'éliminer les répétitions. Elle sauvegarda le texte, éteignit l'ordinateur. Elle boucla sa valise. Il était temps, maintenant.
Elle n'allait même plus chercher son pain, marre d'entendre la voix haut perchée de la boulangère lui dire depuis deux mois que c'était bientôt la fin. Ni envie de croiser le voisin du 4-oh-ben-décidément-il-est-bien-au-chaud-avec-maman ou la voisine du 6-ah-on-en-peut-plus-à-la-fin-hein?.
Qu'on lui foute la paix. Fuck les échos et les monitos. Elle décida de franchir le périmètre de sécurité : elle s'éloigna de la maternité. Le 19, au petit matin, elle sortit sa mobylette qui n'avait pas vu le jour depuis deux décénies. Elle n'avait pas réussi à mettre la main sur le casque bleu zébré d'orange qu'elle aimait tant alors. Tant mieux, elle pourrait sentir le vent dans ses cheveux. Finalement, ce n'était pas si inconfortable. Pourquoi donc l'avait-on regardée de travers à la station-service ? Elle alla jusqu'au petit port de pêche de son enfance, traversa les marais aux étiers salés, admira les sublimes aigrettes, se balada sur la digue. Longtemps, elle huma l'odeur de la vase. Il était temps de faire la paix avec les fantômes du passé. Ensuite, elle tailla la route jusqu'à Saint-Malo, se promena sur les remparts, rendit hommage à Chateaubriand, mangea une galette saucisse et but beaucoup de cidre. Le soir, elle rejoignit une vieille amie à Honfleur, elles enchaînèrent les martinis près du vieux bassin et s'engueulèrent comme au bon vieux temps. Elle dormit là-bas, dans un petit hôtel très convivial, prit trois croissants pour le petit déjeuner avant d'avoir le vertige sur le pont de Normandie. Plus tard, elle aperçut, de loin, le site des deux caps, le gris et le blanc, elle s'imprégna de l'esprit Belle époque de Wimereux, mangea des moules, arrosées d'une bouteille de muscadet bien frais. Après sa sieste, allongée dans le sable, elle relut "Une vie" de Maupassant.. Elle poussa enfin jusqu'à la mer du Nord, elle tenait à rapporter des croquettes de crevettes.
Enfin, épuisée mais heureuse, elle rentra, rangea la mobylete. Non, la mobylette. Elle se dépêcha de corriger les fautes, compta les caractères, eut même le temps d'éliminer les répétitions. Elle sauvegarda le texte, éteignit l'ordinateur. Elle boucla sa valise. Il était temps, maintenant.
J'ai adoré: je me suis vraiment retrouvée dans la peau de la narratrice car ce texte a déclenché quelques réminiscences... Et c'est vraiment bien écrit, de plus. Mention spéciale pour le paragraphe final qui donne toute sa saveur à un texte déjà accrocheur. One vote!
j'ai vu entre-temps que ce texte était proche de votre (ton?) vécu alors FELICITATIONS et bienvenue au bébé tout neuf!
Quelle superbe idée , je tire mon chapeau pour la chute.
J'adore ce genre de jeu avec l'imaginaire.
+ 1
Drôle de coïncidence j'ai traité aussi le thème de la naissance dans la Matinale et dans mon dernier TTC.
Passez me lire et me donner vos impressions si cela vous tente.