Ça fait déjà plus de deux semaines que l’on marche.
Enfin... Je vous dis deux semaines, mais je ne compte même plus les jours. Ici, les journées semblent interminables, et les nuits... [+]
Debout dans la chaleur étouffante d’un après-midi d’été, j’admire le paysage qui s’offre à moi.
Les arbres, les champs, les vignobles et les montagnes s’étendent à perte de vue. Debout au milieu des vignes, j’aperçois un château au loin sur ma gauche, le muret d’une maison sur ma droite et puis des champs, des champs à perte de vue délimités par une courte rangée d’arbres et quelques rares maisons de-ci de-là. Plus loin, presque invisible parmi les nuages blancs, une chaîne de montagnes, imposante et silencieuse, surplombe le décor de toute sa majesté. Ce lieu possède un calme presque apaisant qui n’appartient qu’à lui.
Trois jeunes filles habillées de blanc se sont arrêtées sur le bord du chemin, l’une d’elles portant à l’épaule un panier d’osier rempli de fruits. À quelques pas de là, un homme à la chemise déboutonnée est assis à même le sol. Il fume la pipe en observant ses bœufs tirer une petite charrette de bois le long des champs.
Je reste immobile, admirant pendant de longues minutes la beauté de ce paysage que je connaît pourtant si bien, redécouvrant le chemin de Malanot où j’aimais tant me promener avec mes parents lorsque j’étais enfant. Je me souviens des mercredis après-midi à parcourir les petits chemins étroits de Corenc avec ma sœur, poussant chacun notre tour la vieille poussette usée dans les graviers du chemin. Ma mère nous préparait chaque mercredi un gâteau qu’elle enveloppait minutieusement d’un torchon. Plus tard, dans la journée, on s’arrêterait sur le bord du chemin pour le grignoter distraitement tout en jouant dans l’herbe, aveugles à la beauté du paysage.
Aujourd’hui, ce n’est plus la même histoire, ce n’est plus le même paysage et l’on peine à y retrouver les champs et les vignobles d’autrefois. La vallée de l’Isère et la chaîne de Belledonne sont toujours là, comme avant, mais la ville a remplacé les près, et les maisons ont poussées le long du chemin comme autant de champignons dans les bois d’automne. Ce n’est désormais plus la même rue que je foule de mes veilles chaussures fatiguées les mercredis après-midi, ni la même que j’ai foulé étant enfant. Ce ne sont plus les mêmes paysages qui s’offrent à moi, plus les même jeunes filles qui s’assoient quelques instants sur le petit muret en pierre devant les vignes pour poser leur corbeille de fruits avant de repartir sur le chemin étroit.
Mais qu’est-ce que ce chemin est beau... Il traverse les années, évoluant avec son temps. Il nous montrera toujours la beauté de la vallée de l’Isère et de la chaîne de Belledone avec sa vue plongeante et panoramique, malgré l’usure des siècles qui le traverse. La ville a remplacé les prés, et la ville finira par être remplacée à son tour, mais il sera toujours là, et en le parcourant alors, ma vision et mes souvenirs d’enfance se mêleront à l’histoire de ce lieu, à ce qu’il a été, et au magnifique tableau de Jules Flandrin que j’ai sous les yeux.
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« La vallée de l’Isère et la chaîne de Belledonne » est un célèbre tableau de Jules Flandrin (1971-1947), artiste français ayant peint de son vivant des paysages et scènes de vie en Isère.
Je ne sais pas pourquoi cette phrase a illuminé ma soirée... Elle a agi sur moi comme une madeleine de Proust !
Mes voix !
Que penserez-vous de cette rencontre ? https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/rencontre-a-uriage
Youri
Je vous invite, si vous le souhaitez, à lire mon poème dédié aux bars de Santa Maria l'Andalouse, ici:
https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/a-santa-maria
Merci