Victoire et le ver-tige

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Histoires Jeunesse :
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Ce matin, j'ouvre mes volets et devinez quoi ? Mon Papa a construit une balançoire dans le jardin. Super, non ? Ben non, parce que moi, Victoire, j'ai horreur des balançoires ! Je tremble quand je monte dessus, j'ai mal au ventre quand on me pousse et je crie quand ça monte trop haut.
— Elle est belle, hein ? me demande Papa tout fier.
Belle ? Elle est énorme, oui ! Elle fait au moins 1000 mètres ! Papa est tout excité :
— On y jouera ce soir ?
Je fais le sourire que je fais après avoir fait une bêtise et je lui dis :
— Youpi ! J'ai hâte !
 
Mais je n'ai pas hâte du tout ! Papa s'en va et Maman m'appelle pour le petit déjeuner. Je bois mon chocolat lentement et je mange une demi-tartine. D'habitude, j'en mange deux, voire trois si la confiture est à la mûre. Mais là, je n'ai vraiment pas faim. Je suis trop occupée à réfléchir à une solution pour me débarrasser de la balançoire. Tiens ! Il y a une bulle dans mon chocolat, je vais faire un vœu de bulle. Vous connaissez ? On regarde une bulle, on fait un vœu et on souffle fort. Si elle explose, le vœu se réalisera. Des fois ça marche, des fois non. Là, il faut vraiment que ça marche. Je murmure :
— Pourvu que la balançoire disparaisse...
Et je souffle le plus fort possible. Maman me gronde parce que ça éclabousse partout. Zut.
 
Je sors dans le jardin et là... plus de balançoire ! Ça a marché ! J'appelle :
— Maman ! La balançoire a disparu !
— Pourquoi tu cries ?
— La balançoire a disparu !
— La quoi ? réponds Maman.
Je fais des yeux ronds, gros comme des billes. Maman ne sait plus ce qu'est une balançoire ! Je lui explique et elle me dit que j'ai une sacrée imagination. Alors je cours dans ma chambre parce que de là, on peut voir le parc. Et je fais des yeux encore plus gros : les trois balançoires n'y sont plus non plus. Toutes les balançoires ont disparu à cause de mon vœu de bulle !
 
Je retourne dans le jardin pour admirer mon exploit. Je suis fière de moi mais j'ai un peu peur quand même :
— Et si j'avais fait une bêtise ?
— Tu plaisantes, j'espère ? Me répond une petite voix. Ce n'est pas une bêtise, c'est une GIGA-bêtise.
Aïe ! Je le savais. La voix vient d'un ver tout bizarre au milieu du gazon. Il est petit, tout marron avec une petite feuille verte sur la tête. Je lui demande qui il est et il me répond :
— Ben, je suis un ver-tige, voyons. On habite les échelles, les ponts, les trucs comme ça. Moi, j'étais bien au chaud sur ta balançoire et hop, me voilà par terre.
— Je suis désolée. J'ai fait le vœu de bulle de la faire disparaître parce que j'ai peur des balançoires. Je ne pensais pas qu'elles disparaîtraient toutes...
La petite feuille de sa tête frémit et il me dit :
— Tu l'as voulu tellement fort que ça les a toutes touchées. Tu imagines le nombre de mes amis qui se retrouvent sur la pelouse ? Sans parler de tous ces enfants qui adoraient jouer à la balançoire...
 
Je me sens coupable.
— Zut ! Zut ! Zut !
Dans ma panique, il me vient une idée :
— Et si je faisais un nouveau vœu de bulle pour annuler ce que j'ai fait ?
Le ver hoche la tête, incertain :
— Il te faudrait une autre bulle... Tu vas te refaire un chocolat ?
Ce ne serait pas pour me déplaire mais, non, Maman ne voudra pas. Réfléchissons... Mes yeux balayent le jardin et se posent sur... un seau ! Heureusement que je ne l'avais pas rangé.
Dans le seau, hop, je mets de l'eau et de la terre. Et je me mets à touiller. Fort, fort, super fort. Ça fait des grosses bulles marron.
— Mais tu ne vas pas boire ça ? fait le ver-tige.
— Beurk ! Non ! J'ai juste besoin de la bulle.
— Pour que ton vœu de bulle se réalise, il faut que tu y penses très fort !
 
Je me dis alors que, pour rendre mon vœu encore plus puissant et pour diriger toutes mes pensées sur la balançoire, j'ai besoin d'un peu d'aide. 
J'attrape un bâton et je commence à dessiner dans la terre les montants, les cordes, les anneaux et tout le reste. Je suis contente parce que c'est assez ressemblant.
— Oh oui, c'est ça ! fait le ver-tige. J'habitais là.
Et il me montre un des anneaux. Je suis impressionnée :
— C'était haut !
— Merci...
Je crois qu'il rougit un peu. 
 
Pour être la plus concentrée possible, je m'assois sur mon dessin, je ferme les yeux et j'imagine fort ma balançoire. J'essaye même de me balancer un peu. Ça me fait tout drôle.
— J'ai un peu mal au cœur...
— Oh ! C'est sans doute de ma faute, m'avoue le ver-tige.
Toujours les yeux fermés, je prends une grande inspiration.
— Allez, c'est parti. Pourvu que les balançoires reviennent !
Je souffle fort sur mon seau plein de bulles.
— Ah ben merci, je suis tout couvert de boue !
C'est la voix de Papa ! Je vais me faire GIGA-gronder. Je n'ose pas rouvrir les yeux...
— Elle est restée toute la journée dessus, lui dit Maman.
Quoi ? Je regarde autour de moi : le ver n'est plus là, mais la balançoire, elle, est bien revenue !
— Le ver-tige ! Il a disparu !
— Ah ? Tant mieux, non ? Tu veux que je te pousse un peu ? me propose Papa.
On se met à jouer à la balançoire, mais pas trop haut. Ça me fait un peu peur mais au moins, tous les vers-tiges ont une maison et tous les enfants peuvent rejouer à la balançoire. GIGA-bêtise réparée !
 
Ah ! Une dernière chose : si vous aussi vous faites un vœu de bulle, pensez-y à deux fois. Ça peut être risqué. Vous imaginez si quelqu'un qui n'aime ni le chocolat ni... la confiture de mûre faisait un vœu de bulle !

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Image de Victoire et le ver-tige
Illustration : Mathilde Ernst