La garde à vue

Écrire est un honneur. Je me sens meilleur à chaque fois que j'écris.

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« Moi je suis différent. Je l'ai toujours étéPour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. » ; Ma mère n'a jamais réussi à cerner le comportement de son fils que je suis. Le samedi dernier je suis allé faire du sport au stade du quartier, et pendant cela une bagarre a dégénérée entre mon équipe et celle adverse causant ainsi de nombreux dégâts. Comme toujours j'étais le chef de file, ne laissant aucun rebond à quiconque osait poser une esquisse d'offense à mon endroit. Parmi les victimes, il y avait le fils d'un policier qui a usé du pouvoir de son père pour me faire interpeller et conduit en garde à vue. A mon arrivé au commissariat j'ai été auditionné par un des agents puis il m'a fait asseoir sur le banc des accusés mais je ne craignais rien puisque c'était une habitude pour moi de se retrouver dans ce genre de situation. Après quelques instants, un groupe de jeunes gens est arrivé avec beaucoup de turbulence entre eux. Le plus courageux du groupe s'est rapproché auprès d'un des agents de police pour lui faire part de la situation. C'était un groupe de mécaniciens qui avait surpris deux hommes entrain de dormir dans leur garage.
Il se disait là-bas que ces hommes surpris dans leur sommeil étaient des réfugiés qui avaient fui la guerre qui sévit dans une partie du pays. Le policier se rapprochait d'eux pour prendre leurs avis mais ceux-ci ne s'exprimaient aisément qu'en leur langue maternelle et ne parlaient que d'une façon approximative la langue locale. N'ayant pas bien entendu les paroles des réfugiés, le policier les accusait sur le champ d'avoir dormir dans le garage sans l'aval des propriétaires. Et voilà qu'être sans domicile dans son propre pays est devenu un crime. Ayant entendu cela j'ai été frappé par un sentiment de compassion pour eux et je me suis promis à moi-même de les aider au sortie de cet endroit.
Il est vrai que je ne les connais pas ni même de ce qu'il était capable de faire mais je savais au moins une chose, ce sont des frères de la patrie qui sont en difficultés et que je pouvais aider.
Un témoin de la scène a reconnu ces deux refugiés comme laveurs de voitures dans un carrefour de la ville. Et on pouvait même voir des sachets de savons en poudre de leurs poches. Puis le témoin demande « pourquoi vous ne louer pas une maison pour habiter ? » L'un d'entre eux a répondu qu'ils n'ont pas d'argent et lorsqu'ils auront un meilleur travail que celui de laveurs de voitures, ils vont chercher une femme et une maison. Ainsi pour les sanctionner, le policier leur demande de prendre un seau, le remplir d'eau et laver les bureaux du commissariat que la pluie avait sali. Le policier leur ordonna d'utiliser le savon qui était dans leurs poches. Ils s'exécutaient en vitesse de peur de représailles. Je n'en revenais pas à mes yeux, aux commissariats on trouve généralement des solutions aux problèmes des gens mais pour ces hommes-là, ils ont plutôt trouvé des agents qui manquaient d'humanité. J'ai été en garde à vue dans plusieurs commissariats mais celui-ci était atypique.
Pendant que les deux réfugiés effectuaient leur corvée, je m'entretenais avec l'un des agents qui était chargé de me surveiller. C'était une jolie fille qui brillait par sa jeunesse. Je voulais lui dire qu'elle me plaisait bien, mais la crainte d'aggraver ma situation me rendais silencieux. Alors qu'elle me parlait de ses problèmes de couples, que je trouvais passionnant d'ailleurs, un bruit soudain viendra nous perturber. C'était un détenu qui frappait la porte de sa cellule en criant « j'ai faim... j'ai faim », je sentais de la détresse dans sa voix. Elle s'est levée et s'est dirigée vers la porte et lui demande
Tu veux manger quoi ?
Le pain répond le détenu
Donne ton argent
Elle ouvre légèrement la porte de la cellule et il lui remet deux cents francs pour acheter du pain. L'argent étant insuffisant elle est allée acheter deux pains sans complément qu'elle a lancé à l'intérieure de la cellule. Je me demandais ce qui adviendrait à ce détenu s'il n'avait pas d'argent pour se faire acheter à manger puisqu'il est privé de liberté.
Donc la privation de liberté est déjà devenu un synonyme de privation de manger. Chacun a quand même droit au manger qu'importe sa situation de prisonnier ou toute autre défavorable. Je ne m'imaginais pas dans cette posture, cela m'a donné le dégoût de ce milieu-là. J'ai envie d'être optimiste pour croire que ce n'est pas le même traitement qui est réservé aux personnes qui se trouvent dans d'autres maisons d'arrêt.
Après avoir terminé d'accomplir leur corvée, ils m'ont retrouvé sur le banc des accusés. On échangeait quelques mots et c'est là que je leur ai proposé mon aide qu'ils n'ont pas tardé d'adhérer. Quelques temps après, ils étaient autorisés à partir puisqu'on ne donne pas de logement au commissariat si ce n'est dans une cellule.
Ils étaient trois lorsqu'ils sont arrivés dans cette ville mais l'un d'eux a trouver la mort alors qu'il dormait dans ce garage. Il a reçu une morsure de serpent dans la nuit lorsqu'il était plongé dans un profond sommeil dans l'une des veilles voitures situées près d'un marécage. Il avait fui la guerre mais hélas. Je me rendais alors compte que la guerre ne tue pas seulement ceux qui la vivent mais également ceux qui la fuie.
Ayant passé près de six heures dans ce commissariat j'ai vu toutes sortes de phénomènes. Lorsque le commissaire est arrivé, on m'a amené dans son bureau pour me faire entendre, il m'a prodigué quelques conseils et il ordonna au policier qui me surveillait de me laisser partir. À la sortie, ils étaient encore là à m'attendre pour que je concrétise ma proposition d'aide. Je les amène avec moi à la maison et ma mère m'a interpellé. Tu pars où avec tout ce monde ? Je pris le temps de tout lui expliquer et elle n'en revenait pas. Ce qui surpris ma mère ce n'est pas l'histoire de ces sans abris là mais mon attitude. Elle ne pensait pas que du haut de la délinquance qui m'animait, je pouvais manifester de l'empathie pour des gens, encore moins des étrangers.
Après avoir terminé avec ma mère, je suis allé les loger dans une case que mon grand-père m'avait laissée comme souvenirs de son passage sur terre. Elle était jadis sa seule paillote.