La nuit va tomber sur le port. Mouettes et cormorans zèbrent le ciel dans l’attente des déchets de la pêche que les marins vont leur livrer en nettoyant les ponts. L’un après l’autre, les... [+]
Tout cela a débuté le jour où je me suis fâchée avec Akussa. Celle-ci était venue installer son commerce non loin du mien. Elle me traita de sorcière de bas étage. Je ne fus pas en reste : des cloportes et des crapauds fusèrent de toutes parts, je jurais à Akussa qu’elle allait bien voir de quoi j’étais capable.
Devant nous, un jeune couple déambulait main dans la main, sourires aux lèvres.
- Tiens, dis-je à Akussa, regarde ces deux tourtereaux, un claquement de doigts et tu vas voir.
Le jeune homme acheta un magnifique bouquet rond et l’offrit à Juliette sa compagne. Celle-ci vit dans ce cadeau comme une promesse mais il lui déclara aussitôt:
- Juliette, notre histoire n’a que trop duré, je te quitte.
Et sur ce, il tourna les talons et s’en fut sans un regard en arrière.
Juliette stupéfaite resta pétrifiée. Il y avait tellement d’orage dans sa tête que ses yeux ruisselaient doucement. Mais pas un son, pas un soupir. Elle restait muette de chagrin. Elle avança, à petits pas, dans la foule et se retrouva sans l’avoir voulu devant une église. Elle en gravit les marches, poussa la grande et lourde porte. Elle n’était pas croyante mais avait besoin de solitude. Elle trouva dans ce grand bâtiment vide un peu de paix et de sérénité.
- Et voilà ! Encore une qui va s’en remettre à Dieu ! Facile ! Non mais facile ! dit Akussa. N’importe quelle apprentie sorcière est capable de casser un couple à bout de souffle. Attaque-toi à plus dur, tiens défait un peu ces deux-là qui s’apprêtent à se marier. Regarde comme ils semblent heureux en s’avançant vers l’église.
- Mais oui, j’en suis capable ! Qu’est-ce que tu crois ?
- Attends ! Laisse-les se marier ça n’en sera que plus drôle. N’est-elle pas superbe dans sa belle robe blanche ? Et lui, quel bel homme ! Vois les regards qu’ils s’échangent. Admire leurs sourires. C’est dégoûtant ! Pouaaahh ! Je te donne trois jours pour défaire ces deux-là !
- Pas de problème, tu vas voir l’artiste !
Je me suis alors précipitée chez moi. Dans mon antre, je bricolais depuis la nuit des temps des breuvages de toutes sortes, prompts à régler les problèmes les plus sophistiqués de mes clients. Je cherchais donc une idée de génie au milieu de toutes mes fioles quand un homme se présenta à ma porte.
- C’est pourquoi ? demandais-je à l’importun.
- Je voudrais un philtre pour en finir...
- Finir quoi ?
- En finir avec la vie...
- Et, qu’est-ce qui vous arrive?
- Personne ne m’aime, personne ne m’a jamais aimé. La vie est trop dure, je suis épuisé, je veux en finir.
C’est alors que j’eus l’idée qui entraîna un changement radical dans ma vie (et dans la sienne par la même occasion !). Cet homme allait me faire gagner mon pari et Akussa n’aurait plus qu’à aller exercer de sa sorcellerie ailleurs.
Je n’eus pas trop de peine à convaincre mon client de faire une dernière tentative dans sa recherche d’amour avant de passer l’arme à gauche.
- Vous me dites que je dois séduire la jeune femme qui m’est destinée et lui faire boire ce philtre?
- Oui c’est cela. J’insiste cette personne est la femme de ta vie, celle que tu attends depuis toujours. Tu dois tout faire pour y arriver. Soit naturel, soit confiant. Penses à votre avenir à tous les deux, aux bonheurs qui vous attendent. Et quand elle sera ta femme prends en soin comme de la prunelle de tes yeux.
- C’est d’accord, mais si j’échoue ?
- Tu ne vas pas échouer, tu ne dois pas échouer ; tu m’entends ?
- D’accord si c’est pour trouver l’amour je veux bien le faire.
- Alors voici le philtre, lui dis-je en lui remettant une fiole. Maintenant tu vas aller sur la place. Une jeune femme habillée tout en blanc va apparaître. Quoiqu’il advienne soit persuadé que c’est la femme de ta vie. Elle aura un bouquet dans les mains, tu ne peux pas te tromper. Et une fois que tu l’auras vue, arrange-toi pour lui faire boire le contenu de la fiole.
Très motivé, il m’obéit et se dirigea vers le parvis de l’église.
Juliette, dans son refuge, fut dérangée par une cérémonie. D’abord indifférente, elle trouva, au bout d’un moment, cela très dérangeant. Et lorsque le prêtre annonça « Si l'un de vous voit un quelconque obstacle à ce mariage, qu'il se lève maintenant... » Juliette, n’en pouvant plus, quitta son siège et s’enfuit en faisant claquer les lourdes portes du tambour.
Au bruit que cela fit, notre jeune homme leva la tête et fut conquis par l’apparition.
« C’est tout à fait comme ça que je l’espérais ! » Il sourit, à ses yeux, elle était parfaite.
Le bouquet, jeté en l’air par une Juliette exaspérée, atterrit dans les mains du jouvenceau.
- Mais... vous êtes la mariée ? questionna-t-il
- Non, moi je viens juste de me faire larguer.
- Mais ce bouquet...
- Je sais : un bouquet de mariée comme cadeau de rupture. Nul le mec, je ne sais pas comment je ne m’en suis pas rendue compte avant. » Elle éclata de rire et lui aussi.
- Venez, on va fêter ça !
- Quoi donc ?
- Votre rupture ! Notre rencontre ! La vie ! Ce que vous voulez !
Ils se retrouvèrent dans un bistrot voisin. Ils se firent servir du champagne. Le philtre fut discrètement mêlé aux deux coupes qu’ils burent de concert.
- A la vie !
- A l’a... mais...je ne sais même pas votre nom ?
- Roméo
- Et moi Juliette : Que la vie est belle !
Je suis arrivée trop tard pour prévenir le jeune homme qu’il s’était trompé de cible. La « femme de sa vie » n’était pas encore sortie de l’église, j’avais donc perdu mon pari.
Perdu, certes ! Mais je retrouvais Akussa atteinte de nausées devant l’émergence de ce nouvel amour. Si malade qu’elle n’arriva pas à se réjouir de son succès. Le bonheur des autres la rendait si souffrante que l’idée me vint, pour la faire fuir à jamais, d’en faire désormais mon seul commerce dans la boutique que j’inaugure aujourd’hui : « Au philtre d’amour ».
Quant à Juliette et Roméo, ils filent le parfait amour, tant ils sont persuadés qu’ils étaient destinés l’un à l’autre.
Devant nous, un jeune couple déambulait main dans la main, sourires aux lèvres.
- Tiens, dis-je à Akussa, regarde ces deux tourtereaux, un claquement de doigts et tu vas voir.
Le jeune homme acheta un magnifique bouquet rond et l’offrit à Juliette sa compagne. Celle-ci vit dans ce cadeau comme une promesse mais il lui déclara aussitôt:
- Juliette, notre histoire n’a que trop duré, je te quitte.
Et sur ce, il tourna les talons et s’en fut sans un regard en arrière.
Juliette stupéfaite resta pétrifiée. Il y avait tellement d’orage dans sa tête que ses yeux ruisselaient doucement. Mais pas un son, pas un soupir. Elle restait muette de chagrin. Elle avança, à petits pas, dans la foule et se retrouva sans l’avoir voulu devant une église. Elle en gravit les marches, poussa la grande et lourde porte. Elle n’était pas croyante mais avait besoin de solitude. Elle trouva dans ce grand bâtiment vide un peu de paix et de sérénité.
- Et voilà ! Encore une qui va s’en remettre à Dieu ! Facile ! Non mais facile ! dit Akussa. N’importe quelle apprentie sorcière est capable de casser un couple à bout de souffle. Attaque-toi à plus dur, tiens défait un peu ces deux-là qui s’apprêtent à se marier. Regarde comme ils semblent heureux en s’avançant vers l’église.
- Mais oui, j’en suis capable ! Qu’est-ce que tu crois ?
- Attends ! Laisse-les se marier ça n’en sera que plus drôle. N’est-elle pas superbe dans sa belle robe blanche ? Et lui, quel bel homme ! Vois les regards qu’ils s’échangent. Admire leurs sourires. C’est dégoûtant ! Pouaaahh ! Je te donne trois jours pour défaire ces deux-là !
- Pas de problème, tu vas voir l’artiste !
Je me suis alors précipitée chez moi. Dans mon antre, je bricolais depuis la nuit des temps des breuvages de toutes sortes, prompts à régler les problèmes les plus sophistiqués de mes clients. Je cherchais donc une idée de génie au milieu de toutes mes fioles quand un homme se présenta à ma porte.
- C’est pourquoi ? demandais-je à l’importun.
- Je voudrais un philtre pour en finir...
- Finir quoi ?
- En finir avec la vie...
- Et, qu’est-ce qui vous arrive?
- Personne ne m’aime, personne ne m’a jamais aimé. La vie est trop dure, je suis épuisé, je veux en finir.
C’est alors que j’eus l’idée qui entraîna un changement radical dans ma vie (et dans la sienne par la même occasion !). Cet homme allait me faire gagner mon pari et Akussa n’aurait plus qu’à aller exercer de sa sorcellerie ailleurs.
Je n’eus pas trop de peine à convaincre mon client de faire une dernière tentative dans sa recherche d’amour avant de passer l’arme à gauche.
- Vous me dites que je dois séduire la jeune femme qui m’est destinée et lui faire boire ce philtre?
- Oui c’est cela. J’insiste cette personne est la femme de ta vie, celle que tu attends depuis toujours. Tu dois tout faire pour y arriver. Soit naturel, soit confiant. Penses à votre avenir à tous les deux, aux bonheurs qui vous attendent. Et quand elle sera ta femme prends en soin comme de la prunelle de tes yeux.
- C’est d’accord, mais si j’échoue ?
- Tu ne vas pas échouer, tu ne dois pas échouer ; tu m’entends ?
- D’accord si c’est pour trouver l’amour je veux bien le faire.
- Alors voici le philtre, lui dis-je en lui remettant une fiole. Maintenant tu vas aller sur la place. Une jeune femme habillée tout en blanc va apparaître. Quoiqu’il advienne soit persuadé que c’est la femme de ta vie. Elle aura un bouquet dans les mains, tu ne peux pas te tromper. Et une fois que tu l’auras vue, arrange-toi pour lui faire boire le contenu de la fiole.
Très motivé, il m’obéit et se dirigea vers le parvis de l’église.
Juliette, dans son refuge, fut dérangée par une cérémonie. D’abord indifférente, elle trouva, au bout d’un moment, cela très dérangeant. Et lorsque le prêtre annonça « Si l'un de vous voit un quelconque obstacle à ce mariage, qu'il se lève maintenant... » Juliette, n’en pouvant plus, quitta son siège et s’enfuit en faisant claquer les lourdes portes du tambour.
Au bruit que cela fit, notre jeune homme leva la tête et fut conquis par l’apparition.
« C’est tout à fait comme ça que je l’espérais ! » Il sourit, à ses yeux, elle était parfaite.
Le bouquet, jeté en l’air par une Juliette exaspérée, atterrit dans les mains du jouvenceau.
- Mais... vous êtes la mariée ? questionna-t-il
- Non, moi je viens juste de me faire larguer.
- Mais ce bouquet...
- Je sais : un bouquet de mariée comme cadeau de rupture. Nul le mec, je ne sais pas comment je ne m’en suis pas rendue compte avant. » Elle éclata de rire et lui aussi.
- Venez, on va fêter ça !
- Quoi donc ?
- Votre rupture ! Notre rencontre ! La vie ! Ce que vous voulez !
Ils se retrouvèrent dans un bistrot voisin. Ils se firent servir du champagne. Le philtre fut discrètement mêlé aux deux coupes qu’ils burent de concert.
- A la vie !
- A l’a... mais...je ne sais même pas votre nom ?
- Roméo
- Et moi Juliette : Que la vie est belle !
Je suis arrivée trop tard pour prévenir le jeune homme qu’il s’était trompé de cible. La « femme de sa vie » n’était pas encore sortie de l’église, j’avais donc perdu mon pari.
Perdu, certes ! Mais je retrouvais Akussa atteinte de nausées devant l’émergence de ce nouvel amour. Si malade qu’elle n’arriva pas à se réjouir de son succès. Le bonheur des autres la rendait si souffrante que l’idée me vint, pour la faire fuir à jamais, d’en faire désormais mon seul commerce dans la boutique que j’inaugure aujourd’hui : « Au philtre d’amour ».
Quant à Juliette et Roméo, ils filent le parfait amour, tant ils sont persuadés qu’ils étaient destinés l’un à l’autre.
Si le coeur vous en dit.