ClassiqueClassique

« L'art pour l'art ! »

Théophile Gautier

La genèse

Dans les années 1850, les limites du romantisme apparaissent. En effet celui-ci, par une présence trop importante de l’auteur dans son œuvre, engage l’art en politique. De plus, il s’éloigne de la réalité en se tournant vers le rêve et l’exotisme. Ainsi émergent le réalisme qui s’appuie sur le réel pur et le Parnasse qui refuse tout engagement de l’art qui doit être impersonnel et froid.

Le Mont Parnasse n’est pas qu’une gare ! C’est d’abord le lieu de résidence d’Apollon et des neuf muses puis par habitude, le séjour symbolique du poète en inspiration. Ce terme est utilisé par Alphonse Lemerre dans son anthologie de poésie moderne : le Parnasse contemporain. Publié sous forme de 18 brochures à partir de 1866, ceux qui y sont publiés se nomment les Parnassiens.

Il y en aura deux autres en 1871 et 1876. C’est cette année-là qui marque la fin du mouvement à proprement parler même si certains Parnassiens continuent à suivre les règles et le style du Parnasse.

Les Parnassiens

Les Parnassiens sont d’abord groupés autour de Théophile Gautier, qui est le précurseur du mouvement, à travers notamment sa théorie de l’art pour l’art présentée dans la préface de Mademoiselle de Maupin en 1835.

On considère aussi Théodore de Banville comme précurseur. Tous les samedis soirs, Banville, Villiers de l’Isle-Adam, Prudhomme et Coppée se réunissent chez Leconte de Lisle, chef de file du Parnasse, ou Hérédia.

En plus de ceux déjà cités, qui sont les plus représentatifs, on trouve dans le Parnasse contemporain Rimbaud, Verlaine, Baudelaire et Mallarmé mais qui s’éloigneront du Parnasse pour dessiner le symbolisme.


Un coin de table, de Henri Fantin-Latour
Assis de gauche à droite : Paul Verlaine, Arthur Rimbaud,
Léon Valade, Ernest d'Hervilly, Camille Pelletan, debout,
de gauche à droite, Pierre Elzéar, Émile Blémont, Jean Aicard.

Le rejet du romantisme

Le Parnasse se réclame tout d’abord d’une impersonnalité qui marque son refus de lyrisme. Ainsi le poète doit se distancer de son œuvre et le pronom personnel « je » est aboli : cela implique l’absence de sentiments personnels. Cette froideur est accompagnée d’une objectivité donc d’une neutralité politique affirmée. Ces caractéristiques se font donc en réaction au romantisme.

Une poésie si froide peut difficilement être joyeuse (vous en conviendrez !) Ainsi les thèmes abordés sont ceux de la faillite des rêves, du désespoir, de l’appel à la mort libératrice… que de réjouissances !

Le culte du travail

Un aspect majeur du Parnasse est le culte du travail : le poète est un sculpteur ou même un laboureur qui transforme le langage en beau. La marque de Lemerre, éditeur et sans qui le Parnasse n’aurait sans doute pas existé, représente un homme retournant la terre à l’aurore ou au coucher du soleil ; au dessus de lui, on peut lire l’expression :
« Fac et spera » : Agis et espère.

Aussi, Gautier ordonne-t-il dans « L’Art » :
« Sculpte, lime, cisèle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !».

Pour le Parnassien, l’important n’est pas l’inspiration, même si elle est bien présente, mais le travail. Même si Voltaire a dit que « l’homme n’est pas fait pour travailler, la preuve c’est que cela le fatigue », ce doit être la première qualité du poète.


L'art pour l'art

Enfin, et surtout, le Parnasse suit la théorie de l’Art pour l’art avancée par Théophile Gautier dans la préface de Mademoiselle de Maupin où il annonce : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile est laid. » L’art est gratuit est inutile. Certains pourraient se demander quel est son intérêt : l’intérêt de l’art est l’art lui-même…

Cette préface fit scandale car il affirme aussi que « penser une chose, en écrire une autre, cela arrive tous les jours, surtout aux gens vertueux. » Il établit ainsi le droit de l'artsite à traiter n'importe quel sujet, en mettant de côté la morale bourgeoise. Mais passée la première récation de scandale, il suscita l'engouement et il fut fortement sollicité dans le milieu du journalisme.