À l'éclosion du jour

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Septembre 1931, bonjour Dallas.

C'est le dernier jour de l'été aujourd'hui. La ville se gorge du soleil naissant, s'enivrant de la douceur de l'aube dans les rayonnements rosés. Dans la chambre de ceux-là qui dorment encore, les rideaux sont tirés comme pour refuser l'arrivée du matin. D'une danse voluptueuse, les odeurs se mélangent. Les relents âcres de tabac froid et de whisky rencontrent les effluves légères d'un parfum de femme qui circule, sensuel, parmi les ruines de cigarettes échouées dans les cendriers et les fonds de verres. Il en a essayé beaucoup, des alcools, celui-là qui dort dans le lit, et pourtant, encore, il s'étonne de n'être troublé que par la diffusion invisible du parfum de celle-là qui dort auprès de lui, addiction grisante qui éblouit l'esprit et excite le corps. Un disque de jazz joue inlassablement une mélodie entêtante sans déranger le sommeil, et la chambre perdue dans une nuit prolongée ne semble vivre qu'au travers de la musique.

Tu fredonnes, Dallas.

Au bas de la rue, des bruits de dispute viennent fissurer le havre paisible de la réclusion de la nuit et forçant son entrée, la journée s'annonce bruyamment puisqu'il est impossible de l'ignorer trop longtemps. Lui, il se réveille d'abord. Une écharpe de bras doux lui entoure le cou et c'est l'unique vêtement qui le recouvre. D'une main, il tâtonne la table de nuit pour attraper une cigarette qui traîne et son briquet. Une bouffée délicieuse lui fait refermer les yeux. La volute qui s'échappe de ses lèvres vient s'abandonner en naufrage sur le précipice des narines d'elle à côté, puis après avoir frétillé son odorat, s'enlise sur sa bouche pour un premier baiser qui allume son éveil. Aussitôt, elle se colle davantage à lui, espérant comme chaque jour qu'à force de persévérance elle pourrait se fondre totalement dans sa peau comme l'association de deux pâtes à gâteaux qui se confondent. Elle appuie ses lèvres contre son épaule, à l'endroit exact où quelques heures auparavant elle avait mordu, ainsi guérissant les cicatrices de la passion dans une émanation de tendresse, en même temps qu'il tire une seconde fois sur sa cigarette. Il la lui tend, sans la regarder, et elle tète avec l'avidité des affamés le biberon de nicotine. C'est lui qui la nourrit, avec sa propre chair ou avec sa came, entretenant la dépendance à l'un ou à l'autre. Il la maintient en vie.

Tout est calme à Dallas.

Le disque de jazz, rayé, dérape sur les mêmes notes. Abandonnant la chaleur de l'amante, lui se lève pour soulever le bras du tourne-disque qui se tait aussitôt. Le silence est revenu dans la chambre. Il se tourne vers elle pour la contempler. Dès lors, il ne tire plus sur la tige grisâtre retenue entres les dents. La vision de son corps nu étendu sur le lit suffit à diffuser dans son cerveau assez de morphine pour l'apaiser. Un peu de cendre tombe sur le sol. Elle, avec la nonchalance des déesses antiques, joue à déclencher le briquet, fascinée par la flamme qui en sort. Avec l'index, le majeur et le pouce tendus, elle mime un pistolet de sa main droite.

Bang bang, Dallas.

Ils se sourient. Mais la rumeur de la ville a repris, soudain, en bas, là où la vraie vie se perpétue. Lui s'avance vers la fenêtre, écarte un pan du rideau. Des policiers discutent avec un marchand de légumes dans la rue. Calmement, lui s'approche du lit et entremêle sa langue avec celle, amie, qui la réclame dans le lit, tandis que les mains d'elle s'agrippent à sa nuque avec un soupir étouffé. La cigarette, abandonnée par terre, s'éteint sur le parquet. Rapidement, se détachant de leur étreinte, ils s'habillent. Il agrafe les boutons du dos de sa robe, elle ferme sa ceinture à lui, savourant le contact de leurs deux ventres presque collés. Elle veut le serrer contre elle. Mais le temps presse. Dehors, les agents de police ont tourné leurs yeux vers l'hôtel miteux dans lequel ces deux-là ont logé pendant trois nuits. Lui passe sa main dans la housse jaune de l'oreiller et en ressort deux revolvers, pendant qu'elle a déjà ouvert la porte avec la discrétion des fugitifs. Il se baisse au niveau de ses chevilles, embrasse sa jambe et elle frissonne. Il glisse un petit calibre 320 dans sa jarretière et range le plus gros Smith & Wesson dans sa veste.

« Pas d'inquiétude, Bonnie », il susurre. « Tant que nous sommes ensemble, ils ne peuvent rien. »

Il effleure sa joue, comme la découvrant pour la première fois.

« Ma beauté... »

Elle inspire, elle sourit, elle l'embrasse. Elle le suivrait jusqu'au bout du monde, son criminel.

Au revoir, Dallas.

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