Je prends un troisième ris dans la grand-voile après avoir hissé mon tourmentin à l’avant. Il semble bien ridicule sur ce grand voilier de 16 mètres tout en bois vernis, flamboyant. C’est ma ... [+]
Un jour de pluie... Le stress du matin avec les embouteillages. J’suis déjà crevé et je n’ai pas commencé ma journée. Chaque matin, c’est une heure de voiture pour arriver au bureau. Cela m’épuise mais je préfère. Je ne supporte pas les transports en commun. Le métro m’affole, m’angoisse, me terrifie... Je ne supporte pas la promiscuité. Les gens qui me collent, les odeurs de sueur, la compression des corps dans le métro... je hais les gens dans ces moments-là. Et pourtant, je suis comme eux... Un mouton qui va au boulot tous les matins... Je travaille dans une boite de communication... Directeur artistique... Dans un mois, je suis viré, licenciement économique... J’ai hâte ! Enfin je vais me reposer, prendre le temps, lire, écrire un roman peut-être, faire un enfant à Marie... Marie c’est ma compagne depuis cinq ans. Elle est iconographe.
Je l’aime Marie... On s’est rencontré dans un musée... J’ai horreur des musées mais ma mère voulait absolument visiter le Louvre et admirer « La femme à la perle » de Camille Courot. J’ai adoré... Elle est magnifique... Un visage d’ange, une simplicité et un regard... ce regard... Cela m’a bouleversé. C’est en admirant ce tableau que Marie, en reculant, m’a marché sur les pieds. J’ai hurlé, elle a poussé un cri terrifiant. Nous sommes restés au moins dix secondes à nous regarder, les yeux dans les yeux, et puis elle a souri... Je suis tombé amoureux immédiatement. Marie, après s’être excusée, a passé son chemin. Je l’ai suivie et j’ai engagé la conversation devant une autre peinture, l’allégorie de la victoire...
- C’est magnifique ! Cette femme, ses ailes, ses seins !!!
Marie m’a regardé interloquée. Puis elle a pouffé de rire.
- Bonjour je m’appelle Etienne...
- Moi, c’est Marie !
Nous avons discuté de peinture, d’art, de nous, du métro, de la vie...
Six mois que nous sommes installés ensemble dans un appartement en périphérie de Paris.
« Attention bouchon à 600 mètres »
Ce panneau de signalisation a toujours indiqué qu’il y avait un bouchon à 600 mètres. C’est désespérant... Je lis de plus en plus au volant pour ne plus perdre mon temps pour me sentir vivant et libre même quand je suis enfermé dans cette caisse. Je dévore actuellement Pandemia de Franck Thilliez. J’imagine l’impact de la propagation d’un virus mortel dans une grande ville comme Paris... Un jour cela arrivera et j’espère que mes enfants seront à l’abri. Le concert de klaxons est ouvert... Je n’ai jamais compris pourquoi les gens s’obstinaient à appuyer frénétiquement sur ce buzzer. Peut-être pour crier leur détresse...
A trente ans, Paris m’insupporte... J’aimerai m’installer en province à la campagne, près de la mer... Etretat ou Saint Malo, j’m’en fous pourvu que je ne subisse plus l’agressivité des excités du matin de la région parisienne.
Voilà, c’est le moment... Les voitures stoppent au milieu du périph... Les pots d’échappement s’en donnent à cœur joie pour nous pourrir les poumons. A la radio sur Europe 1, Natasha Polony, nous fait sa revue de presse toujours aussi déprimante... Le monde s’écroule... Les attentats en Irak, au Nigéria, les migrants qui fuient la guerre et l’horreur, le petit Aylan, noyé, échoué sur une plage... Je coupe la radio... Je prends mon livre. Je jette un dernier coup d’œil dans le rétroviseur et je l’aperçois.
Dans sa voiture blanche, elle se regarde dans le rétroviseur et ajuste son rouge à lèvres. Puis elle fixe un point devant elle sans deviner que je suis là dans sa ligne de mire, en voyeur. Nos regards se croisent mais elle ne me voit pas. Je suis happé par son visage, Je ne peux pas m’en détacher. A quoi pense-t-elle ? Qui est-elle ? C’est une naufragée du périphérique perdue au milieu de cet océan de véhicules, comme moi. Généralement les gens au volant sont immobiles, comme des statues sans expression ou excités comme des chiens enragés. Cette femme me fascine... je ne sais pas pourquoi. Elle n’est ni belle ni laide. Elle a une expression étrange. Une sorte de lassitude dans le regard mêlée d’une envie de se battre néanmoins. Contre quoi ? Je ne sais pas... Il faut que j’arrête de lire des romans, je me fais des films... J’allais ouvrir mon livre quand tout à coup... j’ai vu ses yeux... Des larmes... Inexorablement elles ont envahi le bleu de ses iris puis elles se sont écoulées sur ses joues... Elle n’a rien tenté pour les retenir. Je suis bouleversé. J’ai envie de sortir de la voiture et de lui dire que je suis là et que je veux bien l’écouter, l’aider... Cela dure une éternité, je ne sais pas quoi faire... Les klaxons redoublent de violence et je m’aperçois que je suis leur cible. J’enclenche la première et j’avance de quelques mètres. Je regarde dans mon rétroviseur et je vois la voiture blanche prendre la bretelle pour sortir du périphérique.
- Non !
J’ai crié sans m’en rendre compte. Je panique... J’aurais voulu lui parler... Cela m’a fait le même effet qu’au Louvre devant « La femme à la perle »... Mon téléphone sonne.
- Marie ? Oui, je suis encore dans les bouchons... Marie... Oui... Marie, Je t’aime... J’ai envie de partir ailleurs... J’ai envie qu’on poursuive notre route dans un autre endroit. J’ai envie qu’on fasse un bébé... Comment ? Oui, je pleure... C’est l’émotion... Mais ça va... Oui, je suis seul... J’ai repensé à nous, j’ai repensé au tableau de notre rencontre. Non ! L’autre ! A ce soir... Je vais bien, ne t’en fais pas...
Je prends finalement la route vers la Normandie. Quelques heures plus tard je suis assis sur un banc face aux falaises d’Etretat. Le soleil me chauffe le visage, je ferme les yeux... Je me laisse envahir par le bruit des vagues et les cris des mouettes... Je repense à cette femme... Sa détresse silencieuse, ses chaines, ses larmes...
Les larmes coulent sur mes joues. Le paysage est magnifique ! Je suis vivant...
Je l’aime Marie... On s’est rencontré dans un musée... J’ai horreur des musées mais ma mère voulait absolument visiter le Louvre et admirer « La femme à la perle » de Camille Courot. J’ai adoré... Elle est magnifique... Un visage d’ange, une simplicité et un regard... ce regard... Cela m’a bouleversé. C’est en admirant ce tableau que Marie, en reculant, m’a marché sur les pieds. J’ai hurlé, elle a poussé un cri terrifiant. Nous sommes restés au moins dix secondes à nous regarder, les yeux dans les yeux, et puis elle a souri... Je suis tombé amoureux immédiatement. Marie, après s’être excusée, a passé son chemin. Je l’ai suivie et j’ai engagé la conversation devant une autre peinture, l’allégorie de la victoire...
- C’est magnifique ! Cette femme, ses ailes, ses seins !!!
Marie m’a regardé interloquée. Puis elle a pouffé de rire.
- Bonjour je m’appelle Etienne...
- Moi, c’est Marie !
Nous avons discuté de peinture, d’art, de nous, du métro, de la vie...
Six mois que nous sommes installés ensemble dans un appartement en périphérie de Paris.
« Attention bouchon à 600 mètres »
Ce panneau de signalisation a toujours indiqué qu’il y avait un bouchon à 600 mètres. C’est désespérant... Je lis de plus en plus au volant pour ne plus perdre mon temps pour me sentir vivant et libre même quand je suis enfermé dans cette caisse. Je dévore actuellement Pandemia de Franck Thilliez. J’imagine l’impact de la propagation d’un virus mortel dans une grande ville comme Paris... Un jour cela arrivera et j’espère que mes enfants seront à l’abri. Le concert de klaxons est ouvert... Je n’ai jamais compris pourquoi les gens s’obstinaient à appuyer frénétiquement sur ce buzzer. Peut-être pour crier leur détresse...
A trente ans, Paris m’insupporte... J’aimerai m’installer en province à la campagne, près de la mer... Etretat ou Saint Malo, j’m’en fous pourvu que je ne subisse plus l’agressivité des excités du matin de la région parisienne.
Voilà, c’est le moment... Les voitures stoppent au milieu du périph... Les pots d’échappement s’en donnent à cœur joie pour nous pourrir les poumons. A la radio sur Europe 1, Natasha Polony, nous fait sa revue de presse toujours aussi déprimante... Le monde s’écroule... Les attentats en Irak, au Nigéria, les migrants qui fuient la guerre et l’horreur, le petit Aylan, noyé, échoué sur une plage... Je coupe la radio... Je prends mon livre. Je jette un dernier coup d’œil dans le rétroviseur et je l’aperçois.
Dans sa voiture blanche, elle se regarde dans le rétroviseur et ajuste son rouge à lèvres. Puis elle fixe un point devant elle sans deviner que je suis là dans sa ligne de mire, en voyeur. Nos regards se croisent mais elle ne me voit pas. Je suis happé par son visage, Je ne peux pas m’en détacher. A quoi pense-t-elle ? Qui est-elle ? C’est une naufragée du périphérique perdue au milieu de cet océan de véhicules, comme moi. Généralement les gens au volant sont immobiles, comme des statues sans expression ou excités comme des chiens enragés. Cette femme me fascine... je ne sais pas pourquoi. Elle n’est ni belle ni laide. Elle a une expression étrange. Une sorte de lassitude dans le regard mêlée d’une envie de se battre néanmoins. Contre quoi ? Je ne sais pas... Il faut que j’arrête de lire des romans, je me fais des films... J’allais ouvrir mon livre quand tout à coup... j’ai vu ses yeux... Des larmes... Inexorablement elles ont envahi le bleu de ses iris puis elles se sont écoulées sur ses joues... Elle n’a rien tenté pour les retenir. Je suis bouleversé. J’ai envie de sortir de la voiture et de lui dire que je suis là et que je veux bien l’écouter, l’aider... Cela dure une éternité, je ne sais pas quoi faire... Les klaxons redoublent de violence et je m’aperçois que je suis leur cible. J’enclenche la première et j’avance de quelques mètres. Je regarde dans mon rétroviseur et je vois la voiture blanche prendre la bretelle pour sortir du périphérique.
- Non !
J’ai crié sans m’en rendre compte. Je panique... J’aurais voulu lui parler... Cela m’a fait le même effet qu’au Louvre devant « La femme à la perle »... Mon téléphone sonne.
- Marie ? Oui, je suis encore dans les bouchons... Marie... Oui... Marie, Je t’aime... J’ai envie de partir ailleurs... J’ai envie qu’on poursuive notre route dans un autre endroit. J’ai envie qu’on fasse un bébé... Comment ? Oui, je pleure... C’est l’émotion... Mais ça va... Oui, je suis seul... J’ai repensé à nous, j’ai repensé au tableau de notre rencontre. Non ! L’autre ! A ce soir... Je vais bien, ne t’en fais pas...
Je prends finalement la route vers la Normandie. Quelques heures plus tard je suis assis sur un banc face aux falaises d’Etretat. Le soleil me chauffe le visage, je ferme les yeux... Je me laisse envahir par le bruit des vagues et les cris des mouettes... Je repense à cette femme... Sa détresse silencieuse, ses chaines, ses larmes...
Les larmes coulent sur mes joues. Le paysage est magnifique ! Je suis vivant...