Je noue ma cravate, jette un regard mauvais à Léo, qui se dandine déjà sur sa chaise. Il donnerait n’importe quoi pour être ailleurs, vendrait père et mère pour me faire disparaître. Il tente de me sonder, de deviner la fin de cet interrogatoire musclé qui l’attend.

Malheureusement pour lui, il n’en saura rien avant l’heure. Le dénouement de notre rencontre ne dépend que de lui, et peut-être un peu de mon humeur. De ce que j’ai mangé ce midi, aussi. Et de mon envie de voir la peur s’emparer de lui, surtout.

Je ne me souviens que trop bien de cette nervosité, vingt ans plus tard.

– Alors, Léo, tes parents ne sont pas encore arrivés ?

Il pose sur moi un regard effrayé, comme si le retard de ses parents allait jouer en sa défaveur. Loin de moi cette idée, simplement l’envie de l’inquiéter un peu plus.

Si j’avais su à quel point ça pouvait être grisant, je n’aurais pas réfléchi une minute de plus avant de choisir mon orientation. Toutes ces responsabilités, deux fois par an... un pouvoir dont je ne me lasserai jamais.

Enfin, je suis de l’autre côté de cette fichue réunion parents-profs ! À moi les élèves nerveux, les parents débordés et les bulletins à distribuer !