Après trois jours et trois nuits sans manger, Lucas devait le reconnaître, même s’il en avait honte : l’odeur de ses frères d’armes en train de rôtir lui donnait vraiment faim. Il plaqua... [+]
J’ai 40 ans.
Je vais mal.
Très mal.
Très très mal.
Chômeur, dyslexique, anorexique, bipolaire, insomniaque, trans désabusé...
j’en passe et des pires.
Mais pourquoi contre moi
depuis tant d’années
le sort s’est-il acharné ?
Pourquoi n’ai-je rien vu venir
en surfant sur Internet nuit et jour,
en alimentant mon blog,
en harcelant mon smartphone,
en engraissant mon psy,
en assiégeant ma future éditrice...
Rien vu venir.
Jusqu’à hier soir.
À 23h 15.
J’ai fini par comprendre.
Tout.
D’un coup !
Déchirure du voile longtemps intériorisé.
Incontournable illumination sur mon chemin de Damas.
C’était pourtant limpide et écrit d’avance...
... pourquoi donc avais-je tant attendu ?
Tant souffert ?
Tant désespéré ?
Il suffisait de rembobiner.
Ce qui fut fait d’emblée,
en un instant, par pur hasard,
hier soir, alors que très tard, j’eus soudain une furieuse envie de crêpes.
Banale envie d’ex-femme enceinte ?
Nenni.
LA révélation.
Le clic providentiel : en m’arrêtant quasiment par inadvertance sur un site pourtant anodin (Marmiton, pour ne pas le nommer, « Les cuistots qui en ont ! »).
Bref, parmi les ingrédients,
je découvre soudain LE mot... horreur !!!... LE mot qui rime avec caca ! LA couleur... LA texture...
Aussitôt je frissonne...
... une sueur d’angoisse... un relent d’enfance martyrisée.
Je me hasarde sur le tuto de la recette... je tremble de tous mes membres et soudain...
Eurêka !
Plutôt malédiction !
A nouveau mal, très mal, très très mal.
Mal à mon enfance.
Mal à cause de tout ce que j’ai subi
enduré
pendant 8 interminables années.
De 2 à 10 ans.
Et pourtant, grâce à Marmiton, Eurêka !
Bénédiction !
Parole libératrice !
« Bon dieu... mais c’est bien sûr ! »
comme disait autrefois l’écran noir et blanc de l’ORTF.
Voilà donc le coupable, l’ignoble, l’abominable !
Te voilà fait, mon gaillard !
Te voilà débusquée, toi, l’âme damnée de maman !
Démasquée et châtiée
une fois que j'aurai déblayé mes cuisants souvenirs d'enfance, jaunes et tenaces,
comme lorsque, beau et costaud, Héraklès nettoyait les écuries d’Augias.
Nettoyons ! Hurlons ! Dénonçons !
Oui, comme tant d’autres aujourd’hui,
il faut que je gueule,
que je crache enfin
tout ce que j’ai sur le cœur,
sur la patate,
plutôt sur l’estomac.
Oui, de 2 à 10 ans,
assidument, complaisamment, arbitrairement, autoritairement,
maman m’a gavé et intoxiqué.
Oui, en vain je tentais de résister
en faisant d’horribles grimaces.
Oui, je bavais, je crachais, je vomissais, je me débattais,
je lui promettais tout et son contraire,
— même d'entrer au petit séminaire ! —
Tout, tout, tout, mais surtout pas ça,
pas ce truc qui me faisait ses gros yeux gras.
Ça, je ne pouvais pas, je n’en pouvais plus.
Son truc à elle.
Mon trauma.
Non, je ne pouvais pas,
Oui, je n’en pouvais plus...
Je demandais grâce.
Je me faisais honte de tant me rabaisser,
de sangloter sur mon assiette et de quémander,
de m'aplatir devant elle comme un chiot même pas beau.
« Non, maman, je t’en prie, non, non, je t'en supplie, par pitié... »
En vain.
Elle avait réponse à tout.
Elle ne m’épargna rien.
« C’est pour ton bien ! » disait-elle.
« C’est calorique ! » diagnostiquait-elle.
« C’est bon pour ton transit ! » tranchait-elle.
« Pépé en a toujours mangé. » rassurait-elle.
« Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman... » biaisait-elle.
« Pense aux gosses du Biafra. » sermonnait elle.
« Tu préfères le cabanon ? » menaçait-elle.
Pendant 8 ans.
De deux ans jusqu’à dix ans,
Oui, Monsieur, j’ai tout subi, tout avalé, tout ingéré, tout digéré.
Pendant huit ans,
ma bouche ne fut qu’un entonnoir.
Mon gosier un dépotoir.
Mon goût fut bafoué.
Mes sanglots ignorés.
Ma liberté aliénée.
"Votre liberté aliénée... " commente une voix asexuée.
Jusqu’au jour où elle me sauva.
Qui ?
Pas ma mère, évidemment.
La pension.
La pension me libéra.
Là-bas, on ne servait pas ça.
Des épinards, certes, de la morue, des lentilles, de la semoule, mais ce ne pouvait pas être LE pire du pire.
Et les frites du jeudi rachetaient tout !
Mais pas ça.
Jamais plus.
Du coup, savourant ma liberté loin du plat préféré de ma mère,
peu à peu, je revins à la vie.
Je recommençai à m’alimenter.
Je grossis un tout petit peu.
Je me mis à sourire.
Mais le mal était fait.
Le poison s’était incorporé à moi.
Il coulait nuit et jour dans mes veines,
au dortoir il imprégnait mes larmes,
jaunissait ma salive,
parasitait encore mes selles,
très bientôt ma semence...
Malédiction !
Maudite enfance !
Enfer et damnation !
— Vendredi prochain, à la même heure, ça ira pour vous ? disait l'écho.
Aujourd’hui, 22 janvier 2021,
fête de sainte Agnès,
patronne de la chasteté,
quelque 30 ans plus tard,
je renais.
Je revis.
Je me réconcilie avec moi-même.
Je me sens recousu de l’intérieur.
Une fois pour toutes, je digère mon enfance !
Car je sais de surcroît que je vais être enfin écouté, épaulé, consolé ; peut-être passer à la TV.
Ma voix va être amplifiée !
Mon préjudice reconnu.
Et ma cause deviendra « notre » cause à tous,
la cause de tous les gavés, les intoxiqués, les contaminés,
tous les rachitiques qu’on a voulu à tout prix sauver
d'une manière jaune et granuleuse
et, comme des oies, gaver avec tendresse,
... tous les damnés de la terre
à l’enfance embecquée.
Aujourd’hui les choses changent.
Les yeux s’ouvrent.
Les bouches parlent.
Les estomacs protestent.
Les boyaux se révoltent
... et je ne dis rien du reste !
Enfin la prise de conscience.
Viscérale et primordiale.
Une nouvelle Terre Promise : après la Covid,
le monde d’après.
Bref, assez pleuré, assez gémi, assez introspecté.
Place à l’avenir !
Pardonne-moi, maman.
Mais enfin, pour la première fois,
ton tout petit devenu grand,
ton lardon de quarante ans,
peut te hurler,
en appuyant, exprès, sur le gros vilain mot :
"Fécule, je t'encule !"
Pardonne-moi, maman.
Je t'aime.
Mais c’est dit, il le fallait, c'est fait,
c’est enfin bien fait, na !
D’un clic,
puisque on ne peut éliminer le Mal immonde
qu'en diffamant comme tout le monde,
puisque les loser ne savent défendre leur petite vérité de faussaire
qu'en débusquant des ploucs émissaires,
à mon tour,
urbi et orbi,
bombant le torse et pleurant de joie,
je mets donc en ligne
le croisillon vengeur
le mot-dièse sauveur
la clé anti-malaise
le suprême mot-déclic
mon sésame à jamais magique et médiatique :
#tapiocaMortel
Je vais mal.
Très mal.
Très très mal.
Chômeur, dyslexique, anorexique, bipolaire, insomniaque, trans désabusé...
j’en passe et des pires.
Mais pourquoi contre moi
depuis tant d’années
le sort s’est-il acharné ?
Pourquoi n’ai-je rien vu venir
en surfant sur Internet nuit et jour,
en alimentant mon blog,
en harcelant mon smartphone,
en engraissant mon psy,
en assiégeant ma future éditrice...
Rien vu venir.
Jusqu’à hier soir.
À 23h 15.
J’ai fini par comprendre.
Tout.
D’un coup !
Déchirure du voile longtemps intériorisé.
Incontournable illumination sur mon chemin de Damas.
C’était pourtant limpide et écrit d’avance...
... pourquoi donc avais-je tant attendu ?
Tant souffert ?
Tant désespéré ?
Il suffisait de rembobiner.
Ce qui fut fait d’emblée,
en un instant, par pur hasard,
hier soir, alors que très tard, j’eus soudain une furieuse envie de crêpes.
Banale envie d’ex-femme enceinte ?
Nenni.
LA révélation.
Le clic providentiel : en m’arrêtant quasiment par inadvertance sur un site pourtant anodin (Marmiton, pour ne pas le nommer, « Les cuistots qui en ont ! »).
Bref, parmi les ingrédients,
je découvre soudain LE mot... horreur !!!... LE mot qui rime avec caca ! LA couleur... LA texture...
Aussitôt je frissonne...
... une sueur d’angoisse... un relent d’enfance martyrisée.
Je me hasarde sur le tuto de la recette... je tremble de tous mes membres et soudain...
Eurêka !
Plutôt malédiction !
A nouveau mal, très mal, très très mal.
Mal à mon enfance.
Mal à cause de tout ce que j’ai subi
enduré
pendant 8 interminables années.
De 2 à 10 ans.
Et pourtant, grâce à Marmiton, Eurêka !
Bénédiction !
Parole libératrice !
« Bon dieu... mais c’est bien sûr ! »
comme disait autrefois l’écran noir et blanc de l’ORTF.
Voilà donc le coupable, l’ignoble, l’abominable !
Te voilà fait, mon gaillard !
Te voilà débusquée, toi, l’âme damnée de maman !
Démasquée et châtiée
une fois que j'aurai déblayé mes cuisants souvenirs d'enfance, jaunes et tenaces,
comme lorsque, beau et costaud, Héraklès nettoyait les écuries d’Augias.
Nettoyons ! Hurlons ! Dénonçons !
Oui, comme tant d’autres aujourd’hui,
il faut que je gueule,
que je crache enfin
tout ce que j’ai sur le cœur,
sur la patate,
plutôt sur l’estomac.
Oui, de 2 à 10 ans,
assidument, complaisamment, arbitrairement, autoritairement,
maman m’a gavé et intoxiqué.
Oui, en vain je tentais de résister
en faisant d’horribles grimaces.
Oui, je bavais, je crachais, je vomissais, je me débattais,
je lui promettais tout et son contraire,
— même d'entrer au petit séminaire ! —
Tout, tout, tout, mais surtout pas ça,
pas ce truc qui me faisait ses gros yeux gras.
Ça, je ne pouvais pas, je n’en pouvais plus.
Son truc à elle.
Mon trauma.
Non, je ne pouvais pas,
Oui, je n’en pouvais plus...
Je demandais grâce.
Je me faisais honte de tant me rabaisser,
de sangloter sur mon assiette et de quémander,
de m'aplatir devant elle comme un chiot même pas beau.
« Non, maman, je t’en prie, non, non, je t'en supplie, par pitié... »
En vain.
Elle avait réponse à tout.
Elle ne m’épargna rien.
« C’est pour ton bien ! » disait-elle.
« C’est calorique ! » diagnostiquait-elle.
« C’est bon pour ton transit ! » tranchait-elle.
« Pépé en a toujours mangé. » rassurait-elle.
« Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman... » biaisait-elle.
« Pense aux gosses du Biafra. » sermonnait elle.
« Tu préfères le cabanon ? » menaçait-elle.
Pendant 8 ans.
De deux ans jusqu’à dix ans,
Oui, Monsieur, j’ai tout subi, tout avalé, tout ingéré, tout digéré.
Pendant huit ans,
ma bouche ne fut qu’un entonnoir.
Mon gosier un dépotoir.
Mon goût fut bafoué.
Mes sanglots ignorés.
Ma liberté aliénée.
"Votre liberté aliénée... " commente une voix asexuée.
Jusqu’au jour où elle me sauva.
Qui ?
Pas ma mère, évidemment.
La pension.
La pension me libéra.
Là-bas, on ne servait pas ça.
Des épinards, certes, de la morue, des lentilles, de la semoule, mais ce ne pouvait pas être LE pire du pire.
Et les frites du jeudi rachetaient tout !
Mais pas ça.
Jamais plus.
Du coup, savourant ma liberté loin du plat préféré de ma mère,
peu à peu, je revins à la vie.
Je recommençai à m’alimenter.
Je grossis un tout petit peu.
Je me mis à sourire.
Mais le mal était fait.
Le poison s’était incorporé à moi.
Il coulait nuit et jour dans mes veines,
au dortoir il imprégnait mes larmes,
jaunissait ma salive,
parasitait encore mes selles,
très bientôt ma semence...
Malédiction !
Maudite enfance !
Enfer et damnation !
— Vendredi prochain, à la même heure, ça ira pour vous ? disait l'écho.
Aujourd’hui, 22 janvier 2021,
fête de sainte Agnès,
patronne de la chasteté,
quelque 30 ans plus tard,
je renais.
Je revis.
Je me réconcilie avec moi-même.
Je me sens recousu de l’intérieur.
Une fois pour toutes, je digère mon enfance !
Car je sais de surcroît que je vais être enfin écouté, épaulé, consolé ; peut-être passer à la TV.
Ma voix va être amplifiée !
Mon préjudice reconnu.
Et ma cause deviendra « notre » cause à tous,
la cause de tous les gavés, les intoxiqués, les contaminés,
tous les rachitiques qu’on a voulu à tout prix sauver
d'une manière jaune et granuleuse
et, comme des oies, gaver avec tendresse,
... tous les damnés de la terre
à l’enfance embecquée.
Aujourd’hui les choses changent.
Les yeux s’ouvrent.
Les bouches parlent.
Les estomacs protestent.
Les boyaux se révoltent
... et je ne dis rien du reste !
Enfin la prise de conscience.
Viscérale et primordiale.
Une nouvelle Terre Promise : après la Covid,
le monde d’après.
Bref, assez pleuré, assez gémi, assez introspecté.
Place à l’avenir !
Pardonne-moi, maman.
Mais enfin, pour la première fois,
ton tout petit devenu grand,
ton lardon de quarante ans,
peut te hurler,
en appuyant, exprès, sur le gros vilain mot :
"Fécule, je t'encule !"
Pardonne-moi, maman.
Je t'aime.
Mais c’est dit, il le fallait, c'est fait,
c’est enfin bien fait, na !
D’un clic,
puisque on ne peut éliminer le Mal immonde
qu'en diffamant comme tout le monde,
puisque les loser ne savent défendre leur petite vérité de faussaire
qu'en débusquant des ploucs émissaires,
à mon tour,
urbi et orbi,
bombant le torse et pleurant de joie,
je mets donc en ligne
le croisillon vengeur
le mot-dièse sauveur
la clé anti-malaise
le suprême mot-déclic
mon sésame à jamais magique et médiatique :
#tapiocaMortel