DIMANCHE
Bleu strié de vert,
Un chien,
Faisant tintinnabuler ses boucles d'oreilles-flacons de parfum,
Dévale l'avenue sur ses pattes arrière,
Pensif il médite sur la proposition de
... [+]
Jérôme venait de sortir sa moto du garage. Soudain le sol se déroba sous ses pieds, il se sentit s'élever brusquement dans les airs et se cogna brutalement sous le balcon qui surplombait le portail de ce garage, heureusement sa tête porta en premier et comme il avait déjà enfilé son casque le dommage se limita à ce dernier. Dans le même temps il aperçut tout ce qui n'était pas fixé au sol, son mobilier de jardin en particulier, s'envoler et disparaître dans le bleu du firmament. Au loin des automobiles se prenant pour des avions de chasse fusaient à la verticale pour finir par disparaître dans l'azur, sa moto elle, arrêtée dans son envol par le balcon, se trouvait couchée à son côté contre le dessous de celui-ci.
Dans la cuisine dont la fenêtre était entrouverte, Adèle sa femme émettait des sons incongrus avant de finir par articuler en boucle à la manière d'un refrain de chanson contemporaine, et de façon plus ou moins intelligible, la phrase suivante d'une portée hautement intellectuelle :
- Ah ! Ben çà alors ! Ah ! Ben çà alors ! Ah ! Ben çà alors !
Puis elle réalisa un peu mieux ce qui lui arrivait :
- Jérôme, qu'est-ce que c'est que cette histoire, je suis tombée au plafond !
Ce faisant elle décrivait très précisément et sans en avoir conscience ce qu'il venait de lui arriver, ainsi d'ailleurs qu'à tout ce qui n'était pas fixé dans la cuisine, de telle sorte qu'elle se trouvait couchée sur ce plafond au milieu d'un invraisemblable ramassis d'engins ménagers, d'ustensiles de cuisine, de fourchettes, de couteaux et même de carottes et de pommes de terre, la table et les chaises sens dessus dessous l'avaient rejointe dans sa nouvelle position. Un peu à l'écart un bol déversait son contenu huileux sur le crépi qui protégeait ce fameux plafond. Le four à micro ondes, lui, se balançait à l'extrémité de son cordon d'alimentation quelques dizaines de centimètres au dessus, ou au dessous selon que l'on raisonnait au présent ou au passé, de ce qui constituait comme un nouveau sol.
Adèle se contorsionna, se palpa sous tous les angles afin de faire un état des dégâts qu'aurait pu subir son anatomie. Se trouvant finalement dans un état satisfaisant elle se redressa et se retrouva debout sur le plafond l'ancien sol ayant pris le relais de celui-ci.
- Jérôme, je deviens folle, je marche au plafond !
Pendant ce temps Jérôme tentait de faire un état des lieux mais l'incongruité de la situation et l'absurdité absolue des derniers événements perturbaient le fonctionnement logique de son intellect. N'apercevait-il pas, par exemple, des vaches meuglant de désespoir s'élever dans le ciel à la vitesse de montgolfières gonflées par des réacteurs ?
Dans l'immédiat la source semblait tarie, mais le phénomène en lui-même persistait Jérôme restant collé sous la face inférieure de son balcon, la source semblait tarie tout simplement parce que plus aucun objet, ou être vivant, disposé sur ce qui avait été le sol ou un quelconque support ne disposait de liberté.
Plus un seul caillou non enterré n'apparaissait, pas un branchage ne jonchait la surface de la terre même la pelouse semblait débarrassée du moindre brin d'herbe non enraciné. Les oiseaux eux-même volaient sur le dos comme s'ils avaient besoin de produire des efforts pour ne pas quitter la planète, d'ailleurs l'un d'eux venait de se poser sur le rebord supérieur de la fenêtre de cuisine.
Jérôme croyait avoir à faire à une situation locale, une sorte de distorsion de l'espace-temps limitée à son environnement immédiat. Dans la réalité cette anomalie incompréhensible concernait l'ensemble de la planète. Partout des voitures filaient vers le zénith, partout les animaux en liberté se transformaient en oiseaux sans même qu'il soit besoin de leur pousser des ailes, même les avions étaient contraints de voler sur le dos sans que les passagers s'en rendent compte, sauf à regarder par les hublots, partout les plans d'eau avaient perdu leur contenu.
En quelques minutes la planète fut l'objet d'un nettoyage d'une efficacité incomparable : tout ce qui n'était pas fixé au sol prenait la poudre d'escampette. Tous les habitants qui ne se trouvaient pas à l'intérieur de bâtiments dépassèrent l'altitude de l'Everest en quelques minutes les autres, évoluant tant bien que mal sur des plafonds peu conçus pour cet exercice avaient quelques difficultés respiratoires l'air lui même ayant migré vers les hauteurs.
* * *
Soudain, sans prévenir, comme lors de sa mise en place le phénomène cessa. Les occupants des plafonds s'écrasèrent sur le sol avec plus ou moins de bonheur. Quelques minutes s'écoulèrent, les objets, les animaux qui avaient migré vers les hauteurs commencèrent à réintégrer le sol traditionnel. Rapidement ce fut une pluie multiforme et mieux valait pour les survivants se tenir à l'abri. Quelques minutes encore s'écoulèrent, tous les transfuges aériens avaient retrouvé la planète et le sol se trouva jonché d'un fatras indescriptible comprenant les objets les plus hétéroclites au milieu d'animaux et d'humains, pour la plupart à l'état de cadavres, les autres dans un piteux état. Jérôme, lui, se trouvait couché à côté de sa moto, endolori par tout le corps, alors qu'Adèle gisait sur le sol de la cuisine une jambe coincée sous sa table renversée.
* * *
Très loin, à 36 000km, sur une orbite géostationnaire, camouflés derrière un leurre optique, les occupants d'un gigantesque vaisseau spatial suivaient les événement. Un observateur situé dans ce vaisseau quelques minutes auparavant aurait pu entendre, s'il avait été en état de traduire cette langue inconnue, le commandant annoncer :
- Planète XZ2625C, fin de l'opération «Gravitation inversée». À l'abordage !
Dans la cuisine dont la fenêtre était entrouverte, Adèle sa femme émettait des sons incongrus avant de finir par articuler en boucle à la manière d'un refrain de chanson contemporaine, et de façon plus ou moins intelligible, la phrase suivante d'une portée hautement intellectuelle :
- Ah ! Ben çà alors ! Ah ! Ben çà alors ! Ah ! Ben çà alors !
Puis elle réalisa un peu mieux ce qui lui arrivait :
- Jérôme, qu'est-ce que c'est que cette histoire, je suis tombée au plafond !
Ce faisant elle décrivait très précisément et sans en avoir conscience ce qu'il venait de lui arriver, ainsi d'ailleurs qu'à tout ce qui n'était pas fixé dans la cuisine, de telle sorte qu'elle se trouvait couchée sur ce plafond au milieu d'un invraisemblable ramassis d'engins ménagers, d'ustensiles de cuisine, de fourchettes, de couteaux et même de carottes et de pommes de terre, la table et les chaises sens dessus dessous l'avaient rejointe dans sa nouvelle position. Un peu à l'écart un bol déversait son contenu huileux sur le crépi qui protégeait ce fameux plafond. Le four à micro ondes, lui, se balançait à l'extrémité de son cordon d'alimentation quelques dizaines de centimètres au dessus, ou au dessous selon que l'on raisonnait au présent ou au passé, de ce qui constituait comme un nouveau sol.
Adèle se contorsionna, se palpa sous tous les angles afin de faire un état des dégâts qu'aurait pu subir son anatomie. Se trouvant finalement dans un état satisfaisant elle se redressa et se retrouva debout sur le plafond l'ancien sol ayant pris le relais de celui-ci.
- Jérôme, je deviens folle, je marche au plafond !
Pendant ce temps Jérôme tentait de faire un état des lieux mais l'incongruité de la situation et l'absurdité absolue des derniers événements perturbaient le fonctionnement logique de son intellect. N'apercevait-il pas, par exemple, des vaches meuglant de désespoir s'élever dans le ciel à la vitesse de montgolfières gonflées par des réacteurs ?
Dans l'immédiat la source semblait tarie, mais le phénomène en lui-même persistait Jérôme restant collé sous la face inférieure de son balcon, la source semblait tarie tout simplement parce que plus aucun objet, ou être vivant, disposé sur ce qui avait été le sol ou un quelconque support ne disposait de liberté.
Plus un seul caillou non enterré n'apparaissait, pas un branchage ne jonchait la surface de la terre même la pelouse semblait débarrassée du moindre brin d'herbe non enraciné. Les oiseaux eux-même volaient sur le dos comme s'ils avaient besoin de produire des efforts pour ne pas quitter la planète, d'ailleurs l'un d'eux venait de se poser sur le rebord supérieur de la fenêtre de cuisine.
Jérôme croyait avoir à faire à une situation locale, une sorte de distorsion de l'espace-temps limitée à son environnement immédiat. Dans la réalité cette anomalie incompréhensible concernait l'ensemble de la planète. Partout des voitures filaient vers le zénith, partout les animaux en liberté se transformaient en oiseaux sans même qu'il soit besoin de leur pousser des ailes, même les avions étaient contraints de voler sur le dos sans que les passagers s'en rendent compte, sauf à regarder par les hublots, partout les plans d'eau avaient perdu leur contenu.
En quelques minutes la planète fut l'objet d'un nettoyage d'une efficacité incomparable : tout ce qui n'était pas fixé au sol prenait la poudre d'escampette. Tous les habitants qui ne se trouvaient pas à l'intérieur de bâtiments dépassèrent l'altitude de l'Everest en quelques minutes les autres, évoluant tant bien que mal sur des plafonds peu conçus pour cet exercice avaient quelques difficultés respiratoires l'air lui même ayant migré vers les hauteurs.
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Soudain, sans prévenir, comme lors de sa mise en place le phénomène cessa. Les occupants des plafonds s'écrasèrent sur le sol avec plus ou moins de bonheur. Quelques minutes s'écoulèrent, les objets, les animaux qui avaient migré vers les hauteurs commencèrent à réintégrer le sol traditionnel. Rapidement ce fut une pluie multiforme et mieux valait pour les survivants se tenir à l'abri. Quelques minutes encore s'écoulèrent, tous les transfuges aériens avaient retrouvé la planète et le sol se trouva jonché d'un fatras indescriptible comprenant les objets les plus hétéroclites au milieu d'animaux et d'humains, pour la plupart à l'état de cadavres, les autres dans un piteux état. Jérôme, lui, se trouvait couché à côté de sa moto, endolori par tout le corps, alors qu'Adèle gisait sur le sol de la cuisine une jambe coincée sous sa table renversée.
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Très loin, à 36 000km, sur une orbite géostationnaire, camouflés derrière un leurre optique, les occupants d'un gigantesque vaisseau spatial suivaient les événement. Un observateur situé dans ce vaisseau quelques minutes auparavant aurait pu entendre, s'il avait été en état de traduire cette langue inconnue, le commandant annoncer :
- Planète XZ2625C, fin de l'opération «Gravitation inversée». À l'abordage !