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Histoires Jeunesse - 8-11 Ans (Cycle 3) Collections thématiques- Contes & Fables - Jeunesse
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Pauline finissait la vaisselle du petit-déjeuner tout en observant, amusée, bouvreuils et mésanges se disputant dans le jardin les miettes de pain qu'elle venait de jeter par la fenêtre.
Il faisait presque aussi froid dans la cuisine qu'au-dehors mais elle était joyeuse malgré tout, comme toujours. C'était une enfant de douze ans, sage, courageuse et toujours gaie. Pourtant, ces derniers mois, les épreuves n'avaient pas manqué.
C'était son père, tout d'abord, qui avait perdu son travail au cours de l'été et n'en avait pas encore retrouvé. Puis sa mère, tombée malade peu après, qu'on avait dû hospitaliser. Son père venait d'ailleurs de partir à son chevet.
Lorsqu'elle eut fini de ranger bols et cuillères, Pauline sentit le froid lui tomber sur les épaules. Elle aurait bien fait du feu dans la cheminée mais il n'y avait plus de bois. « Je verrai ça plus tard », avait dit son père, en espérant que le mois de décembre serait clément mais, malheureusement, le temps s'était refroidi et, en cette veille de Noël, il avait même gelé en fin de nuit.
La petite fille prit alors une décision. Après tout, au lieu de rester à frissonner dans la maison, elle ferait aussi bien d'aller se promener. Elle se réchaufferait en marchant. Et puis, l'idée lui vint qu'elle trouverait en forêt de quoi décorer la maison pour un Noël qui s'annonçait bien triste, sans sa maman et le réfrigérateur vide.
Elle se vêtit le plus chaudement possible et sortit, un panier à la main.
Après avoir traversé le village, elle se dirigea vers l'orée du bois et fut tout de suite émerveillée.
Les églantiers, dont les fleurs discrètes la ravissaient au printemps, possédaient encore leurs fruits oblongs, par grappes de trois ou quatre au bout d'une tige grêle. Les cynorhodons d'un rouge brillant, qu'on aurait cru cirés, jetaient une note de gaieté au milieu des branches nues. Elle en coupa quelques branchettes, non sans difficulté.
Dans le bois, sa vue fut attirée par des lichens allant du gris au vert foncé, certains bruns, aux reflets mordorés, d'autres presque blancs. Ils tranchaient tellement sur la grisaille ambiante, ils étaient si beaux et délicats, que Pauline hésita un moment à les détacher des écorces des arbres, et c'est avec précaution qu'elle en préleva quelques-uns, les déposant délicatement dans son panier.
Plus loin, des sapins récemment coupés lui fournirent des branches qu'on avait abandonnées et des pommes de pin en quantité.
Son panier s'alourdissait et elle se décida à rentrer, ramassant au passage une liane de clématite sauvage, aux akènes plumeux, qui n'avait rien à envier aux plus jolies guirlandes.
Avant de quitter la forêt, elle aperçut un houx qui, discret pendant la belle saison, prenait sa revanche. Seul arbuste au feuillage persistant, aux feuilles d'un beau vert bleuté, luisantes, épineuses, une multitude de petites boules rouges l'égayait. Il était un sapin de Noël à lui tout seul.
Pauline sentit son cœur battre. Sans houx, le décor n'eut pu être parfait.
En arrivant au village, elle longea une propriété abandonnée dont un mur était recouvert de lierre. Il arborait des grappes de drupes noires qui ressortaient sur ses feuilles coriaces d'un vert profond. Pauline en fit un bouquet.
C'est donc fort chargée qu'elle arriva au village. C'était un bourg perdu au plus profond de la campagne. Il fallait faire de longs trajets avant de rencontrer une ville et, grâce à cet éloignement, il avait gardé ses commerçants. Ce fut la boulangère qui, la première, la remarqua.
— Où as-trouvé tous ces trésors Pauline ? C'est vraiment magnifique ! Ne voudrais-tu pas me donner quelques pommes de pin pour ma vitrine ?
— Bien sûr, répondit Pauline, j'irai en chercher d'autres, ce n'est pas ça qui manque dans les bois !
Et elle lui donna toutes ses pommes de pin, plus quelques branches de sapin.
— Merci, lui dit la boulangère, tu es un amour, pour la peine, je t'offre une bûche. A quoi la préfères-tu, à la vanille, pralinée ?
La fillette en choisit une au chocolat et, toute contente, se dirigea vers sa maison.
Mais c'était sans compter sur le boucher qui, la voyant passer, le panier débordant de houx, la héla à son tour.
— Pauline, tu tombes à pic, je cherche de quoi décorer ma devanture. Tu ne voudrais pas me céder quelques rameaux de houx ? Et ces branches d'églantier sont aussi très jolies.
Et Pauline, généreuse, se délesta de nouveau de ses trésors. Le commerçant, tout heureux, lui échangea contre un poulet bien dodu.
Un peu plus loin, c'est la charcutière qui s'extasia devant la guirlande de clématite sauvage. Elle choisit également un bouquet de lierre et fit don à Pauline de galantine de volaille.
En regagnant sa maison, alors qu'elle atteignait la ferme de Mathieu, celui-ci la salua :
— Bonjour Pauline, ton père ne devait pas venir chercher du bois ? Il a oublié ?
— Non, répondit Pauline, mais nous ne pouvons pas, en ce moment. Il viendra en chercher au début de l'année si ça ne vous ennuie pas.
— Comme il voudra, dit Mathieu.
Et, comme il allait partir, son épouse aperçut à son tour Pauline et, s'approchant pour l'embrasser, vit les écorces de bouleau, les lichens et le houx dans son panier.
— Ces lichens sont magnifiques ! s'exclama-t-elle. Ce sont les fleurs de l'hiver, j'aimerais bien en décorer ma table de Noël et ils se marieraient si bien avec le houx. Ça ne t'embêterait pas, Pauline, de me les donner ? Mathieu ira te porter un stère de bois pour la peine.
L'affaire fut aussitôt conclue.
Rentrée chez elle, Pauline rangea soigneusement les victuailles et, comme elle s'apprêtait à retourner dans les bois, elle croisa Mathieu qui livrait les bûches promises.
C'est le cœur léger qu'elle retourna à sa cueillette.
Une fois qu'elle eut de nouveau ramassé de quoi embellir la maison, elle remercia la forêt pour son offrande et reprit le chemin du retour, alors que la nuit tombait.
Arrivée chez elle, elle alluma d'abord un bon feu, décora la maison de houx, de guirlandes de clématites, de petit houx, disposa joliment sur la table lichens, lierre, pommes de pin et fruits d'églantier. Puis elle s'affaira dans la cuisine, mettant le poulet au four, entouré de quelques châtaignes qu'elle avait conservées d'une de ses promenades automnales.
Elle venait d'allumer des bougies lorsqu'elle entendit la voiture de son père et, alors qu'elle se précipitait pour lui ouvrir la porte, quel ne fut pas son bonheur de le voir accompagné de sa maman dont l'état de santé s'était tellement amélioré qu'on l'avait laissé sortir de l'hôpital !
La surprise fut grande aussi, pour ses parents, de trouver une maison si joliment décorée. Après ce moment d'émerveillement réciproque et des embrassades à n'en plus finir, ils se mirent à table et se régalèrent de galantine de volaille, de poulet rôti aux châtaignes et de bûche au chocolat, dans la douce chaleur diffusée par la cheminée.
Ils ne s'offrirent pas de cadeaux, sinon le plus beau qu'il soit, l'amour qu'ils se portaient les uns aux autres.
Il faisait presque aussi froid dans la cuisine qu'au-dehors mais elle était joyeuse malgré tout, comme toujours. C'était une enfant de douze ans, sage, courageuse et toujours gaie. Pourtant, ces derniers mois, les épreuves n'avaient pas manqué.
C'était son père, tout d'abord, qui avait perdu son travail au cours de l'été et n'en avait pas encore retrouvé. Puis sa mère, tombée malade peu après, qu'on avait dû hospitaliser. Son père venait d'ailleurs de partir à son chevet.
Lorsqu'elle eut fini de ranger bols et cuillères, Pauline sentit le froid lui tomber sur les épaules. Elle aurait bien fait du feu dans la cheminée mais il n'y avait plus de bois. « Je verrai ça plus tard », avait dit son père, en espérant que le mois de décembre serait clément mais, malheureusement, le temps s'était refroidi et, en cette veille de Noël, il avait même gelé en fin de nuit.
La petite fille prit alors une décision. Après tout, au lieu de rester à frissonner dans la maison, elle ferait aussi bien d'aller se promener. Elle se réchaufferait en marchant. Et puis, l'idée lui vint qu'elle trouverait en forêt de quoi décorer la maison pour un Noël qui s'annonçait bien triste, sans sa maman et le réfrigérateur vide.
Elle se vêtit le plus chaudement possible et sortit, un panier à la main.
Après avoir traversé le village, elle se dirigea vers l'orée du bois et fut tout de suite émerveillée.
Les églantiers, dont les fleurs discrètes la ravissaient au printemps, possédaient encore leurs fruits oblongs, par grappes de trois ou quatre au bout d'une tige grêle. Les cynorhodons d'un rouge brillant, qu'on aurait cru cirés, jetaient une note de gaieté au milieu des branches nues. Elle en coupa quelques branchettes, non sans difficulté.
Dans le bois, sa vue fut attirée par des lichens allant du gris au vert foncé, certains bruns, aux reflets mordorés, d'autres presque blancs. Ils tranchaient tellement sur la grisaille ambiante, ils étaient si beaux et délicats, que Pauline hésita un moment à les détacher des écorces des arbres, et c'est avec précaution qu'elle en préleva quelques-uns, les déposant délicatement dans son panier.
Plus loin, des sapins récemment coupés lui fournirent des branches qu'on avait abandonnées et des pommes de pin en quantité.
Son panier s'alourdissait et elle se décida à rentrer, ramassant au passage une liane de clématite sauvage, aux akènes plumeux, qui n'avait rien à envier aux plus jolies guirlandes.
Avant de quitter la forêt, elle aperçut un houx qui, discret pendant la belle saison, prenait sa revanche. Seul arbuste au feuillage persistant, aux feuilles d'un beau vert bleuté, luisantes, épineuses, une multitude de petites boules rouges l'égayait. Il était un sapin de Noël à lui tout seul.
Pauline sentit son cœur battre. Sans houx, le décor n'eut pu être parfait.
En arrivant au village, elle longea une propriété abandonnée dont un mur était recouvert de lierre. Il arborait des grappes de drupes noires qui ressortaient sur ses feuilles coriaces d'un vert profond. Pauline en fit un bouquet.
C'est donc fort chargée qu'elle arriva au village. C'était un bourg perdu au plus profond de la campagne. Il fallait faire de longs trajets avant de rencontrer une ville et, grâce à cet éloignement, il avait gardé ses commerçants. Ce fut la boulangère qui, la première, la remarqua.
— Où as-trouvé tous ces trésors Pauline ? C'est vraiment magnifique ! Ne voudrais-tu pas me donner quelques pommes de pin pour ma vitrine ?
— Bien sûr, répondit Pauline, j'irai en chercher d'autres, ce n'est pas ça qui manque dans les bois !
Et elle lui donna toutes ses pommes de pin, plus quelques branches de sapin.
— Merci, lui dit la boulangère, tu es un amour, pour la peine, je t'offre une bûche. A quoi la préfères-tu, à la vanille, pralinée ?
La fillette en choisit une au chocolat et, toute contente, se dirigea vers sa maison.
Mais c'était sans compter sur le boucher qui, la voyant passer, le panier débordant de houx, la héla à son tour.
— Pauline, tu tombes à pic, je cherche de quoi décorer ma devanture. Tu ne voudrais pas me céder quelques rameaux de houx ? Et ces branches d'églantier sont aussi très jolies.
Et Pauline, généreuse, se délesta de nouveau de ses trésors. Le commerçant, tout heureux, lui échangea contre un poulet bien dodu.
Un peu plus loin, c'est la charcutière qui s'extasia devant la guirlande de clématite sauvage. Elle choisit également un bouquet de lierre et fit don à Pauline de galantine de volaille.
En regagnant sa maison, alors qu'elle atteignait la ferme de Mathieu, celui-ci la salua :
— Bonjour Pauline, ton père ne devait pas venir chercher du bois ? Il a oublié ?
— Non, répondit Pauline, mais nous ne pouvons pas, en ce moment. Il viendra en chercher au début de l'année si ça ne vous ennuie pas.
— Comme il voudra, dit Mathieu.
Et, comme il allait partir, son épouse aperçut à son tour Pauline et, s'approchant pour l'embrasser, vit les écorces de bouleau, les lichens et le houx dans son panier.
— Ces lichens sont magnifiques ! s'exclama-t-elle. Ce sont les fleurs de l'hiver, j'aimerais bien en décorer ma table de Noël et ils se marieraient si bien avec le houx. Ça ne t'embêterait pas, Pauline, de me les donner ? Mathieu ira te porter un stère de bois pour la peine.
L'affaire fut aussitôt conclue.
Rentrée chez elle, Pauline rangea soigneusement les victuailles et, comme elle s'apprêtait à retourner dans les bois, elle croisa Mathieu qui livrait les bûches promises.
C'est le cœur léger qu'elle retourna à sa cueillette.
Une fois qu'elle eut de nouveau ramassé de quoi embellir la maison, elle remercia la forêt pour son offrande et reprit le chemin du retour, alors que la nuit tombait.
Arrivée chez elle, elle alluma d'abord un bon feu, décora la maison de houx, de guirlandes de clématites, de petit houx, disposa joliment sur la table lichens, lierre, pommes de pin et fruits d'églantier. Puis elle s'affaira dans la cuisine, mettant le poulet au four, entouré de quelques châtaignes qu'elle avait conservées d'une de ses promenades automnales.
Elle venait d'allumer des bougies lorsqu'elle entendit la voiture de son père et, alors qu'elle se précipitait pour lui ouvrir la porte, quel ne fut pas son bonheur de le voir accompagné de sa maman dont l'état de santé s'était tellement amélioré qu'on l'avait laissé sortir de l'hôpital !
La surprise fut grande aussi, pour ses parents, de trouver une maison si joliment décorée. Après ce moment d'émerveillement réciproque et des embrassades à n'en plus finir, ils se mirent à table et se régalèrent de galantine de volaille, de poulet rôti aux châtaignes et de bûche au chocolat, dans la douce chaleur diffusée par la cheminée.
Ils ne s'offrirent pas de cadeaux, sinon le plus beau qu'il soit, l'amour qu'ils se portaient les uns aux autres.
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Illustration : Pablo Vasquez