Seule dans sa chambre à l'étage de la grande maison, elle observait le ciel s'assombrir, le cœur battant. Chaque seconde qui passait la rapprochait de l'heure fatidique où les ombres recouvrent ... [+]
Maëlys abattit le marteau sur l’enclume d’un mouvement ample. Pas une goutte de sueur ne dégoulinait de son front ou de ses tempes. Elle recommença, encore et encore, tournant le métal rougi sur l’autre face, l’affinant petit à petit. Inlassablement la forgeronne frappa, faisant chanter ses instruments, donnant naissance à une nouvelle lame, à défaut d’enfants.
Elle avait renoncé depuis longtemps à ce rêve qu’on lui avait mis dans la tête dans ses jeunes années. Maëlys avait pourtant fait un beau mariage après ses années d’apprentissage avec le forgeron. Mais Georg était mort après une attaque sur le village. On n’avait jamais retrouvé son corps. Les soldats et les habitants, hommes, femmes et enfants, s’étaient tous courageusement battus pour leur vie, mais très peu d’entre eux avaient survécu.
Bien des années après Maëlys était toujours là, fidèle au poste, fabricant armes, armures et boucliers, réparant ceux qu’on lui apportait. Mais elle ne s’était jamais remariée, repoussant tous les hommes qui s’étaient présentés à elle. La forgeronne était une femme indépendante qui n’avait pas besoin d’un mari pour se sentir vivante, ni d’enfant pour exister. Georg était celui qu’elle avait toujours voulu. Pas parce qu’il était grand et fort. Pas parce qu’il était doux et attentionné. Ni parce que son regard ambré pétillait chaque fois qu’il posait les yeux sur elle. À vrai dire elle ignorait pourquoi c’était lui et personne d’autre. Peut-être que, par nature, les êtres comme elle ne pouvaient aimer qu’une fois dans leur vie ? Ou parce qu’elle imaginait qu’un tel bonheur ne pouvait pas exister une deuxième fois ?
Les cors d’alerte retentirent. Maëlys releva la tête et posa ses outils. S’essuyant promptement les mains sur son tablier de cuir, elle attrapa une épée courte et un bouclier et sortit sur le pas de la forge. À l’extérieur le village brûlait déjà, des flammes s’élevant vers le ciel, léchant les toits de chaume. Les habitants courraient en tous sens, des cavaliers passèrent en trombe devant elle.
-Ils sont de retour ! Maëlys, aide-nous !
Bien sûr ils comptaient tous sur elle pour les protéger une fois encore, repousser les envahisseurs, sauver leur village et leur vie. Elle sauta en selle dès qu’un cheval sans cavalier passa à sa portée et s’élança au galop. Leurs assaillants n’étaient pas très différents d’eux, semblables à ce qu’elle était, en plus grands, plus forts et plus hargneux. Ils étaient poussés par le désir de tout détruire, tout brûler, c’était leur unique raison de vivre. Maëlys s’était toujours demandé pourquoi elle était différente, et comment elle s’était retrouvée dans un village de simples humains, loin de sa famille, loin de chez elle. Il y avait longtemps qu’elle ne posait plus la question et qu’elle profitait de chaque jour qui se présentait, comme s’il était le dernier.
Poussant son cheval au maximum de ses capacités, Maëlys fonçait sur les lignes ennemies au côté de ses valeureux camarades, ses amis, ses frères et sœurs, qui l’avaient vu grandir, avec qui elle avait joué durant l’enfance, avec qui elle partageait les repas chaque jour. Leurs adversaires fonçaient droit sur eux, crocs, griffes, et armes en avant. Soudain la forgeronne poussa un puissant cri venant des tréfonds de ses tripes et leva une main devant elle. Ils connaissaient ce signal et tous ensemble firent bifurquer leur monture sur les côtés tandis qu’une barrière de flammes s’abattit entre eux et les monstres venus les détruire. Cela ne les arrêterait pas, mais les retarderait un moment, le temps d’établir une stratégie.
Maëlys arrêta son cheval pour observer le résultat de son sort quand une silhouette traversa le brasier, apparemment immunisée.
-C’est impossible, souffla la femme alors que l’homme s’approchait d’un pas tranquille vers elle.
Il était là, son sourire bienveillant, son regard pétillant, ses muscles saillants. Maëlys mit pied à terre et s’avança vers Georg, hésitante, tremblante. Elle s’arrêta et le colosse réduisit la distance qui les séparait d’un pas de géant. Il prit la femme dans ses bras et la serra fort contre son torse à l’en étouffer. Elle le serra aussi fort, les larmes baignant son visage, trop heureuse de revoir celui qu’elle aimait. Elle se recula pour mieux l’observer et il lui souriait. Il n’avait pas changé, pas pris une ride, ni de cheveux blancs. Tout comme elle, il était resté le même, immuable, imperméable au temps qui passait.
Elle voulut ouvrir la bouche pour poser les questions qui lui brûlaient les lèvres, mais Georg la devança et l’embrassa avec toute la fougue qui faisait de lui son âme sœur. Ensemble ils décollèrent du sol, leurs corps s’enflammant comme un brasier et ils disparurent dans le ciel étoilé, ne laissant derrière eux que des étincelles.
Le Phénix renaîtrait ailleurs, comme autrefois, laissant le village dans la fournaise de son amour.
Elle avait renoncé depuis longtemps à ce rêve qu’on lui avait mis dans la tête dans ses jeunes années. Maëlys avait pourtant fait un beau mariage après ses années d’apprentissage avec le forgeron. Mais Georg était mort après une attaque sur le village. On n’avait jamais retrouvé son corps. Les soldats et les habitants, hommes, femmes et enfants, s’étaient tous courageusement battus pour leur vie, mais très peu d’entre eux avaient survécu.
Bien des années après Maëlys était toujours là, fidèle au poste, fabricant armes, armures et boucliers, réparant ceux qu’on lui apportait. Mais elle ne s’était jamais remariée, repoussant tous les hommes qui s’étaient présentés à elle. La forgeronne était une femme indépendante qui n’avait pas besoin d’un mari pour se sentir vivante, ni d’enfant pour exister. Georg était celui qu’elle avait toujours voulu. Pas parce qu’il était grand et fort. Pas parce qu’il était doux et attentionné. Ni parce que son regard ambré pétillait chaque fois qu’il posait les yeux sur elle. À vrai dire elle ignorait pourquoi c’était lui et personne d’autre. Peut-être que, par nature, les êtres comme elle ne pouvaient aimer qu’une fois dans leur vie ? Ou parce qu’elle imaginait qu’un tel bonheur ne pouvait pas exister une deuxième fois ?
Les cors d’alerte retentirent. Maëlys releva la tête et posa ses outils. S’essuyant promptement les mains sur son tablier de cuir, elle attrapa une épée courte et un bouclier et sortit sur le pas de la forge. À l’extérieur le village brûlait déjà, des flammes s’élevant vers le ciel, léchant les toits de chaume. Les habitants courraient en tous sens, des cavaliers passèrent en trombe devant elle.
-Ils sont de retour ! Maëlys, aide-nous !
Bien sûr ils comptaient tous sur elle pour les protéger une fois encore, repousser les envahisseurs, sauver leur village et leur vie. Elle sauta en selle dès qu’un cheval sans cavalier passa à sa portée et s’élança au galop. Leurs assaillants n’étaient pas très différents d’eux, semblables à ce qu’elle était, en plus grands, plus forts et plus hargneux. Ils étaient poussés par le désir de tout détruire, tout brûler, c’était leur unique raison de vivre. Maëlys s’était toujours demandé pourquoi elle était différente, et comment elle s’était retrouvée dans un village de simples humains, loin de sa famille, loin de chez elle. Il y avait longtemps qu’elle ne posait plus la question et qu’elle profitait de chaque jour qui se présentait, comme s’il était le dernier.
Poussant son cheval au maximum de ses capacités, Maëlys fonçait sur les lignes ennemies au côté de ses valeureux camarades, ses amis, ses frères et sœurs, qui l’avaient vu grandir, avec qui elle avait joué durant l’enfance, avec qui elle partageait les repas chaque jour. Leurs adversaires fonçaient droit sur eux, crocs, griffes, et armes en avant. Soudain la forgeronne poussa un puissant cri venant des tréfonds de ses tripes et leva une main devant elle. Ils connaissaient ce signal et tous ensemble firent bifurquer leur monture sur les côtés tandis qu’une barrière de flammes s’abattit entre eux et les monstres venus les détruire. Cela ne les arrêterait pas, mais les retarderait un moment, le temps d’établir une stratégie.
Maëlys arrêta son cheval pour observer le résultat de son sort quand une silhouette traversa le brasier, apparemment immunisée.
-C’est impossible, souffla la femme alors que l’homme s’approchait d’un pas tranquille vers elle.
Il était là, son sourire bienveillant, son regard pétillant, ses muscles saillants. Maëlys mit pied à terre et s’avança vers Georg, hésitante, tremblante. Elle s’arrêta et le colosse réduisit la distance qui les séparait d’un pas de géant. Il prit la femme dans ses bras et la serra fort contre son torse à l’en étouffer. Elle le serra aussi fort, les larmes baignant son visage, trop heureuse de revoir celui qu’elle aimait. Elle se recula pour mieux l’observer et il lui souriait. Il n’avait pas changé, pas pris une ride, ni de cheveux blancs. Tout comme elle, il était resté le même, immuable, imperméable au temps qui passait.
Elle voulut ouvrir la bouche pour poser les questions qui lui brûlaient les lèvres, mais Georg la devança et l’embrassa avec toute la fougue qui faisait de lui son âme sœur. Ensemble ils décollèrent du sol, leurs corps s’enflammant comme un brasier et ils disparurent dans le ciel étoilé, ne laissant derrière eux que des étincelles.
Le Phénix renaîtrait ailleurs, comme autrefois, laissant le village dans la fournaise de son amour.