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Hyun-Su arriva pile au bon endroit, le bon jour, à la bonne heure, très tôt le matin. Il regarda Mua sur le siège passager et en conclut que son timing était parfait.
Par-delà le pare-brise, la grisaille humide se laissa transpercer de part en part. Des colonnes de lumière obliques éclatèrent au grand jour alors que persistait un sombre plafond orageux. Et il apparut, là, juste devant lui : l'arc-en-ciel. Tout d'abord indistinct, simple rumeur ou vrai mirage, il afficha peu à peu ses atours resplendissants, et chacune des sept couleurs était maintenant clairement visible.
Il sortit du pick-up, prit son sac et Mua avec lui, puis se rendit au pied de l'arc-en-ciel.
C'est ainsi qu'il avait rencontré Mua, fortuitement, par une journée pluvieuse alors qu'il se rendait au travail. Ce matin-là, il avait arrêté son véhicule et était sorti tout ébahi. Il se tenait au pied d'un arc-en-ciel, entouré d'une nébuleuse de couleurs. Et il avait entendu une voix :
— Si tu veux passer, il faut payer.
Il avait regardé partout, mais n'avait vu personne jusqu'à ce que la petite voix se manifeste à nouveau, avec la même phrase, et qu'il se rende compte qu'elle émanait du sol sous ses pieds. Il avait une pelle dans son pick-up, qui lui servait pour ses chantiers, et il avait creusé pendant dix bonnes minutes. Il s'était arrêté quand sa pelle avait rencontré un objet dur. Un bocal à moitié rempli d'eau, avec une grenouille dedans. Et une échelle minuscule.
— Si tu veux passer, il faut payer, parla la grenouille.
— Passer où ? lui demanda Hyun-Su.
— Il faut payer.
— Payer quoi ?
— Macrocilix maia.
Puis la grenouille n'avait plus rien dit et il l'avait emportée avec lui en repartant.
De retour chez lui, il avait décidé de l'appeler Mua. Il avait essayé de la faire parler à nouveau, mais sans succès. Et, un jour qu'il faisait des recherches sur internet pour la nourrir et qu'il se renseignait sur les divers insectes dont les grenouilles étaient friandes, il était tombé sur le macrocilix maia. Il s'agissait d'un papillon étrange qui portait comme deux mouches sur ses ailes.
Plusieurs semaines après s'être baladé dans la campagne et en forêt avec une vieille épuisette, il avait fini par en capturer un. Et il l'avait gardé précieusement jusqu'à ce que le moment propice se présente.
L'aurore avait mangé l'aube, et de son festin naissaient les lumières avides d'un nouveau jour. Hyun-Su sentit quelque chose d'ascendant se déplacer le long de son corps, une force tellurique très marquée, comme si une colonie de fourmis lui remontait les veines. Là, au pied de l'arc-en-ciel, il était comme coupé du monde, uniquement présent dans cette enluminure abstraite dont les nuances n'étaient pas claires. Chaque couleur se mêlait à l'autre en engendrant un hybride qui lui aussi débordait avec une envie fertile. L'arc-en-ciel se composait de bien plus de sept couleurs. Sa flamboyance était infinie.
— Si tu veux passer, il faut payer, dit soudain Mua du fond de son bocal.
— Ah ! Enfin ! Tu parles à nouveau, toi. Où veux-tu m'emmener ?
— Si tu veux passer, il faut payer.
Alors Hyun-Su sortit le papillon de sa poche, dévissa le bocal et le laissa tomber dedans. Mua sortit sa langue en un éclair. Le papillon avait disparu.
— C'est parti, dit-elle alors.
Tout éclata autour de Hyun-Su, les lumières fusaient maintenant en traits verticaux, et la terre se mit à gronder. Il se sentit happé, son corps décolla et il se laissa aller. Il tenta de demander à Mua ce qu'il se passait, mais elle ne répondit pas. Tout allait bien malgré la vitesse phénoménale à laquelle son environnement se déplaçait. Il était transporté au milieu des couleurs, fusant comme un enfant dans un toboggan polychrome.
Puis il retomba sur ses deux pieds.
Il reconnut les hauts reliefs des monts Kumgang à l'ouest, qu'il n'avait pas contemplé depuis de nombreuses années. Sa mère, son père et son frère devaient encore se trouver à Kosong, un peu plus au nord. Il avait brutalement été séparé d'eux alors qu'il étudiait bien plus au sud, à l'université nationale de Kangwon à Chuncheon. Puis, il avait tout quitté pour survivre, seul, et était devenu terrassier en remontant près de la frontière.
L'arc-en-ciel n'était plus là, il s'était évaporé comme si tout ceci n'avait été qu'un songe. Mais Hyun-Su se trouvait bien en Corée du Nord et il était bien décidé à revoir sa famille. Il regarda Mua qui avait grimpé quelques barreaux à son échelle.
— Tu es arrivé à destination.
— Merci, Mua.
Hyun-Su se mit en route. Il avait quelques kilomètres à faire avant d'atteindre Kosong. Il ferait son possible pour passer inaperçu et se dégotter une épuisette afin de capturer quatre macrocilix maia pour le voyage retour.
Par-delà le pare-brise, la grisaille humide se laissa transpercer de part en part. Des colonnes de lumière obliques éclatèrent au grand jour alors que persistait un sombre plafond orageux. Et il apparut, là, juste devant lui : l'arc-en-ciel. Tout d'abord indistinct, simple rumeur ou vrai mirage, il afficha peu à peu ses atours resplendissants, et chacune des sept couleurs était maintenant clairement visible.
Il sortit du pick-up, prit son sac et Mua avec lui, puis se rendit au pied de l'arc-en-ciel.
C'est ainsi qu'il avait rencontré Mua, fortuitement, par une journée pluvieuse alors qu'il se rendait au travail. Ce matin-là, il avait arrêté son véhicule et était sorti tout ébahi. Il se tenait au pied d'un arc-en-ciel, entouré d'une nébuleuse de couleurs. Et il avait entendu une voix :
— Si tu veux passer, il faut payer.
Il avait regardé partout, mais n'avait vu personne jusqu'à ce que la petite voix se manifeste à nouveau, avec la même phrase, et qu'il se rende compte qu'elle émanait du sol sous ses pieds. Il avait une pelle dans son pick-up, qui lui servait pour ses chantiers, et il avait creusé pendant dix bonnes minutes. Il s'était arrêté quand sa pelle avait rencontré un objet dur. Un bocal à moitié rempli d'eau, avec une grenouille dedans. Et une échelle minuscule.
— Si tu veux passer, il faut payer, parla la grenouille.
— Passer où ? lui demanda Hyun-Su.
— Il faut payer.
— Payer quoi ?
— Macrocilix maia.
Puis la grenouille n'avait plus rien dit et il l'avait emportée avec lui en repartant.
De retour chez lui, il avait décidé de l'appeler Mua. Il avait essayé de la faire parler à nouveau, mais sans succès. Et, un jour qu'il faisait des recherches sur internet pour la nourrir et qu'il se renseignait sur les divers insectes dont les grenouilles étaient friandes, il était tombé sur le macrocilix maia. Il s'agissait d'un papillon étrange qui portait comme deux mouches sur ses ailes.
Plusieurs semaines après s'être baladé dans la campagne et en forêt avec une vieille épuisette, il avait fini par en capturer un. Et il l'avait gardé précieusement jusqu'à ce que le moment propice se présente.
L'aurore avait mangé l'aube, et de son festin naissaient les lumières avides d'un nouveau jour. Hyun-Su sentit quelque chose d'ascendant se déplacer le long de son corps, une force tellurique très marquée, comme si une colonie de fourmis lui remontait les veines. Là, au pied de l'arc-en-ciel, il était comme coupé du monde, uniquement présent dans cette enluminure abstraite dont les nuances n'étaient pas claires. Chaque couleur se mêlait à l'autre en engendrant un hybride qui lui aussi débordait avec une envie fertile. L'arc-en-ciel se composait de bien plus de sept couleurs. Sa flamboyance était infinie.
— Si tu veux passer, il faut payer, dit soudain Mua du fond de son bocal.
— Ah ! Enfin ! Tu parles à nouveau, toi. Où veux-tu m'emmener ?
— Si tu veux passer, il faut payer.
Alors Hyun-Su sortit le papillon de sa poche, dévissa le bocal et le laissa tomber dedans. Mua sortit sa langue en un éclair. Le papillon avait disparu.
— C'est parti, dit-elle alors.
Tout éclata autour de Hyun-Su, les lumières fusaient maintenant en traits verticaux, et la terre se mit à gronder. Il se sentit happé, son corps décolla et il se laissa aller. Il tenta de demander à Mua ce qu'il se passait, mais elle ne répondit pas. Tout allait bien malgré la vitesse phénoménale à laquelle son environnement se déplaçait. Il était transporté au milieu des couleurs, fusant comme un enfant dans un toboggan polychrome.
Puis il retomba sur ses deux pieds.
Il reconnut les hauts reliefs des monts Kumgang à l'ouest, qu'il n'avait pas contemplé depuis de nombreuses années. Sa mère, son père et son frère devaient encore se trouver à Kosong, un peu plus au nord. Il avait brutalement été séparé d'eux alors qu'il étudiait bien plus au sud, à l'université nationale de Kangwon à Chuncheon. Puis, il avait tout quitté pour survivre, seul, et était devenu terrassier en remontant près de la frontière.
L'arc-en-ciel n'était plus là, il s'était évaporé comme si tout ceci n'avait été qu'un songe. Mais Hyun-Su se trouvait bien en Corée du Nord et il était bien décidé à revoir sa famille. Il regarda Mua qui avait grimpé quelques barreaux à son échelle.
— Tu es arrivé à destination.
— Merci, Mua.
Hyun-Su se mit en route. Il avait quelques kilomètres à faire avant d'atteindre Kosong. Il ferait son possible pour passer inaperçu et se dégotter une épuisette afin de capturer quatre macrocilix maia pour le voyage retour.
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Pourquoi on a aimé ?
La poésie est parfaitement maîtrisée, parfaitement dosée, dans ce récit à l’air d’un « Voyage de Chihiro » version grenouille et
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Pourquoi on a aimé ?
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