Les maux d'enfance

Moi, je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais
une extra-terrestre. D'ailleurs je ne pense pas qu'elle soit la seule à penser cela
de moi, mes sœurs me trouvent bizarre et mon père... Je ne sais pas trop, il est
très peu émotif. Quant à mon amie d'enfance, elle me trouve « originale ». En
quoi j'étais originale moi ? Petite, je l'ai toujours sentie que j'étais différente car
mon entourage me le faisait savoir. Étant différente, j'ai eu énormément de mal
à me faire des amies. La seule vraie amie que j'ai gardée de mon enfance et
mon amie d'enfance de primaire. Elle est Roumaine, je me souviens qu'elle avait
des cheveux courts, une petite tête ronde, avec des taches de rousseur et un
visage de porcelaine qui m'a toujours fascinée. Elle était petite et menue, mais
surtout très gentille et douce, je me souviens aussi qu'elle pouvait devenir toute
rouge comme un coquelicot. Elle aussi était différente, petite, elle avait des
problèmes de dyslexie. Elle avait du mal avec la lecture ainsi que l'acquisition
de l'écriture.
Cela devait être dû à son enfance. Avant, elle résidait avec ses parents en
Roumanie, elle était fille unique, dans un petit village nommé Bârsana dans le
Nord. Peuplée de 4 500 habitants environ. Un jour, ses parents ont été obligés
de partir à l'étranger pour chercher du travail et subvenir à leur besoin, car là où
ils vivaient, il n'y avait guère de travail. Ils ont dû malheureusement la laisser
derrière avec sa grand-mère, en lui promettant qu'un jour, il reviendrait la
chercher. Pendant (environ) 3 ans, elle a dû vivre avec sa grand-mère, chaque
jour quand elle rentrait de l'école, elle allait s'asseoir sur un bloc de construction
délaissé devant le portail de la maison de sa grand-mère. Pendant un moment,
elle attendait que ses parents reviennent la chercher comme promis. Elle n'avait
jamais oublié leur promesse. Les années passèrent, puis un jour, une voiture
s'arrêta devant le portail, deux personnes y descendirent. C'était le printemps à
ce moment-là, il faisait beau et chaud, on pouvait voir une légère brise de vent
composé de poussière de sable brassé l'air. Malencontreusement, elle reçut
quelque grain de sable dans les yeux, elle eut du mal à distinguer les deux
personnes descendues de la voiture. L'un ressemblée à un homme presque
chauve et l'autre à une femme. Elle était grande, mince avec de longs cheveux
attachés d'un petit élastique et une petite frange qui couvrait son front. Elle la
trouva belle ! Les yeux de la femme se posa doucement sur la petite fille, elle
lui esquissa un petit sourire en coin. La femme commença à s'approcher d'elle
et lui demanda avec une voix affectueuse "est-ce que tu vis ici" (en roumain).
Ne sachant quoi lui dire cette personne lui était totalement étrangère, elle se
précipita dans la cour chercher sa grand-mère. Sa grand-mère était derrière la
maison en train de cuisiner, quand elle aperçut sa petite fille qui venait lui dire
qu'il y avait 2 personnes au portail. Sa grand-mère déposa ses ustensiles de
cuisine et alla avec sa petite fille qui traînait derrière elle à la rencontre de ces
2 personnes. Arrivée au portail, la grand-mère s'arrêta et fixa les deux

personnes, elle afficha une tête que sa petite fille ne comprenait pas. Ayant
reconnu ces deux personnes, elle se retourna vers elle qui se tenait cachée
derrière, avec des yeux humides et lui dit à voix haute « ma petite Ericuta, ce
sont tes parents ! ».
Nos histoires sont assez similaires, mes parents sont originaires du Mali, ils
vivaient dans un petit village nommé Diourdaloma, le village de mon père. Une
population d'environ 2500 habitants. Un jour mon père a dû lui aussi partir à
l'étranger trouver du travail pour subvenir à nos besoins.
Moi, je suis née quelque temps après son départ. Puis ma mère et moi (bébé)
avons pu rejoindre mon père en laissant malheureusement derrière nous ma
grande sœur de 6 ans avec ma grand-mère. À ce jour, on est restées en contact
avec ma grande sœur et sa propre famille qu'elles a construite.
Je me souviens qu'à l'âge de 5 ou 6 ans, bien avant ma rencontre avec la
personne qui deviendra mon amie d'enfance, j'habitais à Paris avec mes
parents et mes deux petites sœurs de 4 ans et 3 ans dans le 18e
arrondissement. Un jour à l'école primaire, je me suis endormie tout doucement
sur ma table et tout d'un coup la voix d'un élève me réveille de mon sommeil. Il
dit à voix haute " Madame, elle dort !" À cet instant, on s'attend à se faire
sermonner par la maîtresse, mais moi, cela ne m'arrive pas. La maîtresse
répond que "c'est exceptionnel pour elle a le droit de dormir" après l'avoir
entendu dire cela, je n'ai pas compris pourquoi j'avais le droit de dormir. Étant
encore qu'une enfant, je me rendormis. Je me souviens que je quittais la classe
à certains moments, on venait me chercher et m'emmener dans une autre salle,
une salle au mur gris bleu, je m'en souviens, car c'était un assez grand espace
agréable où je passe du temps. Il y avait des jouets partout, des livres sur des
étagères, une petite table avec des feutres et crayons de couleur. Pour moi,
c'était le paradis de l'amusement, et vers le fond, se trouve le bureau de cette
dame qui m'accueille à chaque fois que je venais. Je me souviens que je jouais
et dessinais, cette dame était à mes côtés, elle me faisait la discussion. De
temps en temps, elle me faisait faire un jeu qui était en fait des exercices. On
s'est dirigées vers son bureau, je me suis assise avec une poupée à la main,
pendant ce temps, elle sortait un tas de feuilles, elle me montrait ses feuilles.
C'étaient des sortes de dessins à l'encre et qui prenaient une forme symétrique
généralement, elle me disait " Que vois-tu ?" Tout enfant que je suis, je me suis
prise au jeu, je lui répondis " un papillon". Et l'on continuait.
Un jour venue, toute la famille se rendit à l'hôpital, mes parents, mes petites
sœurs et moi. On nous avait installé dans une chambre d'hôpital et là tout d'un
coup ma mère me dit "enlève tes vêtements" je ne comprenais pas pourquoi je
devais enlever mes vêtements, je le lui ai demandé, mais ne me répondais pas.

Je ne voulais pas enlever mes vêtements, mais ma mère m'a fusillée du regard
pour que je les enlève. À ce moment-là, j'aperçois dans les yeux de ma mère
une certaine tristesse. Tout en me déshabillant, des larmes coulent sur mes
joues. Après m'être déshabillée et avoir enfilée une blouse blanche, mon père
et une autre personne viennent me chercher dans la chambre et m'installent sur
un brancard. Mon père se tenait à côté de moi et deux autres personnes en
blanc étaient présentes. Ils poussaient le brancard je ne sais où, le stress
commence à m'envahir petit à petit, mon père était encore à mes côtés. Puis on
atteint un grand portique, je vis que mon père lâcha le brancard en cours de
route, je commence à m'agiter, je le vois s'éloigner de moi, je tends mon bras
vers sa direction et hurle pour qu'il revienne, mais les personnes en blanc
essayaient de me remettre en place sur le brancard. Arrivée dans une salle
assez sombre, je vis plusieurs autres personnes en blanc et en bleu s'attrouper
autour de moi et des machines se trouvait tout autour. Et bien sûr, je me suis
débattu comme une folle pour me libérer d'eux, mais étant plus nombreux, il ne
me laissait aucune chance. Puis une personne m'a mis quelque chose sur la
bouche, je ne comprenais pas ce qui était en train d'arriver, j'essayais de
l'enlever à tout prix, mais en quelques secondes, je cessais de me débattre et
je commençais à voir sombre, j'étais en train de partir loin dans mon inconscient.
Quelques années plus tard, j'étais assez consciente pour comprendre ce qui
n'allait pas chez moi et ce qui me différenciait des autres enfants. J'ai appris de
mes parents, lors de nos discussions sur mon enfance que j'étais "une enfant
autiste".