L'Effroi de Zati

Je suis à la recherche de l'inspiration, de l'apprentissage, de la culture.

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Est-ce un rêve... ou la réalité ? Peut-être les deux. Comment en suis-je arrivé là ?... Bien des interrogations se bousculaient encore dans ma tête. J’étais de retour au village...
Enfoncé dans l’un des fauteuils moelleux de grand-père, je me mis à me remémorer tous les évènements qui ont précédé cette brève, mais terrible aventure. Tout commença ce jour où maman m’appela alors que j’étais dans la chambre en train de me détendre. Elle m’informa que je devais passer mes vacances chez mon grand-père parce qu’elle devait effectuer un voyage professionnel.
Le jour J, maman et moi nous nous réveillâmes très tôt le matin. Après avoir fini de m’apprêter, je me dirigeai au salon pour le petit déjeuner. En passant près de la chambre de maman, je l’entendis prier en demandant au TRES-HAUT de veiller sur moi durant mon séjour au village, notamment. Cela a toujours été l’habitude voire la coutume de maman... de prier. Moi, pourtant, ce n’était pas ma « tasse de thé » ; je ne crois vraiment pas en ces choses. Une fois le petit déjeuner pris, nous démarrâmes pour le village à bord de son véhicule 4X4.
_ Quel est le nom du village déjà ? Questionnai-je, pour amorcer la conversation.
_ Khessikro.
_ Quelle fonction occupe grand-père au sein du village ?
_ Il est notable, un homme très respecté par tout le village. Il est plein de sagesse et de connaissance. Tu verras, vous allez bien vous entendre. Et puis, depuis la mort de ma défunte mère, il doit se sentir bien seul dans sa grande maison, tu lui tiendras compagnie.
Après plus de trois heures de trajet... nous arrivâmes enfin au village. Quelle fut ma surprise lorsque je vis l’aspect du village ! Il était aux antipodes de ce à quoi je pensais ! Cette bourgade présentait toutes les caractéristiques d’un village moderne. La maison de grand-père était magnifique! Maman gara sa voiture devant cette bâtisse, et klaxonna.
Un homme âgé mais bien bâti vint à notre rencontre. C’était grand-père... Maman se jeta dans ses bras. Papi était aux anges !
Tout réservé, je gardais mes distances mais les entendais deviser gaiement.
Je m’approchai d’eux, et grand-père me tint ces propos :
_ Oh, voici mon grand soldat ! Comment te portes-tu ? J’espère que tu as effectué un bon voyage ? Bonne arrivée mon grand !
_ Merci papi ! Je vais bien, et le voyage s’est bien passé.
En compagnie d’autres parents du village, nous nous retrouvâmes dans la demeure de grand-père et sans protocole, ma mère et moi fûmes invités à nous installer confortablement. L’on nous demanda les nouvelles. Ma mère se chargea de cette tâche, avec brio...
Nous eûmes, ensuite l’occasion, l’un après l’autre de nous débarrasser de toute la poussière du voyage. Un repas copieux fut servi par la suite.
Dans l’après-midi, maman décida de prendre congé de nous. Grand-père la rassura. Maman s’approcha de moi et me donna quelques directives. Elle nous embrassa et prit place dans sa voiture. Je pouvais la voir dans le véhicule dans une posture de prière, puis elle démarra.
La nuit tomba, je rejoignis grand-père dans la salle de séjour après m’être reposé.
Maman appela pour nous rassurer qu’elle était bien arrivée à la capitale. Puis, souhaitant une excellente soirée, elle raccrocha. Grand-père me proposa de lui tenir compagnie sur la terrasse, dehors, afin de mieux échanger. Au cours de notre petit échange, un cri strident se fit entendre depuis la forêt noire de Khessikro situé non loin de la villa de grand-père.
Papi me tranquillisa en disant que c’était Zabakélé, le génie de la forêt noire de Khessikro. Je niai l’existence d’un tel être vu mon esprit cartésien. Toutefois, grand-père resta ferme dans ses croyances. Il argua que les villages riment avec mystères et que Zabakélé était bel et bien une réalité. Il ajouta aussi qu’il était interdit de rester dans la forêt durant la nuit sous peine d’être dévoré par l’abominable créature. Moi, je n’y croyais pas un seul mot, c’était tout simplement des affabulations. Finalement, nous mîmes fin à notre débat passionné et chacun regagna son lit. Pendant que j’étais couché je ne cessais de repenser aux propos de grand-père et au mystérieux cri venu de la forêt. Pour moi, il s’agissait d’un animal, rien de plus banal. Mais je voulais en avoir le cœur net.
Je décidai d’aller dans la forêt noire le lendemain, afin de prouver à papi que j’avais raison. Je me réveillai de bonne heure. Mais, j’eus tout juste le temps de dire « Bonjour » à grand-père qui me répondit chaleureusement. Il était sur le départ : étant un notable, il devait souvent s’occuper très tôt des affaires du village. Il me donna quelques instructions pour bien gérer la maison en son absence, et se dirigea vers sa voiture.
L’après-midi, j’entrepris ma petite enquête. Je me lançai donc sur les traces de ce fameux Zabakélé ! Le plus discret possible, j’entrai dans l’immense végétation. J’admirais au passage la belle flore et la faune variée qui rendaient la forêt luxuriante. Je me faufilai de plus en plus dans les entrailles de ce bois... A bout de souffle, je m’arrêtai et décidai de m’allonger sous un grand arbre qui bordait un cours d’eau. Je m’endormis là... Plongé dans un profond sommeil, je ne vis pas le temps passer et me réveillai au moment où il faisait sombre. Je me levai et me mis en route pour le village.
_ Tant pis pour Zabakélé ! Je suis resté pendant plusieurs heures dans la forêt et je ne l’ai pas vu. Il n’existe donc pas ! Affirmai-je.
A peine avais-je prononcé cette phrase à haute voix qu’un étrange bruit se fit entendre dans l’arbre sous lequel je m’étais allongé. Un grand mouvement se fit dans les feuilles. J’entrevis une étrange silhouette dans la pénombre. Elle descendit vers moi et je pus l’apercevoir. C’était un immense serpent avec une sorte de crinière de lion et possédant quatre pattes au bas du corps. Cette bête monstrueuse ouvrit grand la gueule qui laissait place à des dents acérées comme des crocs de crocodile, et poussa son cri ! Pour moi, c’était la fin...
Au moment où tout semblait perdu, surgit de ma bouche l’une des prières préférées de maman : « SAINT-ESPRIT, aide-moi !!! » Tout à coup, un fort vent agita tout dans les environs comme à l’approche d’une averse. Le tonnerre tonna fort dans le ciel ! Un mystérieux éclair tomba entre l’affreux monstre et moi. De l’éclair sortit un immense homme vêtu de blanc. De sa bouche sortait du feu ! L’infernale créature disparut dans le néant. Mon sauveur jeta à peine un regard sur ma modeste personne et disparut comme il apparut : dans un éclair.
Mille questions défilèrent dans ma tête : Qui était l’homme qui m’a secouru ? Etait-ce un ange ? Etaient-ce les effets des prières de maman ? Je suis à deux doigts de croire que le Dieu qu’elle adore est intervenu dans ma situation... Il existe effectivement bien des circonstances qui dépassent l’entendement humain... Je finis par rentrer sain et sauf au village. Une chose était désormais certaine : je ne serai plus jamais le même. Fait extraordinaire : on n’entendit plus jamais parler du génie de la forêt noire !