Ogouro

Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. Vous n'êtes pas mon maître encore moins mon professeur car vous n'enseignez pas, vous ne faites que reproduire le système qui vous a nourris dont vous êtes aussi l'image parfaite Le mal dont vous absorbez dès votre enfance retombe malheureusement sur nous. Tu es puni, s'exclama le prêtre. Et j'en parlerai à ton maître, lui il te donnera une bonne leçon.

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Rentré chez lui, à pieds, il est obligé de dormir à même le sol dans sa case d'esclave. Ogouro est un descendant direct du royaume d'Arada en Afrique. Son père esclave à talent n'a pas encore le droit d'avoir le droit de dormir dans une maisonnette convenable. Le fait que l'enfant d'esclave chétif qu'il est puisse aller à l'école est une faveur du maître. Le colon-religieux, enseignant de catéchisme voulant imposer sa loi sur le jeune homme, restait stupéfait de sa bravoure. Mais pauvre Ogouro ! Sa mère est partie pour le pays sans chapeau (morte) et son père essaie tant bien que mal d'asservir tous les désirs, sexuels parfois, du maître.

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Ogouro avait déjà entendu parler du marronnage(terme historique haïtien qui signifie s'enfuir), de liberté et de toutes ces grandes histoires contées par les vieux de l'habitation. Mais tout cela n'avait pas trop d'importance pour lui jusqu'à la mort de son père, la vraie punition d'Ogouro était que son père soit tué violemment pour ne pas avoir enseigné à son fils d'obéir au grand prêtre de la contrée. Ne savant quoi faire, il prit la fuite avec Simon dans les montagnes du Sud.

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Le prêtre, fort de son orgueil, organisa une chasse à l'homme tout exprès à l'encontre du garçon. Selon les dires de quelques espions, il apprit que sa proie (Ogouro) et un bon nombre d'esclaves était dans les montagnes du Sud. Il a précisé qu'il voulait avoir sa proie vivante dans le but de le sodomiser avant de lui trancher la gorge. Son visage de vieux grincheux doit être la dernière chose que le chétif fugitif doit voir. En pensant à Ogouro et à tout ce qu'il aimerait le faire, il banda, se ressaisit rapidement et se prépara pour la route.

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Le soleil allait à peine se coucher que quelques sentinelles accouraient au campement pour avertir l'arrivée des chasseurs d'esclaves. Ils ne viennent pas pour ramener les esclaves sur les plantations mais pour les tuer. Ces fugitifs servent de nourriture aux chiens des chasseurs à chaque sortie. Ogouro, si chétif qu'il soit, commença à courir. Les chevaux étaient déjà au campement et deux des sbirs du prêtre étaient après lui. Même s'il est un grand coureur, le prêtre arrive à l'atteindre et le pousse afin qu'il tombe par terre.

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Le prêtre arrivé à ses fins, au moment fatidique qu'il a tellement rêvé que toutes ses pores ruisselaient. À cet instant, Ogouro est par terre devant lui, il n'y a aucune issue. Et le prédateur s'avança tel un tigre face à une gazelle, soudain une épée le transperça de derrière. Il tomba sur ses genoux face contre terre. Il n'eut même pas le temps de voir le visage de son tueur. La dernière chose qu'il ait vu c'est la face d'Ogouro.

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Sauvé de grâce diriez-vous, mais non. Toute l'équipe de chasseurs était compromise, grassement payés par une ancienne esclave déclarée morte mais bien en vie. Elle a réuni et aidé à mettre sur pied la plus grande armée d'esclaves qui n'a jamais existé. Ils ont aussi reçu l'ordre de secourir tous les esclaves et de les ramener dans les montagnes du Nord de la colonie. Il se pourrait que la grande dame figurant sur une monnaie haïtienne aujourd'hui ait une relation de parenté avec le chétif Ogouro. Mais laissons ces histoires de famille pour une autre fois, pour l'instant Oguro est en train de traverser la plaine du cul de sac pour rencontrer son destin : la liberté.