Dans l’antre de l’obscurité

Salut! Je suis un jeune homme passionné d'écriture et je passe mon temps à peindre le monde de lettres et de mots.

Suis-je dans le noir, ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Car je ne vois plus rien autour de moi, et tout est noir ; d’un noir opaque. Pas une lumière ou luminaire, aussi infime soit-il, n’éclaire le noir absolu de cette nuit qui m’entoure. Nuit qui tend, comme une colonie d’insectes dévoreurs, à m’envahir et me détruire. Et je sens à travers les méandres de ma vie enchevêtrée, la présence des miens, tapis dans le noir de cette double obscurité, me poursuivant tels des chasseurs de primes. Et tout ceci pour quoi, hein, pour avoir voulu agir en digne fils de mon père, le messie de ma famille, celui-là qui était capable de restaurer l’honneur familial, en déboursant des millions de francs pour la reconstruction de la maison de ses parents, une maison qui était au bord de l’effondrement, et qui, pour tout vous dire, risquait un jour de tomber sur la tête de ses occupants. Or moi, je ne voudrais pas voir mon père et ma mère mourir à cause d’un toit en mauvais état qui branle à chaque minute, d’une cuisine ou d’une douche mal dallée, d’une maison aux fondations douteuses et presque au bord de l’effondrement. C’est vous dire que la maison de mes parents était vraiment en piteux état, et qu’il n’en fallait que peu pour qu’elle s’écroule comme un château de carte, un mur de Jéricho. Et aucun d’entre mes frères ou oncles n’a eu la décence de m’appeler depuis la France pour m’informer du problème de la maison aux toits branlants et aux fondations douteuses, qui, parait-il, était dans cet état depuis près d’un an. Il a fallu donc que je revienne à l’improviste avec ma femme et ma fille pour une visite surprise pour constater de visu ce qui se passait. Alors, j’ai décidé de passer un peu plus de temps que prévu au pays afin de veiller à la reconstruction de cette nouvelle maison ; une maison qui serait certainement la plus belle du village, une villa avec étage en somme, avec un jardin pour y prendre de l’air, une piscine et tout le reste. Son architecture sera unique en son genre et sa beauté inspirerait le plus gauche des peintres.
Et c’est ainsi que je débarquai à Cotonou, le 20 Avril 20..., avec une jolie femme du nom de Bernice, et une petite fille de 12 ans qui s’appelait Bénédicte. Depuis que, par magie, ces deux étoiles apparurent sur mon chemin, une grande lumière a jaillie sur ma vie, et tout, d’un seul coup, devint rose. Le bonheur et l’argent m’ont souri aussi, et ma vie fut comblée. Et donc B et B avaient apporté une double bénédiction dans ma vie, et l’obscurité dans laquelle je baignais avant s’était évaporée d’un trait. C’est vous dire que je les aimais plus que tout au monde, et qu’elles étaient les prunelles de mes yeux. Je les emmenai donc avec moi, pour visiter mon pays natal et les présenter aux parents...
Quelques jours après mon arrivée au pays, j’organisai une petite fête chez moi, dans la petite villa que j’ai loué dans la capitale. J’y invitai tous mes frères et tous mes oncles, toutes mes sœurs et toutes mes tantes, tous mes amis(e)s et proches. Et la fête avait battu son plein jusqu’à pas d’heure ce soir-là ; tout le monde avait mangé à satiété, tout le monde avait bu à satiété, tout le monde avait dégusté à volonté du vin rouge du Château de France, et tout le monde avait adoré. Et alors, vers la fin de la fête, je crus bon de les informer de la grande nouvelle ; celle de la reconstruction de la maison paternelle, notre maison à tous, de sa restitution pour le bien des parents et de nous tous. Et les grands frères et les oncles, et les grandes sœurs et les tantes, tous applaudirent cette idée de génie. Ils avaient tous donner leur approbation, leur consentement, ils avaient dit que l’idée était plus que parfaite, et que ce serait une grande joie pour eux de me voir rétablir cette maison, de me voir mener ce projet à bien avant mon prochain départ qui, en attendant, semble encore loin devant. Ce soir-là, avant de nous séparer, je leur remets à chacun une liasse de billets de plus de trente mille francs CFA, et tous me remercièrent avant de partir. Et moi, dans mon ignorance, je crus vraiment qu’ils étaient tous content de cette idée de reconstruction.
Seulement, à peine avais-je débuté le chantier que j’entendis des rumeurs circuler dans le village ; des rumeurs sur un chantier en construction, sur un sort jeté, sur un sol maudit, un terrain hanté par des envoûtements des membres de ma famille, quelques oncles et quelques tantes, quelques frères et quelques sœurs. Selon les dires, ils étaient allés de nuit, tous à la queue leu leu, chez le féticheur recevoir un gris-gris pour me jeter un mauvais sort. Bien sûr que moi j’étais incapable de croire à cette histoire drôle, à toutes ces conneries de sort et de gris-gris, car, comment pourrais-je un seul instant croire qu’un oncle ou une tante, un frère ou sœur, voudrait me faire du mal pour avoir voulu reconstruire la maison de nos chers parents, une maison au bord de l’effondrement, aux toits branlants et aux fondations douteuses, non, je ne vois pas comment toutes ces personnes qui semblent m’aimer tant pourraient encore vouloir me faire du mal. Autant vous dire que je n’y avais taillé aucune importance.
Cependant, le 13 Mai 20.., Je suis sur le chantier de la nouvelle maison, supervisant le travail des maçons et ouvriers qui travaillent d’arrache-pied et d’une main de maître. D’un seul coup, comme dans un cauchemar à nul autre pareil, je vois une tonne de briques s’écrouler sur la tête d’un ouvrier qui, fatigué, voulait prendre un peu d’air sous la muraille. Celui-ci, sur le coup, eut la tête brisé et mourut. Dans les jours qui suivent, je suis trimbalé en justice de force. On m’accuse d’avoir tué un jeune homme qui, apparemment, selon les parents, était mineur. Je dus payer une forte amande à la famille, une amande évaluée à quelques millions de francs CFA près, et solliciter l’aide d’un avocat spécial depuis l’étranger pour alléger ma peine et sortir de prison au bout de deux ans. Autant dire qu’avec toutes ces dépenses inopportunes mon compte en banque s’est épuisé. Plus rien désormais ne me restais, rien, vous m’entendez, à part peut-être ma femme et ma fille qui éclairent encore ma vie de leurs lumières dorées...
J’étais encore en tôle quand j’apprends que mon père et ma mère étaient morts aussi. Selon les dires, tous deux tombèrent gravement malade quelques mois après mon emprisonnement. Puis, un jour, ils moururent lentement, entrelacés, en contemplant de leurs sombres yeux les dernières lueurs d’étoiles filantes. Ils furent enterrés sans aucune autre forme de procès dans les décombres de leur maudite maison, par les oncles et les tantes, les frères et les sœurs, qui firent d’ailleurs une grande fête à cet honneur.
Aujourd’hui, on me libère. Je sors de tôle tout gaillardement, et je rentre à la maison directe voir ma famille. Plus de trois mois que je n’ai eu des nouvelles de ma femme et ma fille. Elles seraient sûrement folles de joie en me voyant revenir à l’improviste. J’arrive dans le quartier tout sale, comme un haillon. Les gens me regardent étrangement. Je les dépasse et ne m’en soucis guerre. Je trouve ma maison et j’y entre en forçant la porte. J’entre avidement au salon. Je ne trouve personne ; dans la chambre à coucher, personne ; dans la cuisine, personne. Je retourne une nouvelle fois dans la chambre à coucher. Toujours rien ; pas âme qui vive. Je décide alors de ressortir quand je bute sur une enveloppe mal fermée, posée sur le lit. Une lettre apparemment de Bernice. Je lis celle-ci difficilement, sans savoir vraiment comment j’ai pu la finir. A la fin de ma lecture, ma gorge se noue, mes visions s’embrumèrent, et puis plus rien. Suis-je dans le noir, ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux...