Son sourire du matin
Derrière son comptoir
Me faisait un bien fou
Personne encore, personne
Seul, je remplissais le bar
Pour un sourire d'aurore
Qui enivrait mes peines

Son sourire du matin
Je le volais à l'aube
Je restais un quart d'heure
Une douce éternité
Et elle me souriait
À ces heures rougeoyantes
Me servait un café
Dont les gorgées brûlantes
Défaisaient chaque nœud
De ma gorge nouée

Pas un mot, pas un cri
Peut-être des non-dits
Des yeux qui s'interpellent
Mais restent sans réponse
Et une vie qui passe
Brins de temps dérobés
Au sommeil, aux amis
À tout c'que vous voudrez
Et puis je m'en allais
Je bredouillais l'adieu
Un au revoir menteur
Couvert de sourires
La gorge dénouée
L'amour encore muet

Je ruminais l'absurde,
Le rêve et l'impuissance
Un quart d'heure suffit-il
Pour des jours sans raison
Pour des mois sans saison
Pour une vie en méandres
Pour une vie en grimaces ?
Mais demain aux heures vides
Devant mon café noir
Je lui dirais contrit
Tous ces mots en lyrisme
Tous ces vains euphémismes
Qui ne trompent personne

« Merci, merci Madame
Merci, pour ces matins »
Ses yeux lueurs d'aurore
S'allumeraient alors
« On s'aimera pour la vie ? »
Me demanderait-elle
D'un sourire solennel.

Et je lui répondrais :
« Tant que l'amour voudra.
S'il ne dure qu'un quart d'heure
Un seul me comblera. »