Vois, sur mon tablier, à présent si noueuse,
Ma main abandonnée dans le gros tissu noir ;
Ce n’est plus cette main... [+]
La fièvre de l'infant
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Lauréat
Jury
Jury


À son souffle attentif qui ressemble à un râle,
Crispé, chétif, l’infant de sa main fine et pâle,
Effaré, s’accroche au brocard ;
D’un effort opiniâtre, il humecte sa lèvre
Qui fulgure un instant, écaillée par la fièvre,
Stigmate fugace et blafard.
Les piquiers castillans, l’air nonchalant, bravaches,
Soucieux du galbé de leurs blondes moustaches,
Superbes, ignorent l’enfant…
Si parfois leur regard se trouble ou bien s’alarme,
C’est qu’il manque un clou d’or sur la hampe d’une arme,
Une houppe, sous l’olifant…
L’œil fixe, un brin moqueur, le ara se déhanche,
Narguant le sapajou enchaîné sur sa branche,
Dans son habit de Sarrasin ;
La naine, courroucée, lève la main, menace
Le lévrier tremblant qui implore, tenace,
Quêtant des yeux les lourds raisins.
Courbé sur un prie-Dieu dissimulé dans l’ombre,
Un jésuite, si vieux sous sa capuche sombre,
Morne, confus, semble prier ;
Tandis qu’un des Nubiens, préparant quelque essence,
Écrase des grains bleus dans une huile garance,
Un coq entravé sous le pied.
Par la croisée ouverte un doux parfum d’orange
Tel un subtil encens s’élève jusqu’à l’ange
En soie moirée, au ciel de lit ;
Et le petit garçon supplie le pur visage,
De lui laisser la vie avec assez de rage,
Pour punir celui qu’il maudit !
Hier soir, malgré la quinte, il entendit son frère
Chuchoter impassible à la reine, leur mère,
Frêle et ployée comme un grand lys,
Que l’on devrait cesser toute thérapeutique,
Que Dieu, les préservant d’affrontements tragiques,
Réclamait l’aîné de ses fils…
Malgré cette douleur qui lente broie son âme,
Et les valets grossiers, insolents, qui se pâment,
Singeant les gestes des docteurs,
Il s’agrippe, obstiné, égaré dans sa fièvre,
Au souffle de la vie qui veut fuir, tel un lièvre
Submergé par toutes les peurs.
Or ce matin l’oiseau se lance, lourd, volette,
Se pose sur le lit, puis, inclinant la tête,
Salue l’infant tremblant de froid ;
Lui a su percevoir la volonté farouche
De la forme têtue qui, du fond de sa couche,
S’est juré un jour d’être roi !
Crispé, chétif, l’infant de sa main fine et pâle,
Effaré, s’accroche au brocard ;
D’un effort opiniâtre, il humecte sa lèvre
Qui fulgure un instant, écaillée par la fièvre,
Stigmate fugace et blafard.
Les piquiers castillans, l’air nonchalant, bravaches,
Soucieux du galbé de leurs blondes moustaches,
Superbes, ignorent l’enfant…
Si parfois leur regard se trouble ou bien s’alarme,
C’est qu’il manque un clou d’or sur la hampe d’une arme,
Une houppe, sous l’olifant…
L’œil fixe, un brin moqueur, le ara se déhanche,
Narguant le sapajou enchaîné sur sa branche,
Dans son habit de Sarrasin ;
La naine, courroucée, lève la main, menace
Le lévrier tremblant qui implore, tenace,
Quêtant des yeux les lourds raisins.
Courbé sur un prie-Dieu dissimulé dans l’ombre,
Un jésuite, si vieux sous sa capuche sombre,
Morne, confus, semble prier ;
Tandis qu’un des Nubiens, préparant quelque essence,
Écrase des grains bleus dans une huile garance,
Un coq entravé sous le pied.
Par la croisée ouverte un doux parfum d’orange
Tel un subtil encens s’élève jusqu’à l’ange
En soie moirée, au ciel de lit ;
Et le petit garçon supplie le pur visage,
De lui laisser la vie avec assez de rage,
Pour punir celui qu’il maudit !
Hier soir, malgré la quinte, il entendit son frère
Chuchoter impassible à la reine, leur mère,
Frêle et ployée comme un grand lys,
Que l’on devrait cesser toute thérapeutique,
Que Dieu, les préservant d’affrontements tragiques,
Réclamait l’aîné de ses fils…
Malgré cette douleur qui lente broie son âme,
Et les valets grossiers, insolents, qui se pâment,
Singeant les gestes des docteurs,
Il s’agrippe, obstiné, égaré dans sa fièvre,
Au souffle de la vie qui veut fuir, tel un lièvre
Submergé par toutes les peurs.
Or ce matin l’oiseau se lance, lourd, volette,
Se pose sur le lit, puis, inclinant la tête,
Salue l’infant tremblant de froid ;
Lui a su percevoir la volonté farouche
De la forme têtue qui, du fond de sa couche,
S’est juré un jour d’être roi !

J'imagine que le vers "Hier soir, malgré la quinte..." comporte un clin d’œil homophone pour une histoire contant un épisode à la cour d'Espagne ... ;))
https://short-edition.com/fr/oeuvre/nouvelles/sous-le-regard-du-diable
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/achou-lamour-empoisonne
Surtout que je viens de lire "Un doux réveil !" qui m'a mis le feu...
Wouhaaa, c'est chaud, et bien écrit ; je comprends pas le "faible" score...
Voici mon oeuvre présentée en finale de la matinale des lycéens, si vous voulez venir faire un petit tour (deux minutes de lecture) ;) : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/tournez-a-droite
Merci, pour vos bons mots !
Bravo Renaud.