Quand même un morceau de viande

raconter l'histoire, peindre le monde, écrire la vie...

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux...
Dans le noir de son enfer, une main qui glisse sur sa cuisse, son devoir conjugal à l'appel. Elle ouvrit les yeux, à moitié dans le sommeil elle se retourna lourdement pour retrouver son époux. Une légère odeur de pisse vint effleurer ses narines et la freina dans son élan balbutiant. Elle se redressa, jetta un regard retrospectif et aperçu, dans la chambre mal éclairée par une petite lampe rouge, le filet d'urine de son fils cadet qui s'échappait de la natte. Elle jura.
Elle en avait quatres, quatres garçons, parfois un écart d'âge de 2 ans parfois d'une seule année, clairs et beaux.
Mais elle avait toujours semblé les detester comme personnes. Peut-etre parce qu'ils étaient les preuves vivantes que tout était fini pour elle.
Sa vie n'etais desormais qu'un étrange sentier sombre et rectiligne sur lequel elle se contentait d'avancer sans se préoccuper de ce qui se passerait le lendemain. Son visage n'etait que tristesse et ses yeux desespoir. Elle n'avait jamais connu la vie, 《la vrai》se disait-elle, mais elle savait ce que c'etait et elle savait aussi qu'elle etait en train de vivre l'opposé de ce qu'elle voulait.
Cela avait rendu son coeur tellement froid, l'avait rendu, elle, si amère et colèrique qu'elle avait besoin de deverser sa bile quelque part.
-Tais toi, imbécile! Ne t'ai-je pas dit qu'il fallait te lever quand l'envie d'uriner te prends?
Son époux s'était rendormi, las de patienter qu'elle vint l'assouvir. Il avait murmurer des malédictions inaudibles avant de rejoindre le pays de morphée.
Elle s'acharnait sur son rejeton qui pleurait sous les jets d'eau froide et les tapes de sa mère.
Elle s'arrêta un moment et s'assis sur le perron pendant que son garçon de 3 ans grelotait de froid.
Elle pleura silencieusement du fond de son coeur, hoquetait profondement de fatigue, d'amertume, de regret, de colère, de désespoir.
Pourtant elle avait pensé à un moment de sa vie qu'elle avait voulu cette vie. La vie de femme au foyer, de belle fille, de mère.
Elle s'était rendu compte de son erreur après la naissance de son aîné.
Son homme avait été obligé de l'épouser après l'accouchement et bien que la manière dont tout cela arriva fut "une honte", elle était heureuse de se marier.
Se marier à un beau menuisier trentenaire d'une grande famille. Elle, elle n'avait alors que 21ans.

Elle se releva, renoua son pagne défait puis entraina son môme dans la ptite chambre qu'ils occupaient tous.
C'était ainsi, chacun n'avait droit qu'à une chambre dans la maison familiale et peu importe si on avait 6 gosses, on devait s'entasser. Et tanpis si la chambre était humide et étroite avec un toit troué et menaçant.
Son époux, une grosse épave qui ne travaillait plus depuis 6 mois et vivait au crochet de ses frères, ne s'interessait à elle que lorsque sa libido l'exigait. Elle mourrait de honte tous les soirs de remplir son devoir silencieusement pour ne pas reveiller ses enfants couchés sur la natte.
Et le matin, sa haine contre cet homme augmentait. Pour se venger, elle battait sauvagement ses enfants qu'elle savait être le point faible de son époux. Elle arrivait à l'atteindre à tous les coups.
La vielle belle mère de la maison s'était épuisée à calmer ces interminables et violentes scènes de ménage.
Elle ne s'entendait d'ailleurs pas trop avec sa belle fille qu'elle targuait de petite sotte impolie. La vieille femme considérait que sa belle fille avait freiné le brillant avenir de son fils qui pouvait prétendre à mieux.
《Je t'avais dit d'éviter ces trainées et profiteuses sournoises》avait-elle lancé à son fils lorsqu'elle appris la grossesse.
Lasse d'intervenir, elle avait décidé de s'épargner une crise d'hypertension et laissait desormais son fils 《régler ses problèmes》sans broncher.
Et le même scénario se répétait toujours, Elle criait, il insultait, elle se déchainait, il l'a battait et après elle demandait pardon et la vie continuait.
Tel était le quotidien de Yassine qui s'était "donnée dans la rue" comme sa maman n'avait cessé de dire durant toute sa grossesse, fâchée d'avoir été privée d'une occasion d'étaler toute sa fierté. Elle se rappelait le premier sermon de cette dernière le jour où elle avait vu ses règles, elle avait alors 13 ans..
《Dans cette société, Yassine, la femme ne choisi pas ce qu'elle doit faire de son corps,
Il faut qu'elle soit pudique et prudente parce qu'elle doit appartenir à un homme respectable un jour et il ne faut pas que son honneur souffre d'un éventuel affront lié au passé de sa femme!
Il faut qu'elle soit méfiante et même pudibonde parce qu'elle est future mère et doit pour autant se faire respecter!
Il faut qu'elle enfante lorsque par quelque moyen que ce soit, heureusement ou malencontreusement, les prémices d'une vie venait à se retrouver en elle!
Il faut qu'elle s'offre généreusement et heureusement lorsque par un lien sacré célèbré, elle avait renoncé à sa liberté et que son mâle en faisait la demande! Il faut cela pour avoir une progéniture bénite.
Mais surtout, surtout il ne faut pas qu'elle soit "connue" par deux hommes différents, il faut garder cette précieuse innocence pour la gloire et l'égo du seul homme qui voudra bien, en sus de la cola, payer le prix pour!
Tout est déjà réglé avant nos naissances et il ne faut toucher à rien sous peine de s'atirer les malédiction du peuple.》Elle avait récité cela comme une leçon ancrée au plus profond d'elle même, et comme si cela était évident.

Yassine la rebelle était dégoutée de cette humanité qui s'accrochait à ce bout de chair qui couvrait l'innocence, une innocence dont on devait se séparer en suivant à la lettre les règles édictées par la société. Elle avais choisi de n'être le trophée de personne. Même si elle savait pertinemment que lorsqu'on choisissait de s'en débarrasser avant l'heure sur l'autel de l'amour, de la naïveté ou tout simplement du plaisir, on en subissait toutes les terribles conséquences.
Ainsi s'était-elle dite en rompant avec Usmane, son premier :《L'homme qui m'aimera à l'avenir sera obligé de m'aimer sans ce précieux bout de chair et je suis déjà heureuse de savoir que je ne serai pas juste un morceau de viande pour quelqu'un》.


Elle avait 31ans maintenant, quatre garçons, deux fausses couches et allait physiquement bien. Pour preuve, elle attendait d'ailleurs un cinquième rejeton. Elle ouvrait douloureusement les yeux, réalisant qu'elle était quand même ce bout de viande qu'on arrachait de force à défaut de l'obtenir par des yeux doux.
Elle songeait au nombre d'année qui lui restait à vivre au près de cet homme constant dans sa brutalité et résolu que la seule façon de les supporter était de se suicider interieurement, plonger sa conscience dans le noir, le néant, l'inexistant, fermer les yeux de son âme à tout jamais car il était évident qu'elle était perdue dans le noir absolu.
Que faire d'autre? Divorcer? Cette simple pensée la faisait rire. Divorcer et aller où avec ses 4 garçons ?Elle? une illettrée qui gagnait 30.000f par mois avec ses services de ménage dans une pharmacie? Elle qui "s'était laissée engrosser" par un bon à rien? Elle qui avait coûte que coûte voulu se marier malgré la désapprobation de ses parents qui avaient fini par la renier? Comment aurait-elle droit au bonheur? Le méritait-elle, Qui était-elle pour estimer le mériter? Et d'ailleurs à ce stade, qu'est ce qu'était le bonheur?