Kansen et moi

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut être les deux! Je me souviens de mes écrits de jadis, ces courts enregistrements secrets, parfois illisibles et complexes à l'égard de quiconque qui les lie à mon insu. Tous mes anciens texto, datant de quand j'avais du temps de fouiller, de farfouiller les catalogues des ouvrages de littératures, sont codés autant dans leur syntaxe que dans leur sémantique. Les déchiffrer sans mon intervention serait une mission impossible. Aujourd'hui, dans les sciences économiques, mes lectures ont pris une autre tournure, mais je garde avec fermeté ces anciennes explorations.
Raconte mon camarade Kansen, ensemble de retour d'un entraînent d'athlétisme.

- Ah c'est cool! Tu aimais lire?

Absolument oui! Je l'aimais et avais du temps suffisant pour ça. Je me sentais plus à l'aise à lire des ouvrages et documentaires qu'à préparer des leçons en faisant la relecture des notes laissées par les professeurs. Cette école présentait plusieurs motivations et raisons pour encourager la lecture. Laisse moi te dire que celui qui avait lu plus d'ouvrages bénéficiait d'une gratification à la fin du trimestre. Et sais-tu mon mon pote?, j'ai été toujours compétitif, je n'ai jamais laissé une opportunité passer inaperçue; j'essayais de l'exploiter, d'en faire bon usage afin d'en tirer un profit maximal.

-Cela suppose que, tu bouquinais souvent et passais tout ton temps libre les yeux braqués sur l'œuvre de Molière?

Pas du tout! J'alternais sport et bibliothèque, mes activités favorites du lycée, mais, parfois, je ne savais pas ce que je faisais. Quiconque qui regardais ce que je vivais n'aurait pas eu tort de penser " il ne deviendra rien ". Il avait raison parce que il ne me voyais jamais réviser les notes des cours, mais par contre je réussissais, et avec succès.

-Tu es extraordinaire! Ton succès actuel date de très longtemps; tu bats des records ici et là, tu avances partout et je vois bien une carrière sportive s'annoncer clairement!

Il ne revient pas à moi de le l'affirmer maintenant, mais un tel jour ou l'autre, je pense que cela pourra arriver. Il suffira que le coût d'opportunité des études parte à la hausse. Et si cela arrive, il est claire que l'alternative portera sur la carrière sportive.

-Mon frère j'admire ton courage et ta détermination, et à forte raison l'avancement de tes projets. Tu as provoqué ton destin et les chances t'ont souri. Tu es le meilleur athlète de notre établissement; l'année dernière tu a hissé notre drapeau dans les compétitions de la sous région, cette année, tu es qualifié pour les JO de Tokyo, ce qui n'est pas le cas pour moi qui n'ai jamais franchi les frontières étatiques!!!

Il pense un instant, en faisant semblant de résoudre une équation à plusieurs inconnues, et après se tourne vers moi. D'une voix saine, il murmure: je te répondrai dès qu'on aura atteint la tonkon*.

Heureusement qu'à ce moment, on franchissait l'entrée principale du campus. Arrivés dans la tonkon, il vérifie ses affaires, farfouille ses anciens texto secrets et, un après l'autre, il alterne des petits bouts de papiers en se disant: 7ème quand j'appris sa disparition... , 9ème lors de l'absence remarquée dans les rites de l'Ascension... , 10ème accusation injuste de fraude à l'examen... , 3ème mythe de fantôme dans la plupart des lycées à régime d'internant...[...] Et hélas, je le trouve. Il s'exclame! Je me sens rassuré et réconforté avant même d'entendre un mot de ce que j'attendais depuis quelques minutes! Il déplie le bout de papier, me fixe droit dans les yeux et me dit: "écoutes bien cette histoire". Il entreprend directement la lecture :
J'ai été dans une course de vitesse. Avant tout nous étions nombreux, paisiblement rassemblés dans une grotte fraîche afin de maintenir notre qualité productive. Le déroulement et la coordination de notre course étaient injustes. Le départ fut instantané, juste lors d'une nuit d'orage. Nous étions assez nombrez, des millions et des millions. Course injuste, vraiment déraisonnable: nous avions un même point de départ et deux points d'arrivée mais avec un seul couloir au début. Un seul couloir pour des millions et des millions d'athlètes. C'était vraiment une course mystérieuse. Presqu'à mi-parcours, notre couloir nous fait défaut en rejetant une partie de nos camarades qui périrent sous l'action de forces qui provinrent d'où je ne sais pas! Notre course continua, et voilà deux voies qui s'affichèrent, les uns prirent la droite d'autres la gauche,...sais-tu? je n'avais pas de choix, il n'y avait pas de critères pour déterminer quelle côté prendre, nous n'avions qu'à courir, et plus vite que nous pouvions. Le hasard me fut que je fusse devant, on était juste proche du point d'arrivée. A l'arrivée, je me retrouvais seul avec une autre athlète qui m'attendais à bras ouverts, avec qui je formai un tout. Oups! Et d'un coup, l'oubli m'attaqua. J'oubliai tout à coup tous mes amis athlètes, compagnons avec lesquels nous étions ensemble dans la course et qui étaient resté à l'écart de moi, dehors et dépourvu du droit d'entrée, j'oubliai les peines et souffrances que nous avions courues ensemble sous la pression de l'exiguïté du couloir! J'oubliai mes camarades qui avaient été chassés par des forces inattendues et faisant de nous un vide profond!!!
Mais ce qui est bon, voilà que l'oubli me délivre. Sa puissance sur moi se révolte contre lui au profit de ma conscience qui veut s'émanciper. L'oubli passe sans me fracasser, m'échappe sans me dissiper et le souvenir m'anime de nouveau.
A propos du sort de mes camarades rescapés, je me réserve, mais quel a été mon sort?

Il ajoute: mon cher Serges, ne t'inquiètes pas de ta maladresse ni de ta faible expertise dans compétitions de course. Tous les jours de rencontre, tu es premier au sens inverse, mais je te jure, il fut un temps où, dans une compétition comme celle de cette histoire, tu as pris le devant, oui le premier dans le vrai sens du mot, devant des millions d'athlètes. Ouii, c'est vrai sinon tu n'aurais été le Serges que je connais!


Tonkon* : jargon qui signifiait au lycée le dortoir. Ici, il a une équivalence de la chambre.



Ça m'a pris un moment important pour avoir une idée sur l'histoire!
Des millions d'athlètes, un seul couloir, deux points d'arrivée, une athlète qui m'attendait...!!
A-t-il fait allusion à la conception de l'enfant? Une leçon de la matière de biologie première, concernant la reproduction de l'homme, me traverse l'esprit. Elle a une coïncidence avec l'histoire racontée même si toutes les expériences ne donnent pas même résultat. Mais lui je le connais bien, il n'a eu une moindre séance de cette branche, lui qui n'a fait que son parcours dans les langues, comment se fait-il qu'il sache autant de choses!!!
Il sait qu'il sait, et peut montrer qu'il sait. Ça dépend de sa bonne volonté de faire et de perfectionner sa façon de faire. Un jour, il aura la bonne occasion de livrer, d'exposer ce bombe à retardement qui, depuis des jours et des jours, des années durant, ne cessent de prédire les avertissements de s'exploser. Oui ce jour viendra.