Révoltée

« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. Vos hommes m'ont frappée et même violée. Si vous en avez envie, faites de même, mais jamais, au grand jamais, je ne me laisserai dominer au point de vous appeler maître. » Ai-je lancé. Je m'adressais à mon ravisseur. Ce monsieur sans scrupule qui me retenait contre mon gré et qui m'obligeait à me soumettre à ses ordres, espérant combler ses fantasmes les plus sombres.
Hier encore, l'orpheline que je suis arpentait les rue de Libreville à la recherche d'un emploi, mais aujourd'hui me voilà ; gardée de force et destinée à assouvir les besoin d'hommes aussi répugnants les uns que les autres. Enfermée dans une piteuse chambre depuis 3 semaines déjà, l'espérance d'une éventuelle sortie s'estompe jours après jours.
Je suis retenue par le Général MOUKOLO, Député de la République, riche politicien et craint de tous. Cet homme barbare semble prendre réel plaisir à droguer puis violer des jeunes filles comme moi. Je me souviens encore de cette fois où j'ai refusé de l'appeler maître. Ce jour-là, il m'a violée . Fort est le dégout quand je me remémore la sensation de son corps sur le mien. De ses va-et-vient de plus en plus rapides. De son souffle sur mon visage. De son halène immonde dans mes narines. Et de sa sueur tombant goutte-à-goutte sur moi. J'étais comme tétanisée. J'essayais de le repousser mais mon corps ne répondait plus. Mon unique souhait était qu'on en finisse et qu'il s'en aille le plus tôt possible.
Des mois durant, j'ai été séquestrée. Jour après jour, violée. C'était devenu une routine. Ma seule hâte était de m'en aller. Hélas, mes tentatives de fuites furent toutes vaines. C'était donc pleine de désespoir que le matin du 21 novembre 2019, je me suis tranchée les veines. Mon corps se vidant de son sang, je me suis sentie mourir. En réalité, je mourais sans avoir véritablement vécu. Mais les yeux fermés, j'étais prête à m'en aller. Prête à voir l'envers du décor. Prête à rejoindre mes parents aux pays des morts. Prête à dire à dieu à cette misérable vie qui ne m'a fait aucun cadeau.
Quelques minutes plus tard, je croyais être morte, quand j'ai senti de l'agitation autour de moi. Lentement, j'ai ouvert les yeux et j'ai vu des ambulanciers. Urgemment, les gestes se sont enchaînés. J'ai senti le brancard sur lequel j'étais allongée glisser hors de l'ambulance. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé ensuite, je me rappelle juste avoir dormi pendant un bon bout de temps et m'être réveillée sur un lit d'hôpital. Dès que j'ai ouvert les yeux, j'ai vu un médecin plutôt aimable.
- Bonsoir, je suis le docteur George tu as été admise ici après ta tentative de suicide. Heureusement, le Général MOUKOLO a appelé les urgences à temps. Tu as eu beaucoup de chance. Tu vas bien et ton bébé est en pleine forme. Lança-t-il en souriant.
J'étais stupéfaite. Je croyais avoir vécu le pire, mais me voilà enceinte sans savoir de qui. J'ai littéralement fondu en larmes.
Le docteur George me posait plein de questions ; il cherchait la raison pour laquelle j'ai voulu me donner la mort. Je lui ai donc expliqué toute mon histoire. Sous le choc, il m'a proposé d'appeler la police, mais je l'en ai dissuadé ; car je sais le Général tient tous les Grands hommes du pays dans le creux de la main. D'ailleurs, certains d'eux ont également abusé de moi. Alors appeler la police était loin d'être une solution.
Heureusement pour moi, après m'avoir donné quelques médicaments et un peu d'argent, ce médecin m'aida à m'enfuir. Grace à lui, j'ai pu sortir sans être vue par les hommes du General. Une fois dehors, c'est éblouie par des rayons solaires, que j'ai pris une grande inspiration avant de courir. J'ai couru de toutes mes forces. Je n'avais aucune destination, mais j'ai couru sans m'arrêter. La brise sur mon visage semblait me rappeler que j'étais là. Bel et bien vivante. Comme si la vie me donnait une seconde chance. Une chance de vivre, d'être heureuse et de profiter pleinement. Une chance que je comptais bien saisir...

Les mots étant interprètes de la pensée, si vous lisez ces quelques lignes, pensez à moi. Car, moi, Naïma. Orpheline. Violée. Séquestrée. Miraculée. Femme désormais libre. Et future mère d'un enfant sans père, je jure de faire payer à ce Député, toutes ses horreurs. J'ai conscience de la difficulté d'une telle chose dans une société pleine de travers ; où l'honnêteté est un délit. Où les grands hommes se permettent d'agir sans scrupules. Où la blancheur des biens matériels et des apparences masque les véritables noirceurs de certaines personnes. Mais aujourd'hui, animée d'une quête ; non de vengeance, mais de justice, j'arriverai à mes fins. D'un jour à l'autre, tous les masques tomberont. Toutes les horreurs commises par ces hommes dits ‘‘intouchables'' seront révélées au grand jour. Et ma conscience sera un peu plus apaisée.