Il faisait un café extrêmement fort. Certains prétendent même qu’il en est mort. Quand on était de passage chez lui, il valait mieux éviter de s’en faire offrir une tasse. Ça vous ... [+]
Le jour de mes huit ans, j'ai reçu un cadeau auquel je ne m'attendais pas ; une montre au bracelet noir où apparaissait sur le cadran Mickey Mouse, avec ses bras légèrement entortillés et qui servaient d'aiguilles.
Si j'étais enchantée d'avoir en ma possession un objet à l'effigie de mon personnage de dessin animé préféré, la nature même de ce cadeau m'effrayait quelque peu. En effet, qui a une montre sur lui peut contrôler le temps. Et pour moi, seuls les adultes avaient cette compréhension des heures, des minutes, des secondes, savaient à quelle heure il fallait se lever, ou bien se coucher, à quelle heure déjeuner, aller à l'école, se brosser les dents, se doucher... J'eus soudain l'impression que j'entrai dans le monde des grands. Et cette montre, pourtant petite et légère, me parut trop lourde à porter.
Il me fallut me familiariser avec ses aiguilles, la grande d'abord, puis la petite, et maîtriser mon angoisse chaque fois que mes yeux se posaient sur la trotteuse, qui allait toujours bien trop vite à mon goût. Comment se peut-il que les secondes apparaissent et disparaissent plus rapidement qu'il ne faut de temps pour prononcer leur nom ? me disais-je.
Dans les mois qui suivirent, je ne portais ma montre Mickey que pour les grandes occasions ; je n'en voyais nullement l'utilité à l'école puisque la cloche faisait déjà tout le travail en nous libérant de son cri tonitruant pour la récréation, et en nous rappelant à l'ordre d'un ton autoritaire et nous ramenant les pieds traînants vers nos salles de classe. Lors des repas de famille, j'accrochais à mon poignet gauche mon nouveau cadeau, à la fois précieux et redouté. Les adultes présents ne manquaient pas de le faire remarquer et de m'apostropher en me disant d'un air sérieux que je faisais partie des grands maintenant, et qu'il fallait que je me montre digne de l'honneur qui m'avait été fait. Il me semblait alors sentir ma peau brûler sous le bracelet.
Un dimanche, alors que nous étions tous partis nous promener sur les bords du canal du Rhin, un homme s'est arrêté et nous a demandé l'heure. Mon père s'est tourné vers moi et a dit : « Alors, quelle heure est-il ? ». Sans mot dire, j'ai levé mon poignet et ai fixé le cadran ; il ne fallait pas que je me trompe. J'observais la grande aiguille, puis la petite, je vérifiai une seconde fois, puis d'une voix tremblante je répondis : « Il est quatre heures moins le quart ». Le monsieur m'adressa un sourire qu'il agrémenta d'un : « Merci, mademoiselle ! ». Et je ne pus m'empêcher de sourire à mon tour, fière d'avoir pu rendre service, et d'avoir appris à un adulte quelque chose qu'il ne savait pas.

Pourquoi on a aimé ?
Un vent de nostalgique souffle sur ce texte, qui nous ramène vers l’enfance, cette époque insouciante. En quelques mots simples, l’importance
Pourquoi on a aimé ?
Un vent de nostalgique souffle sur ce texte, qui nous ramène vers l’enfance, cette époque insouciante. En quelques mots simples, l’importance