Ils cheminent côte à côte sur une route inconnue.
Autour d'eux se dressent des arbres centenaires et de frêles arbustes aux branches délicates qui frémissent dans le vent.
Sur le chemin... [+]
Quand j’ai découvert son reflet dans la vitre de la porte qui se refermait en glissant, je n’en ai pas cru mes yeux ! Comment était-il possible que ce fut-elle ? Comment était-il possible que mon passé surgisse comme un Polichinelle de sa boîte dans le métro ? Durant tout le trajet, me maitrisant pour ne pas trembler, je l’ai dévisagée sans oser me retourner. Perdue parmi les autres voyageurs elle se tenait exactement comme elle, se balançant d’un pied sur l’autre, au fond de la voiture. Elle avait sur le visage cette même moue si séduisante. Son allure élancée me troublait de nouveau tandis que je m’agrippais à la barre. Seule la coupe de cheveux avait changé, j’étais désorienté. J’aurai du me retourner et m’approcher pour lui parler, au moins tenter de lui sourire. Déjà, rien qu’en la regardant en face j’aurai su. Mais comme autrefois, je n’ai pu m’y résoudre et maintenant je me morfonds.
J’ai repris la même ligne dix fois de suite à la même heure le même jour, puis à d’autres moments tous différents : matins, midis, soirs, samedis et dimanches. Je ne l’ai jamais revue. Probablement ce jour-là attendais-je qu’elle se manifeste, pensant qu’elle viendrait vers moi, idiot que je suis. Au fond je sais bien que ce n’était pas elle. Après toutes ces d’années, elle n’a pu garder cette jeunesse et ce regard profond qui m’avait séduit, et pourtant elle lui ressemble tant.
Je me souviens de cette femme comme si c’était hier. Cette beauté cette fraicheur troublait tous les hommes de notre village qui se présentait dans son magasin de fleurs. J’ai toujours été persuadé que la plupart achetait des bouquets simplement pour avoir l’avantage de sa conversation ; et comme on ne lui connaissait pas d’amoureux, les épouses destinataires des glaïeuls et autres roses, entretenaient une sourde jalousie qu’elles ne pouvaient exprimer. A peine âgé de trente ans, j’étais alors un célibataire endurci et je vibrais moi aussi en secret pour cette créature de rêve. Combien de nuits les yeux rivés au plafond je m’imaginais déclarant ma flamme à la fleuriste, lui offrant la gerbe de tulipes que je venais de lui acheter. Je n’ai jamais osé. Et bien qu’elle me connaissait, je pense qu’elle ne m’a jamais remarqué. Puis, les ragots et les jalousies de notre petit village provincial aidant, elle a vendu son magasin pour s’installer ailleurs.
Je suis aujourd’hui un vieillard en retraite à Paris où j’ai fini ma carrière. Toujours célibataire, je me promène quotidiennement entre les deux mêmes stations : de la bibliothèque de mon arrondissement au parc où je joue aux boules avec les copains. Puis le soir je fais le chemin inverse jusqu’à mon petit appartement. Cette vision, cette femme ne peut-être qu’une parente de celle que j’ai connu autrefois ; cette ressemblance ne doit rien au hasard. Peut-être ma mémoire chancelante me joue-t-elle des tours et je confonds présent et passé ? Peut-être est-elle sa fille venue vivre dans la capitale ? J’aurai tant aimé qu’elle fut ma fille aussi.
Ce soir encore, une dernière fois, je l’ai cherchée dans le métro en vain. Je remonte le col de ma veste en gravissant les marches qui me ramène à la surface et, loin des mirages naissant dans lumières artificielles des souterrains du métropolitain, je m’enfonce dans la nuit noire.
J’ai repris la même ligne dix fois de suite à la même heure le même jour, puis à d’autres moments tous différents : matins, midis, soirs, samedis et dimanches. Je ne l’ai jamais revue. Probablement ce jour-là attendais-je qu’elle se manifeste, pensant qu’elle viendrait vers moi, idiot que je suis. Au fond je sais bien que ce n’était pas elle. Après toutes ces d’années, elle n’a pu garder cette jeunesse et ce regard profond qui m’avait séduit, et pourtant elle lui ressemble tant.
Je me souviens de cette femme comme si c’était hier. Cette beauté cette fraicheur troublait tous les hommes de notre village qui se présentait dans son magasin de fleurs. J’ai toujours été persuadé que la plupart achetait des bouquets simplement pour avoir l’avantage de sa conversation ; et comme on ne lui connaissait pas d’amoureux, les épouses destinataires des glaïeuls et autres roses, entretenaient une sourde jalousie qu’elles ne pouvaient exprimer. A peine âgé de trente ans, j’étais alors un célibataire endurci et je vibrais moi aussi en secret pour cette créature de rêve. Combien de nuits les yeux rivés au plafond je m’imaginais déclarant ma flamme à la fleuriste, lui offrant la gerbe de tulipes que je venais de lui acheter. Je n’ai jamais osé. Et bien qu’elle me connaissait, je pense qu’elle ne m’a jamais remarqué. Puis, les ragots et les jalousies de notre petit village provincial aidant, elle a vendu son magasin pour s’installer ailleurs.
Je suis aujourd’hui un vieillard en retraite à Paris où j’ai fini ma carrière. Toujours célibataire, je me promène quotidiennement entre les deux mêmes stations : de la bibliothèque de mon arrondissement au parc où je joue aux boules avec les copains. Puis le soir je fais le chemin inverse jusqu’à mon petit appartement. Cette vision, cette femme ne peut-être qu’une parente de celle que j’ai connu autrefois ; cette ressemblance ne doit rien au hasard. Peut-être ma mémoire chancelante me joue-t-elle des tours et je confonds présent et passé ? Peut-être est-elle sa fille venue vivre dans la capitale ? J’aurai tant aimé qu’elle fut ma fille aussi.
Ce soir encore, une dernière fois, je l’ai cherchée dans le métro en vain. Je remonte le col de ma veste en gravissant les marches qui me ramène à la surface et, loin des mirages naissant dans lumières artificielles des souterrains du métropolitain, je m’enfonce dans la nuit noire.