Ma vie et Ma vue

Je m'appelle Yancouba DIEME (Allias Intello), communicant, poète, dessinateur et coiffeur, passionné de littérature philosophique et esthétique.

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux ?
Peut-être l’un ? Peut-être l’autre ? Et pourquoi pas ni l’un ni l’autre ? Me rayez-vous de la race humaine ? Moi qui ne vois qu’en fermant les yeux. Bref, Je suis SAM (Serge Adama Mané), né aveugle, pauvre et sans beauté. Comme je ne me vois point, je me pense bon sans unité de mesure fixe. Mes heurs sont flexibles selon les gens que je pense semblables à moi. Il parait que je vis au Sénégal à Keur Mbaye FALL. Vous arrive-t-il de saliver pour un plat dont vous ne connaissez aucun ingrédient, juste le nom? La vue m’inspire ce que « Gouloumbou » vous dit comme plat : rien. Mais, j’y pensais quand-même à ma façon.
Pendant Le jour, je suis le réceptacle de charités des moins méchants et la voix qui dérange souvent en mendiant. Je reconnais aussi que je n’ai pas la meilleure des voix. Mais j’empoche de l’argent et de l’empathie des gens bien que mes yeux, grands ouverts, ne me servent à rien. Je préfère de loin la compagnie de la lune de celle du Soleil. Car La nuit, je ferme les yeux et je sors du noir du jour. J’entre dans la forêt de mes rêves qui d’écrivent le monde à mon goût. Depuis trois nuits déjà, je ne cesse d’y être un grand Monsieur.
La première nuit, j’étais Président de la République d’une nation sans oreille, insouciante et bavardeuse. On était frappé par une de ces crises et comme tout chef d’Etat je pris des mesures. Elles étaient appliquées mais, comme toute œuvre humaine, elles connurent des fissures. Dans une nation où la couverture des revenues est journalière, j’ai réduit les heures de gain. Dans une nation où ne pas rendre visite est un délit moral, j’ai limité entrée et sortie. Dans celle-ci où les comportements sont sales, j’ai exigé le lavage des mains. C’étaient mes meilleures cartes et je les ai jouées. C’est alors que J’attendais l’effet de mes décisions que le soleil du petit matin brula la forêt aux chants de coq. Ainsi j’ai ouvert mes yeux et j’étais dans le noir.
La seconde nuit, je me vois en écharpe, grand boubou assorti de babouches et entouré de disciples. Oui ! Un Grand Marabout je suis devenu. Plus riche que ceux qui cotisent pour moi et héritier de mon grand-père je ne manquais pas d’éloge pour me conforter dans mon fauteuil de Guide Religieux. Donc j’en profitais ! Cette nuit était dans le cadre d’une conférence annuelle. Mes sorties, rarissimes, servaient de rappel. Quant à mes disciples je ne sais pas pour qui ils travaillaient. Dieu ? Moi ? Ou leurs propres Comptes ? Ils répondaient à n’importe quel appel venant de moi. C’est un réel concours de premier arrivé entre eux. Et moi, je ne pouvais l’interdire car ma vie en dépendait. Toutefois, je demandais quand-même s’ils avaient tout ce qu’il fallait à la maison. Mais, Hélas ! La réponse, comme moi, a peur du petit matin, synonyme de noir total. Ainsi j’ai ouvert mes yeux et j’étais encore dans le noir.
La troisième nuit, hier, je jouais les petits soldats du peuple. M’armant de Radio et de Télé, de stylo et de Feuilles pour écrier les maux, j’étais le journaliste le plus réputé de mon pays. Un rôle de noble n’est-ce pas ? Je veillais à ce que les cris du peuple soient écrits, que les crises soient comprises et que les vices connaissent une chute. J’étais dans cette lancée jusqu’à mon entrée à la politique. Depuis, je défendais mon camp et je marquais rouge danger sur l’adversaire. Mes journaux me servaient de terrains de batailles. Tantôt j’attaquais ; tantôt je défendais. Le champ de mon métier devint alors plus vaste. A côté de l’éthique et de la déontologie se notait « la fin justifie les moyens » comme troisième critère. La fin approchait mais je ne la sentais pas venir. Il fallait que je me lève dans le noir pour le comprendre ou plutôt le vivre. Ainsi j’ai ouvert mes yeux et j’étais replongé dans le noir.
Aujourd’hui à 06h du matin, j’étais là, sur le chemin, à préparer ma voix aux chants pathétiques du jour. Mais je pensais plus à ce dont je pourrais rêver la nuit. Je voulais des nuits qui me donneraient plus de pouvoirs. Pourquoi ne pas être le Gouverneur de l’univers ? Le bailleur des banques? Ou bien au-dessus de tout, fermer les yeux à jamais ? La fin approchait mais je ne la sentais pas venir. Je l’ai vécue d’un coup de voiture me heurtant et me trainant sur la route. Un cri, puis ! Shut ! Silence ! Me voilà, maintenant fermer les yeux à jamais. Jai offert mon corps au monde des voyants qui s’en débraseront sans tarder. Certes j’ignore vraiment leurs rites. En tout cas me voici mort à 15 ans, ça je le sais. Dois-je m’en vouloir à la vue ou à mes ambitions ? Au chauffeur ou à Dieu ? Devrais-je regretter ma mort ou m’en réjouir de vous faire parvenir ces mots depuis l’au-delà? Suis-je mort ou ai-je fermé les yeux à jamais ? Peut-être l’un ? Peut-être l’autre ? Ou cette fois ci peut-être les deux ?