Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Je préférais cette pensée aux brimades psychologiques de mon père.
« Un père est un enfant qui a marché dans le ravin de la sagesse jusqu'à ce qu'il ait la taille de voir par-dessus les bords. » Et la sagesse était auprès de lui, la sagesse c'était lui.
Voilà quatre jours dans la Capitale et je commençais à comprendre que je ne pouvais pas accéder dans certains lieux sans ce masque ; le respect de ces mesures était moins rude que le froid des nuits glacées de la Capitale. Il me fallait trouver un toit pour quelques jours, deux ou trois, ce serait suffisant pour trouver un preneur pour mes sacs d'arachide.
Je m'approchai de la cafète où je mangeais régulièrement une fois par jour, à la tombée de la nuit, avant de rejoindre l'arrêt taxi où je dormais.
« Deux œufs spaghetti avec une tasse de café chéri ?
- Oui, Mademoiselle, avec un peu de piment. »
Je croisai son regard, mes peines s'envolèrent instantanément, les conseils de mon père aussi. Je me laissai emporter par des imaginations romanesques avec la brunette.
« Le pain de combien ? c'est la troisième fois que je le répète.
- Oui,.... Pour 50. »
Elle m'avait surpris à rêvasser. En effet, j'étais un peu timide.
« Toi tu ressembles à quelqu'un qui vadrouille depuis plusieurs jours. »
« Quatre jours répondis-je, et merci pour la moquerie.
- Je ne me moque pas de toi. Je voulais te proposer un gîte si ça t'intéresse.
- Quoi ? Dormir avec toi ? »
- Dans ma coutume, il ne sied pas à un homme d'être hébergé par une femme, et de surcroît un homme initié.
- Nous sommes bien loin de chez toi m'interrompit Brunette. Aide-moi à porter ce sac pendant que je stoppe un taxi. »
Je pris le sac et le déposa à côté d'elle, l'esprit perplexe. Il faisait froid ce soir. Je montai nonchalamment dans le taxi, comme une fille que l'on donne en mariage forcé.
On était quatre dans le taxi, avec un taximan bavard. Moi je fus absorbé par les souvenirs des éditions précédentes, lorsque le taxi passa par le Boulevard de l'Unité.
On descendit vers une ruelle sombre, éclairée par quelques bougies. Je trainai le pas, dubitatif,... Et si Brunette était une brigande ?
« Comment tu t'appelles ? dis-je lentement.
- Indila
- Indila ? »
Que diront les voisins au petit matin en me voyant sortir de chez Indila ? Et son mari ? Est-elle mariée ?
« Je vais sortir très tôt dis-je à voix basse. »
Indila vivait seule, célibataire, mère d'une jolie petite fille qu'elle avait laissée chez son oncle à une trentaine de kilomètres de là. Son mari avait été emporté par cette vilaine pandémie. ; Son père l'avait envoyée en ville, pour dégotter une descendance. Elle tenait ce petit bistrot, pour être à l'abri du besoin.
Lorsque Indila se leva, elle m'appela à haute voix et je répondis en rentrant à l'intérieur de la chambre :
« Je dois partir, il faut que j'aille voir mon stock chez Bouba.
- Tu as bien dormi Roland ? »
Elle venait de m'attribuer un prénom de son bon gré.
« Si je vends même deux sacs je vais louer une case de passage à Elobi. Et je ne reviendrais pas ici.
- Ok, de toutes les façons, tu sais où me trouver, répondit-elle avec assurance. Prends mon numéro au cas où tout ne se passe pas comme prévu. Et bonne chance. »
Lorsque j'arrivai au marché, j'appris que Alhadji Bouba était allé dans les villes voisines à la recherche de potentiels clients. Je n'avais aucun sou et ma panse le savait. Il fallait rejoindre Brunette le plus tôt possible.
« Ah ! Te revoilà. Je t'attendais. » dit-elle en me voyant.
Je m'assis sur la chaise la plus proche de l'évier. Je voulais aider Indila à laver la vaisselle, mais elle m'interrompit.
« Mange d'abord, tu es très faible.
- Ok ! » répondis-je, en haussant les épaules, je n'attendais que ça.
Ce soir-là, alors que brunette faisait sa rituelle de prières devant sa table, je m'allongeai sur le lit, ne laissant aucun espace libre. Brunette finit ses incantations et n'hésita point à se coucher sur mon dos. Je voulais me dégager mais le poids de Brunette n'était pas négligeable. Je fis semblant de somnoler mais Brunette ne me laissait aucun répit ; elle faisait des mouvements de balançoire comme si elle voulait me bercer dans mon sommeil. Nos mains gauches s'entrelacèrent, tandis que la main droite de Brunette se promenait, malicieuse. J'étais partagé entre les mœurs ancestrales ancrées au fond de ma conscience et les envies lascives de mon corps ; Je me laissai entraîner par ce dernier.
La semaine d'après un appel de Bouba me réveillât de ma lassitude. Il voulait me faire part d'une proposition de vendre mes sacs à un prix inférieur au moyen. J'acceptai de vendre la moitié de mon stock. Avec cet argent, je voulais louer une chambre à Elobi mais Brunette me convainquit qu'il n'était pas nécessaire de le faire.
« Cet argent te servirait à autre chose. Sauf si tu te sens déjà mal à l'aise avec moi.
- Mais non ! Pas du tout !
- Et en plus, j'ai un cadeau à te donner avant que tu ne rentres. »
De bon gré, j'acceptais de rester jusqu'à la vente des vingt-cinq autres sacs qui ne fut possible que la semaine d'après.
Le jour de mon départ, Indila me réveilla de bonne heure et avant que je ne me débarbouille, elle me tint ces propos :
« Roland, j'espère qu'on se reverra. Et même si tu ne revenais plus, désormais une partie de toi vit en moi. Deux garçons,...... dès demain je prends aussi le chemin de mon village. »
- Ok....
Les conseils-menaces de mon père refirent violemment surface, comme un feu qui effleure la peau.
- Une liaison avec une fille d'outre-mer, et un rejeton à l'appui...
Je parlais tout seul sur le chemin du voyage retour qui semblait plus long que le trajet aller. Comment l'annoncerais-je à mon père ? La nouvelle d'Indila était une raison pour rallier régulièrement la Capitale. Au-delà de ce motif, il n'y a jamais eu de jumeaux dans ma lignée généalogique. Je fis la promesse ferme à Indila de revenir, un jour, les chercher.
Il était cinq heures du soir lorsque j'ôtai lentement la barrière de la concession familiale. Mon père surgit de derrière l'enclos des boucs. Je voulais m'excuser par rapport à mon absence prolongée mais mon père m'interrompit calmement :
« Va donc rejoindre ta femme dans ta case, elle a attendu assez longtemps. »
C'est alors que je remarquai que ma case avait été réfectionnée
Rien ne paraissait intéresser mon père quant à mon séjour dans la Capitale, ni les revenus de la vente dont il était l'intendant, ni de ce que contenait mon sac à dos.
En effet, ma longue absence l'avait fait paniquer et il entreprit de doter ma fiancée, Pauline, qui m'avait été promise depuis un an.
J'avais l'intention de jeter mon sac et m'enfuir, m'enfuir en ville, continuer mon aventure, une aventure aussi ambiguë que celle de Samba Diallo. De toute façon je ne pourrai plus rentrer sur les bancs, avec mes camarades. Mon père ne me laissera pas assez de temps pour aller dans ce lieu qu'il appelait ¨le bras du colon¨.
Ma mère s'avançait vers moi en tenant deux bols de nourriture qu'elle me tendit en souriant.
« Va manger avec ta femme, après tu iras te laver avec l'eau tiède que j'ai chauffée, tu as plein de choses à me raconter. »
- Maman, je retournerai à la Capitale. »
Pauline l'attendait dans la case, dans le noir....
« Un père est un enfant qui a marché dans le ravin de la sagesse jusqu'à ce qu'il ait la taille de voir par-dessus les bords. » Et la sagesse était auprès de lui, la sagesse c'était lui.
Voilà quatre jours dans la Capitale et je commençais à comprendre que je ne pouvais pas accéder dans certains lieux sans ce masque ; le respect de ces mesures était moins rude que le froid des nuits glacées de la Capitale. Il me fallait trouver un toit pour quelques jours, deux ou trois, ce serait suffisant pour trouver un preneur pour mes sacs d'arachide.
Je m'approchai de la cafète où je mangeais régulièrement une fois par jour, à la tombée de la nuit, avant de rejoindre l'arrêt taxi où je dormais.
« Deux œufs spaghetti avec une tasse de café chéri ?
- Oui, Mademoiselle, avec un peu de piment. »
Je croisai son regard, mes peines s'envolèrent instantanément, les conseils de mon père aussi. Je me laissai emporter par des imaginations romanesques avec la brunette.
« Le pain de combien ? c'est la troisième fois que je le répète.
- Oui,.... Pour 50. »
Elle m'avait surpris à rêvasser. En effet, j'étais un peu timide.
« Toi tu ressembles à quelqu'un qui vadrouille depuis plusieurs jours. »
« Quatre jours répondis-je, et merci pour la moquerie.
- Je ne me moque pas de toi. Je voulais te proposer un gîte si ça t'intéresse.
- Quoi ? Dormir avec toi ? »
- Dans ma coutume, il ne sied pas à un homme d'être hébergé par une femme, et de surcroît un homme initié.
- Nous sommes bien loin de chez toi m'interrompit Brunette. Aide-moi à porter ce sac pendant que je stoppe un taxi. »
Je pris le sac et le déposa à côté d'elle, l'esprit perplexe. Il faisait froid ce soir. Je montai nonchalamment dans le taxi, comme une fille que l'on donne en mariage forcé.
On était quatre dans le taxi, avec un taximan bavard. Moi je fus absorbé par les souvenirs des éditions précédentes, lorsque le taxi passa par le Boulevard de l'Unité.
On descendit vers une ruelle sombre, éclairée par quelques bougies. Je trainai le pas, dubitatif,... Et si Brunette était une brigande ?
« Comment tu t'appelles ? dis-je lentement.
- Indila
- Indila ? »
Que diront les voisins au petit matin en me voyant sortir de chez Indila ? Et son mari ? Est-elle mariée ?
« Je vais sortir très tôt dis-je à voix basse. »
Indila vivait seule, célibataire, mère d'une jolie petite fille qu'elle avait laissée chez son oncle à une trentaine de kilomètres de là. Son mari avait été emporté par cette vilaine pandémie. ; Son père l'avait envoyée en ville, pour dégotter une descendance. Elle tenait ce petit bistrot, pour être à l'abri du besoin.
Lorsque Indila se leva, elle m'appela à haute voix et je répondis en rentrant à l'intérieur de la chambre :
« Je dois partir, il faut que j'aille voir mon stock chez Bouba.
- Tu as bien dormi Roland ? »
Elle venait de m'attribuer un prénom de son bon gré.
« Si je vends même deux sacs je vais louer une case de passage à Elobi. Et je ne reviendrais pas ici.
- Ok, de toutes les façons, tu sais où me trouver, répondit-elle avec assurance. Prends mon numéro au cas où tout ne se passe pas comme prévu. Et bonne chance. »
Lorsque j'arrivai au marché, j'appris que Alhadji Bouba était allé dans les villes voisines à la recherche de potentiels clients. Je n'avais aucun sou et ma panse le savait. Il fallait rejoindre Brunette le plus tôt possible.
« Ah ! Te revoilà. Je t'attendais. » dit-elle en me voyant.
Je m'assis sur la chaise la plus proche de l'évier. Je voulais aider Indila à laver la vaisselle, mais elle m'interrompit.
« Mange d'abord, tu es très faible.
- Ok ! » répondis-je, en haussant les épaules, je n'attendais que ça.
Ce soir-là, alors que brunette faisait sa rituelle de prières devant sa table, je m'allongeai sur le lit, ne laissant aucun espace libre. Brunette finit ses incantations et n'hésita point à se coucher sur mon dos. Je voulais me dégager mais le poids de Brunette n'était pas négligeable. Je fis semblant de somnoler mais Brunette ne me laissait aucun répit ; elle faisait des mouvements de balançoire comme si elle voulait me bercer dans mon sommeil. Nos mains gauches s'entrelacèrent, tandis que la main droite de Brunette se promenait, malicieuse. J'étais partagé entre les mœurs ancestrales ancrées au fond de ma conscience et les envies lascives de mon corps ; Je me laissai entraîner par ce dernier.
La semaine d'après un appel de Bouba me réveillât de ma lassitude. Il voulait me faire part d'une proposition de vendre mes sacs à un prix inférieur au moyen. J'acceptai de vendre la moitié de mon stock. Avec cet argent, je voulais louer une chambre à Elobi mais Brunette me convainquit qu'il n'était pas nécessaire de le faire.
« Cet argent te servirait à autre chose. Sauf si tu te sens déjà mal à l'aise avec moi.
- Mais non ! Pas du tout !
- Et en plus, j'ai un cadeau à te donner avant que tu ne rentres. »
De bon gré, j'acceptais de rester jusqu'à la vente des vingt-cinq autres sacs qui ne fut possible que la semaine d'après.
Le jour de mon départ, Indila me réveilla de bonne heure et avant que je ne me débarbouille, elle me tint ces propos :
« Roland, j'espère qu'on se reverra. Et même si tu ne revenais plus, désormais une partie de toi vit en moi. Deux garçons,...... dès demain je prends aussi le chemin de mon village. »
- Ok....
Les conseils-menaces de mon père refirent violemment surface, comme un feu qui effleure la peau.
- Une liaison avec une fille d'outre-mer, et un rejeton à l'appui...
Je parlais tout seul sur le chemin du voyage retour qui semblait plus long que le trajet aller. Comment l'annoncerais-je à mon père ? La nouvelle d'Indila était une raison pour rallier régulièrement la Capitale. Au-delà de ce motif, il n'y a jamais eu de jumeaux dans ma lignée généalogique. Je fis la promesse ferme à Indila de revenir, un jour, les chercher.
Il était cinq heures du soir lorsque j'ôtai lentement la barrière de la concession familiale. Mon père surgit de derrière l'enclos des boucs. Je voulais m'excuser par rapport à mon absence prolongée mais mon père m'interrompit calmement :
« Va donc rejoindre ta femme dans ta case, elle a attendu assez longtemps. »
C'est alors que je remarquai que ma case avait été réfectionnée
Rien ne paraissait intéresser mon père quant à mon séjour dans la Capitale, ni les revenus de la vente dont il était l'intendant, ni de ce que contenait mon sac à dos.
En effet, ma longue absence l'avait fait paniquer et il entreprit de doter ma fiancée, Pauline, qui m'avait été promise depuis un an.
J'avais l'intention de jeter mon sac et m'enfuir, m'enfuir en ville, continuer mon aventure, une aventure aussi ambiguë que celle de Samba Diallo. De toute façon je ne pourrai plus rentrer sur les bancs, avec mes camarades. Mon père ne me laissera pas assez de temps pour aller dans ce lieu qu'il appelait ¨le bras du colon¨.
Ma mère s'avançait vers moi en tenant deux bols de nourriture qu'elle me tendit en souriant.
« Va manger avec ta femme, après tu iras te laver avec l'eau tiède que j'ai chauffée, tu as plein de choses à me raconter. »
- Maman, je retournerai à la Capitale. »
Pauline l'attendait dans la case, dans le noir....