La guerre

《Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux. Je peux respirer à peine, prisant ces troubles d'odeurs suffocantes qui me consument le thorax. Où suis-je? Que vois-je? Mon corps tout couvert de poussière qui baigne dans un flot de sang. Piégé impuissamment dans tout ce fatras de choses lourdingues qui me recouvre le tronc, les impétueuses douleurs de mes jambes brisées me pétrifient tout le corps. Aïe! Une barre de fer qui traverse mon bras droit. Quelqu'un pour m'aider! A l'aide! Aïe! Ces fâcheuses douleurs qui me fracassent le crâne. La chair rougeâtre sanglante qui me recouvre la poitrine dépouillée de peau. Mes vêtements déchiquetés par la sinistre bourrasque de ce cataclysme. Ma vision toute faite de flou me donne l'impression de vivre un véritable apocalypse. Les buildings dont la construction a fallu plusieurs années, désormais réduits en amas de décombres. Tout ce paysage autrefois verdoyant d'herbes, recouvert à présent de sang, de poussière, d'organes trainants de toute part et de corps cadavéreux sous l'effet dévastatrice du sarin. Oh non! Là, je reconnais encore les vêtements calcinés de Francis. Francis, mon ami, où es-tu? Où est mon fils? Où est Junior? Junior! Aïe mes jambes! Comment va mon enfant? Aïe! Une nuée sombre et touffue qui engouffre l'atmosphère. Oh mort, viens me chercher, je n'en peux plus! Libère-moi de ce calvaire! Tous ces bruits mélangés de cris et de pleures d’hommes et de femmes, d'adultes et d'enfants me molestent les tympans. Cette femme hurlant de douleur et blottissant contre sa poitrine toute ensanglantée, le corps mortifié de son enfant qui agonise. Les services de sauvetage qui soulèvent les décombres cherchant de probables survivants, mais hélas, seules sont trouvés, des corps de personnes écrabouillées, aplaties au point d'être méconnaissables ; j’essaie de crier à l’aide à cet homme qui viens de sortir d'un tas de briques, à ma droite, un corps en lambeaux, mais ma voix est complètement annihilée par de terribles pyrosis qui me corrodent de l’intérieur de la gorge. Quel cauchemar! Des milliers de vies humaines soudainement calcinées, une vie heureuse brusquement transformée en néant. Je vois la mort, je coudoie la mort. A l'aide! Aidez-moi! Je suffoque. Quelle cruauté! Tout un mode de vie en extinction, grâce aux œuvres immondes de l'homme. La guerre! Les grandes puissances anéantissent les petites nations que nous sommes, parce qu’ils sont forts et nous sommes faibles. Victimes de leurs mégalomanies, ils nous bombardent pour nous soumettre à leurs exactions dénuées de loyauté, prétendant agir pour le maintient de la paix. Nous exigent le choix entre le pillage et la guerre, et nous apportent la guerre quand nous refusons de satisfaire leur cupidité. Ils appellent ça la paix! Ils appellent ça la norme! Ils appellent ça la loi! Depuis quand la loi a-t-elle arrêté d'être la propriété du plus fort? La paix n'existe pas, elle n'a jamais existé! La mort de milliers d'hommes provoquera toujours celle de milliers d'autres. La haine vient de la haine, la haine provoque la haine! L'humanité a quitté le monde !》