Fergus McAdams mourut un beau matin, le 10 septembre 1547, sur le champ de bataille de Pinkie Cleugh, lorsqu'une flèche anglaise bien droite lui traversa le cœur.
À son réveil, la flèche
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Bon ! On ne peut pas dire que l'organisation de la course était géniale. Pourtant, on était censé conquérir l'Ouest. Ce n'était pas rien !
Personne ne s'était déplacé pour nous applaudir sur la ligne de départ, ou même nous souhaiter bonne chance. Il n'y avait pas eu de distribution de maillot, aucune boisson offerte, et bien sûr, pas un seul paquet de chips à l'horizon. Moi, j'aime les chips même si j'ai du mal à les mâcher à cause de mes dents, celles qui me manquent.
Il y avait bien un point d'eau pas très loin, mais franchement, l'hygiène laissait à désirer. Et pourtant, je ne suis pas nareux pour deux sous. En plus il aurait fallu que e déplace. J'aurais perdu ma place, et comme on dit: qui va à l'eau... eh bien! se noie.
Non, vraiment, on était dans l'amateurisme le plus complet.
Cela dit, petit motif de satisfaction, il y avait foule ! Enfin, je parle des participants, parce que pour ce qui est des gradins (qui n'existaient d'ailleurs pas, il y avait juste un petit carré de gazon mal entretenu) il n'y avait personne ! Ou presque. À croire que l'événement n'avait pas été annoncé, ou que la date n'était pas la bonne. Mais dans ce cas, on était des milliers à s'être trompés !
On se marchait dessus. Enfin, façon de parler, bien-sûr. J'ai reconnu plusieurs de mes voisins parce qu'on habitait le même patelin, et j'avais bien l'impression qu'ils se posaient les mêmes questions que moi.
― Salut ! Salut à toi aussi mon pote. Alors, en forme ma grande ? Ah ! Autant pour moi, je t'avais prise pour quelqu'un d'autre. Quoi ? Mais non, je ne te drague pas ! J'aurais trouvé autre chose de plus classe quand même. Hein ? Non mais, ça va ! Je te dis que je me suis trompé. Ça ne t'arrive jamais à toi ? Ah, d'accord. Bon, eh bien ! désolé.
― Non, mais tu as vu ça ? Comment elle l'a pris ? On ne peut plus rien dire. Quoi ? C'est un mec ? Non ! J'ai vraiment besoin de lunettes.
Alors, j'ai fait quelques mouvements d'assouplissement. Si, si ! Des mouvements d'assouplissement. On n'est jamais trop prudent, surtout quand le temps est un peu frais. Un claquage, un muscle froissé et c'est terminé. Non, il faut s'assouplir même quand on est souple de nature.
― Sinon, qui donne le départ ? Lui ? C'est toi qui donnes le départ ? Ah non, c'est l'autre ? Personne ne donne le départ ? Comment ça, personne ?
Finalement tout le monde a poussé, sans que personne ne dise quoi que ce soit. On était partis. Je me suis mis dans la roue de celui qui était devant moi. Je n'y voyais pas beaucoup, sûrement parce que les coureurs devant moi étaient tous des asperges qui me bouchaient la vue. Et puis, la terre volait dans tous les sens. J'en ai avalé plus qu'à mon tour.
C'est à ce moment que je me suis rendu compte que le chemin n'était pas balisé. En fait, c'était plus du cross country qu'un marathon. J'ai eu l'impression qu'on pouvait même prendre des raccourcis sans qu'un officiel ne dise quoi que ce soit. Quel cirque ! Enfin si tout le monde fait comme il lui plait, c'est l'anarchie. D'ailleurs, c'est vite devenu l'anarchie.
Tout à coup, un gros rougeaud m'a bousculé et j'ai heurté une sorte de poteau orange. Un poteau en plein milieu du chemin ! Vous imaginez ça, vous ?
Et en un clin d'œil, ce n'est pas un poteau mais un champ de poteaux oranges qui se sont dressés en plein milieu de la course. Un des coureurs s'en était pris un en pleine tête. Mais vraiment en pleine tête ! Sa tête s'était encastrée directement dans le poteau. Un autre avait dû s'assommer parce qu'il était couché par terre, le dos cassé en deux. On voyait bien que lui aussi était hors course.
Mais quel était le con qui avait planté ces poteaux sur le chemin ? Je vous le demande. Ce ne sont pas des trucs à faire.
Heureusement, je m'en suis sorti sans trop de casse, mais j'aurais presque pu me fouler une cheville ou pire, me casser un tibia. J'exagère un peu, mais je raconte, alors j'enjolive un peu.
Pourtant, vous croyez que c'était la fin de mes ennuis ? Que nenni. C'était comme tomber de Charybde en Scylla ou même tomber de poteaux en trous, parce qu'après les poteaux, c'est des trous qu'on a eus. Des trous partout. Deux coureurs devant moi ont subitement disparu, comme s'ils avaient été avalés par le sol. Gobés, qu'ils ont été. On ne les a jamais revus.
J'ai fait un grand pas de côté au dernier moment, et j'ai eu du bol. Mais, on a quand même perdu une partie du peloton dans ces trous de malheur. Autant dire qu'on a commencé à faire attention où on mettait... comment ça s'appelle, déjà ?.. Ah oui ! Les pieds. On a tous continué à courir les yeux baissés sur nos... Ah ! Je l'ai encore perdu... nos pieds. C'est ça. En tout cas, on a regardé vers le bas.
Erreur ! C'est vers le haut qu'on aurait dû regarder à ce moment-là, parce qu'une pluie de pieux s'est abattue sur nous. Des sortes de pieux jaunes qui attaquaient par paires. C'était un vrai massacre. Clac ! Clac ! faisaient les ciseaux en se refermant. Un concurrent à ma gauche a été attrapé par deux de ces pieux. Il a bien essayé de s'accrocher au sol, mais les pieux géants étaient trop forts. J'ai vu son regard étonné et plein de désarroi quand il a été soulevé de terre et qu'il a disparu. Je vous assure, c'était une vision qui me suivra le reste de ma vie. Ces pauvres yeux m'implorant de les aider.
Dans la panique il a dû y avoir une chute en tête de la course, parce que tout à coup j'ai vu un bon paquet de participants complètement entremêlés. On aurait dit une grosse boule qui se trémoussait dans tous les sens. C'était presque vulgaire, tous ces corps glissant les uns sur les autres, chacun essayant de se sortir de ce pétrin juste pour s'enfoncer encore plus. On ne distinguait pas les têtes des... enfin, vous voyez le tableau, et vous imaginez le peintre. Ce n'était pas beau à voir, mais qu'est-ce que je pouvais faire ? C'est ça, rien. Je ne pouvais rien faire. De toute façon, les autres non plus n'ont pas levé le petit... mince... le petit doigt. Oui je sais, c'est de l'humour noir pas drôle.
C'est pour ça que j'ai laissé courir (façon de parler) et je les ai dépassés en leur jetant un dernier coup d'œil, juste au moment où une paire de pieux encore plus géants que les pieux géants, les a arrachés à l'affection des leurs.
C'est triste. Mais il en faut pour tout le monde.
Nous, le reste de la troupe, on a continué. On était les vrais pionniers, ceux qui allaient atteindre le but, le terminus. Certains se sont encore perdus en route, d'autres ont abandonné et se sont juste assis en attendant Godot, ou même son frère. Mais croyez-le ou non, on était encore des milliers de dizaines quand on a enfin atteint notre but. Bon, je ne vais pas vous mentir, c'était décevant parce que le but ressemblait comme deux mottes de terre à l'endroit d'où on était partis. Et surtout on s'est cognés contre un truc plus dur que la tête de mon voisin. Un truc tout gris et moche qui avait tout d'une montagne dont on ne voyait ni le haut, ni le bas, ni la droite, ni la gauche. C'était une montagne emmerdante. On a bien essayé de la pousser en s'y mettant tous, mais la montagne n'a pas bougé. Elle n'est pas venue à nous, c'est nous qui sommes allés à elle. Ne serait-ce que pour lui dire deux mots !
Ça devait être la nouvelle conquête de l'Ouest, et finalement on a juste fait la conquête de l'Ouest du jardin. Mais après tout, ce n'est pas plus mal parce que personnellement, je ne parle pas un seul mot d'anglais. D'ailleurs, à bien y réfléchir, je ne parle pas du tout puisque je suis juste un ver de terre. Alors, si vous avez vraiment cru à cette histoire, c'est que vous avez beaucoup d'imagination, ou alors une araignée au plafond ! Tiens, en parlant d'araignée, j'en connais une qui pourrait vous raconter comment elle a réussi à conquérir tout un pays de vingt-sept centimètres carrés entre les laitues et les potirons !
Personne ne s'était déplacé pour nous applaudir sur la ligne de départ, ou même nous souhaiter bonne chance. Il n'y avait pas eu de distribution de maillot, aucune boisson offerte, et bien sûr, pas un seul paquet de chips à l'horizon. Moi, j'aime les chips même si j'ai du mal à les mâcher à cause de mes dents, celles qui me manquent.
Il y avait bien un point d'eau pas très loin, mais franchement, l'hygiène laissait à désirer. Et pourtant, je ne suis pas nareux pour deux sous. En plus il aurait fallu que e déplace. J'aurais perdu ma place, et comme on dit: qui va à l'eau... eh bien! se noie.
Non, vraiment, on était dans l'amateurisme le plus complet.
Cela dit, petit motif de satisfaction, il y avait foule ! Enfin, je parle des participants, parce que pour ce qui est des gradins (qui n'existaient d'ailleurs pas, il y avait juste un petit carré de gazon mal entretenu) il n'y avait personne ! Ou presque. À croire que l'événement n'avait pas été annoncé, ou que la date n'était pas la bonne. Mais dans ce cas, on était des milliers à s'être trompés !
On se marchait dessus. Enfin, façon de parler, bien-sûr. J'ai reconnu plusieurs de mes voisins parce qu'on habitait le même patelin, et j'avais bien l'impression qu'ils se posaient les mêmes questions que moi.
― Salut ! Salut à toi aussi mon pote. Alors, en forme ma grande ? Ah ! Autant pour moi, je t'avais prise pour quelqu'un d'autre. Quoi ? Mais non, je ne te drague pas ! J'aurais trouvé autre chose de plus classe quand même. Hein ? Non mais, ça va ! Je te dis que je me suis trompé. Ça ne t'arrive jamais à toi ? Ah, d'accord. Bon, eh bien ! désolé.
― Non, mais tu as vu ça ? Comment elle l'a pris ? On ne peut plus rien dire. Quoi ? C'est un mec ? Non ! J'ai vraiment besoin de lunettes.
Alors, j'ai fait quelques mouvements d'assouplissement. Si, si ! Des mouvements d'assouplissement. On n'est jamais trop prudent, surtout quand le temps est un peu frais. Un claquage, un muscle froissé et c'est terminé. Non, il faut s'assouplir même quand on est souple de nature.
― Sinon, qui donne le départ ? Lui ? C'est toi qui donnes le départ ? Ah non, c'est l'autre ? Personne ne donne le départ ? Comment ça, personne ?
Finalement tout le monde a poussé, sans que personne ne dise quoi que ce soit. On était partis. Je me suis mis dans la roue de celui qui était devant moi. Je n'y voyais pas beaucoup, sûrement parce que les coureurs devant moi étaient tous des asperges qui me bouchaient la vue. Et puis, la terre volait dans tous les sens. J'en ai avalé plus qu'à mon tour.
C'est à ce moment que je me suis rendu compte que le chemin n'était pas balisé. En fait, c'était plus du cross country qu'un marathon. J'ai eu l'impression qu'on pouvait même prendre des raccourcis sans qu'un officiel ne dise quoi que ce soit. Quel cirque ! Enfin si tout le monde fait comme il lui plait, c'est l'anarchie. D'ailleurs, c'est vite devenu l'anarchie.
Tout à coup, un gros rougeaud m'a bousculé et j'ai heurté une sorte de poteau orange. Un poteau en plein milieu du chemin ! Vous imaginez ça, vous ?
Et en un clin d'œil, ce n'est pas un poteau mais un champ de poteaux oranges qui se sont dressés en plein milieu de la course. Un des coureurs s'en était pris un en pleine tête. Mais vraiment en pleine tête ! Sa tête s'était encastrée directement dans le poteau. Un autre avait dû s'assommer parce qu'il était couché par terre, le dos cassé en deux. On voyait bien que lui aussi était hors course.
Mais quel était le con qui avait planté ces poteaux sur le chemin ? Je vous le demande. Ce ne sont pas des trucs à faire.
Heureusement, je m'en suis sorti sans trop de casse, mais j'aurais presque pu me fouler une cheville ou pire, me casser un tibia. J'exagère un peu, mais je raconte, alors j'enjolive un peu.
Pourtant, vous croyez que c'était la fin de mes ennuis ? Que nenni. C'était comme tomber de Charybde en Scylla ou même tomber de poteaux en trous, parce qu'après les poteaux, c'est des trous qu'on a eus. Des trous partout. Deux coureurs devant moi ont subitement disparu, comme s'ils avaient été avalés par le sol. Gobés, qu'ils ont été. On ne les a jamais revus.
J'ai fait un grand pas de côté au dernier moment, et j'ai eu du bol. Mais, on a quand même perdu une partie du peloton dans ces trous de malheur. Autant dire qu'on a commencé à faire attention où on mettait... comment ça s'appelle, déjà ?.. Ah oui ! Les pieds. On a tous continué à courir les yeux baissés sur nos... Ah ! Je l'ai encore perdu... nos pieds. C'est ça. En tout cas, on a regardé vers le bas.
Erreur ! C'est vers le haut qu'on aurait dû regarder à ce moment-là, parce qu'une pluie de pieux s'est abattue sur nous. Des sortes de pieux jaunes qui attaquaient par paires. C'était un vrai massacre. Clac ! Clac ! faisaient les ciseaux en se refermant. Un concurrent à ma gauche a été attrapé par deux de ces pieux. Il a bien essayé de s'accrocher au sol, mais les pieux géants étaient trop forts. J'ai vu son regard étonné et plein de désarroi quand il a été soulevé de terre et qu'il a disparu. Je vous assure, c'était une vision qui me suivra le reste de ma vie. Ces pauvres yeux m'implorant de les aider.
Dans la panique il a dû y avoir une chute en tête de la course, parce que tout à coup j'ai vu un bon paquet de participants complètement entremêlés. On aurait dit une grosse boule qui se trémoussait dans tous les sens. C'était presque vulgaire, tous ces corps glissant les uns sur les autres, chacun essayant de se sortir de ce pétrin juste pour s'enfoncer encore plus. On ne distinguait pas les têtes des... enfin, vous voyez le tableau, et vous imaginez le peintre. Ce n'était pas beau à voir, mais qu'est-ce que je pouvais faire ? C'est ça, rien. Je ne pouvais rien faire. De toute façon, les autres non plus n'ont pas levé le petit... mince... le petit doigt. Oui je sais, c'est de l'humour noir pas drôle.
C'est pour ça que j'ai laissé courir (façon de parler) et je les ai dépassés en leur jetant un dernier coup d'œil, juste au moment où une paire de pieux encore plus géants que les pieux géants, les a arrachés à l'affection des leurs.
C'est triste. Mais il en faut pour tout le monde.
Nous, le reste de la troupe, on a continué. On était les vrais pionniers, ceux qui allaient atteindre le but, le terminus. Certains se sont encore perdus en route, d'autres ont abandonné et se sont juste assis en attendant Godot, ou même son frère. Mais croyez-le ou non, on était encore des milliers de dizaines quand on a enfin atteint notre but. Bon, je ne vais pas vous mentir, c'était décevant parce que le but ressemblait comme deux mottes de terre à l'endroit d'où on était partis. Et surtout on s'est cognés contre un truc plus dur que la tête de mon voisin. Un truc tout gris et moche qui avait tout d'une montagne dont on ne voyait ni le haut, ni le bas, ni la droite, ni la gauche. C'était une montagne emmerdante. On a bien essayé de la pousser en s'y mettant tous, mais la montagne n'a pas bougé. Elle n'est pas venue à nous, c'est nous qui sommes allés à elle. Ne serait-ce que pour lui dire deux mots !
Ça devait être la nouvelle conquête de l'Ouest, et finalement on a juste fait la conquête de l'Ouest du jardin. Mais après tout, ce n'est pas plus mal parce que personnellement, je ne parle pas un seul mot d'anglais. D'ailleurs, à bien y réfléchir, je ne parle pas du tout puisque je suis juste un ver de terre. Alors, si vous avez vraiment cru à cette histoire, c'est que vous avez beaucoup d'imagination, ou alors une araignée au plafond ! Tiens, en parlant d'araignée, j'en connais une qui pourrait vous raconter comment elle a réussi à conquérir tout un pays de vingt-sept centimètres carrés entre les laitues et les potirons !
J'aurais pu continuer et en rajouter des tonnes dans le parcours, mais c'est fou comme 8000 signes passent vite ! ;)
Mais j'ai suivi cette course picaresque et trucculente avec délice, merci beaucoup pour cette fantaisie exquise !
J'avais commis un texte semblable qui relatait justement cette course dont vous parlez :)
Vous pouvez la lire ici;
Nous partîmes 200 millions (Robert Dorazi)