Une fille maudite

Bara ndao est un jeune écrivain sénégalais d'expression française âgé de 22 ans.

Toute histoire commence un jour, quelque part.
La nuit mourut et le jour s'installa.
 Le soleil se levait petit à petit. Les rues commençaient à s'encombrer de monde comme d'habitude. D'abord les mendiants qui sillonnaient toutes les allées, ensuite de vaillantes femmes armées de paniers de légumes qui partaient au marché-poisson et enfin quelques hommes mystérieux avec leur chapelet en main,venant de la grande mosquée de Dakar.
Tout fut serein comme dans un cimetière. Chacun vaquait à ses propres occupations.Moi, j'avais déjà fait le tour de toute ma famille et  quelques connaissances communes à mon papa pour quémander en vain de quoi le soigner .
Depuis des mois mon père se trouvait dans un état très critique.
Il devrait subir une opération dans les plus brefs délais.
Le temps m'était compté. Cette opération était sa seule chance de guérison.
Personne ne répondait favorabalement à mes requêtes journalières.
 Seules quelques prières de rétablissement étaient formulées avec mépris et pitié  à son égard ou de simples notes de désolation parfois. En réalité toutes les personnes que j'avais consultées étaient insensibles au sort de mon père.
Elles me chassaient parfois de chez elles comme si j'avais commis un meurtre.
Que faire? Ma mère était déjà morte, en me donnant la vie.
Peut être que je suis une fille maudite?
Je me mis à chercher du travail,en vain. J'étais pas vraiment chanceuse comme certaines filles de mon âge.
Finalement,une de mes camarades de promotion me mit en rapport avec un patron de presse très célèbre . Ainsi, je repris espoir.
Joint au téléphone,ce patron de presse très enthousiaste me convoqua pour un entretien d'embauche.
Je crus que c'était mon unique chance de sauver mon père des griffes de sa longue maladie qui le ronge.
Étant une jeune femme d'une élégance extraordinaire telle une fée, je marchais lentement avec une précaution infinie. Je m'installais dans le grand fauteuil de la salle d'attente où de nombreuses personnes attendaient toujours.
Apparemment le directeur avait un emploi du temps archicomble. Il avait beaucoup de rendez vous. Je patientais toujours sans me décourager.
 La secrétaire me fît entrer quelques minutes après sous l'ordre du patron, pressé de me rencontrer,tout comme moi.
Selon les rumeurs qui circulaient dans toute la ville,ce patron de presse sénégalaise, changeait de maîtresse comme de costumes.
À vrai dire, toutes les femmes se pâmaient d'admiration devant lui.Mais, moi, une grande demoiselle,  à travers mon caractère  ardent, je m'efforçais à ne pas agir comme elles.
Je jouais toujours la grande dame, c'est à dire la femme intéressante.

Toc-toc-toc, je frappais lentement au portail de son bureau.
Un instant, la porte s'ouvrit à moitié.Avec un clignement d'yeux, il me fit entrer avec plaisir. Le patron m'invita à s'asseoir sur son canapé près de lui.Une faveur que j'ai refusée sans hésiter.
Je me mis sur la chaise du bureau en face de lui.
En fait, le patron voulait déménager de son bureau pour me rejoindre aux fauteuils.
D'aprés le patron, je correspondais exactement à l'image qu'il s'était faite de moi.
 C'était à dire une jeune femme charmante et séduisante, aux rondeurs magnifiques,teint chocolaté, bref une superbe créature, unique en mon genre. Je lui remerciais pour les compliments.
Éberlué d'émotion, le patron restait sensible à mon charme.
 Il me regardait à la dérobée et savourait mon jeune corps en versant quelques gouttes de salives.
Il avait complètement perdu son charisme et semblait surnager dans les airs.
Il glissait son regard enfantin sur mon abondante chevelure.
 Le directeur me complimenta un instant à propos de ma robe, en sirotant sa tasse de café touba.
 Il était un homme d'un âge avancé, aux cheveux noirs et emprisonnés dans son chapeau, de taille moyenne,bref un homme en miniature, au visage glabre.
-J'ai demandé à la directrice des Ressources humaines Khadija Fall de me faire parvenir votre dossier au complet pour une étude personnelle, affirma le Directeur, très enthousiaste.
-Même avec un Curriculum Vitae pas trop important mon entreprise est prête à te recruter lança t- il en sourire.  
En tant que  jeune fille à l'époque, je prenais des airs hautains avec orgueil. Je pensais décrocher le travail que j'attendais depuis des mois. Heureusement que le destin inexorable m'a fait connaître cet homme qui pourrait me l'offrir.
-Mais,j'ai une proposition intéressante à vous faire.
-Laquelle monsieur?Me demandais je, toute stupéfaite.
À vrai dire c'était une véritable aubaine de rencontrer ce patron de presse de haute envergure.
Très attentive,mes coudes sur le bureau, je l'écoutais parler un moment.
-Dans mon entreprise, le niveau de recrutement est devenu très élevé . D'ailleurs, je ne recrute que ceux qui ont obtenu le Master en journalisme. Peut être tu feras l'exception?renchérit t-il. Je veux que tu sois ma maîtresse.......
-Quoi ?maîtresse! Je l'interrompis rapidement, toute en sueur.
-Vous rêvez ou quoi? Ma fougue de jeunesse se déclencha.
-Non au plus grand jamais!
Toute en sueur d'entendre une telle proposition aussi indécente venant d'un chef d'entreprise de cette grande société internationale, je me mis à hurler dans son bureau. Pour moi,le Directeur était descendu aussi bas. Au début je l'estimais beaucoup mais l'apparence est souvent trompeuse.

-Je ne suis pas une prostituée Monsieur.  Lui répondit-je.
Je tentais de le sermonner un peu en gardant mon sang froid.
-As -tu vraiment lu mon C.V? J'ai ma licence en journalisme et communication dans une grande école aussi prestigieuse, reconnue par le CAMES (Conseil Africain et Malgache de l'enseignement Supérieur).
Je pense qu'avec un tel diplôme je pourrais au moins intégrer le monde de l'emploi et faire valoir mes modestes compétences.
J'ai eu confiance en votre entreprise raison pour laquelle j'ai déposé mon dossier. Le métier de journalisme me passionne depuis toute petite. D'ailleurs vous êtes un idole pour moi en ce domaine.
S'il vous plaît, recrutez moi Monsieur!J'ai vraiment besoin de ce travail pour aider mon papa,la seule personne qui me reste aujourd'hui au monde.
Ma mère est morte quand j'avais dix ans,je garde toujours intacts mes souvenirs à son égard. Elle est décédée suite à sa longue maladie de cancer de sein, inconnu aux temps. Je suis l'unique enfant de mon père, je n'ai ni de frères ni de soeurs.Mon père s'était exilé du Mali pour s'installer définitivement au Sénégal lors d'une attaque terroriste dans laquelle toute sa famille était tuée sauf lui. Il était vraiment très chanceux à l'époque.
Il est photographe de profession très connu des Dakarois. C'est à travers ce métier qu'il a payé mes modestes études avec beaucoup de difficultés.
Tout ce qui compte pour lui, c'est ma réussite. Il s'est beaucoup sacrifié pour m'assurer une très bonne éducation. Ses investissements sur ma personne ne devrait pas être vains. Il a assez fait pour moi même si c'est son devoir à mon égard mais aujourd'hui c'est à mon tour de lui rendre la monnaie de sa pièce.
-Je cherche ce travail juste pour soigner mon père gravement malade, toujours cloué au lit.
Il doit nécessairement subir une opération à l'hôpital Principal dans quelques jours sinon il va mourir car Il a un problème cardiaque soutient t-elle désespérément.

Insensible, le patron me demanda d'accepter sa proposition ou de sortir rapidement de son bureau, car beaucoup de jeunes filles seraient disposées à l'accepter avec grand plaisir.
Il me tendit sa carte de visite au cas où je changerai d'avis.

Je sortis de son bureau en courant. Mon visage était trempé de larmes. J'étais très surprise de l'attitude de cet employeur.
Je claquais la porte avec fureur, courant follement vers les escaliers.

À la maison, j'ai pu constater avec amertume que la maladie de mon père devenait de plus en plus pitoyable et atteignait des proportions inquiétantes.
Je ne pouvais pas le contempler misérablement sans agir,car il était presque sur le point de mourir. Il avait totalement changé et se tordait inlassablement de douleur. Il tentait d'arborer de minces sourires pour me rassurer. Je m'enfermais dans ma chambre, seule, à pleurer.
La journée me parut d'une longueur insupportable.
Dans ma modeste chambre de jeune fille, je me mis à réfléchir, toute horrifiée.
Après mûres réflexions,je pris finalement un rendez vous avec ce monsieur aux gros chèques.

  Pour juste sauver mon pauvre papa malade,j' accepte difficilement la proposition dite intéressante du monsieur. Je deviens malgré moi son assistante personnelle avec un grand salaire qui dépasse ceux de tous les employés de la boîte. J'avais un bureau très vaste et bien équipé juste près de celui du patron.
Quelques jours plus tard, mon parent fut pris en charge totalement par mon patron et fut complètement guérie après une opération réussie.
 Je me sentais étrangement soulagée de voir que papa soit sain et sauf.
 Au moins, le patron m'avait sorti de la gueule du loup.

Mais de longs frissons m'envahissaient toujours. J'en voulais à moi-même d'avoir couché avec un homme pour sauver la vie de mon papa.
 C'était la plus grave erreur que j'aurai commise de toute ma vie. Je le regrette vraiment. Le coup était déjà parti malgré d'interminables regrets de ma part.
J'étais enclin de faire une telle bêtise pour Papa car je l'aimais de toutes mes forces.

Portrait du directeur:
La cravate de mon Directeur  Général s'étendait du cou jusqu'aux chaussures. Il voulait toujours montrer qu'il était supérieur à tout le monde même à travers ses déguisements anciens. C'était le genre d'hommes qui passait toute sa vie à séduire les femmes qu'il rencontrait sur son chemin.
Il était un coureur de jupons; un vrai obsédé sexuel. Il avait un nom d'animal- donné en secret par ses propres employés -(M L'hyène).
Un nom bizarre qui collait bien avec son comportement, car l'hyène est capable de tout faire pour se procurer de la viande.
De même ,ce grand monsieur était prêt à faire l'impossible pour attirer les femmes dans ses filets. Il était non seulement grand mais élancé  avard et loquace. Il était un vrai beau parleur. Ses sourires moqueurs lui donnaient l'air de quelqu'un qui avait gagné à la loterie. Il se vêtait comme un ancien combattant:Coiffure afro, grosses chaussures, grand costume et lunettes aux yeux.
Même atteint de la myopie, ses yeux pouvaient voir les femmes dans un rayon de cinq Kilomètres environ.
Ses gros yeux étaient toujours braqués sur les femmes.
 Dans sa grande entreprise, on pouvait compter en quelques secondes le nombre d'employers- hommes. Il ne recrutait que des femmes qui parfois n'avaient aucune compétence pour leurs tâches désignées.
Il n'avait  malheureusement pas aucune vertu d'homme responsable.
J'étais consciente que tous les regards de cet homme était braqué sur moi au début de ma nouvelle carrière dans son entreprise.Toutes les autres femmes de l'entreprise avaient vécu une histoire semblable à la mienne.
 Cette malheureuse aventure suffisait à moi pour s'en servir éternellement de leçon de vie.
J'avais vécu avec cet homme une souffrance physique et morale, perpétuelles.Il me violait quand il en avait envie dans son propre bureau.
Mon rôle dans cette vaste entreprise se limitait pas seulement à coucher avec le patron quand il le désirait mais aussi à lui servir son café chaque matin.
J'était plus la prostituée de luxe que son assistante personnelle.
Pendant toutes ces malheureuses années,je faisais la même routine.

Ce nouveau comportement est apparu juste après la maladie incurable de son père cloué sur son lit de maison sans moyens de se soigner.
Vous avez une idée de ce que c'est de voir son père en train de mourir sans faire quelque chose pour le sauver? C'était mon chagrin,la colère qui me brisait à chaque instant mon coeur.J'avais enduré des moqueries incessantes de la part des autres employés et une mal considération. Ce qui me poussa à me réfugier dans le silence.  Je ne parlais qu'au Directeur.
Les gens n'aident personne, il fallait se battre pour rester en vie. La vie est comme dans un jungle. Seuls les plus forts piétinent les plus faibles sans raisons plausibles.
Je n'étais  pas à l'aise dans mon boulot et pas trop forte pour supporter ma condition misérable.
Ma relation amoureuse forcée avec mon patron battait le plein et dura longtemps.
Je jouais le jeu mais je ne ressentais aucun amour pour lui, au contraire,de la haine viscérale à son égard.
Pendant le dernier week end passé avec mon patron à Saly,il ne s'était pas protégé lors de nos rapports sexuels.
J'avais peur mais il me rassura que tout ira bien. À l'intérieur de moi même, je craignais des risques de grossesses ou de maladies.
Quelques temps après, je  me rendis personnellement chez mon gynécologue zeyna après quelques doutes sur mes changements d'humour, mes migraines incessantes,mes vomissements et autres.
Apres consultation, je découvris tristement que j'étais enceinte de quelques mois.
Je ne voulais pas de cette grossesse surtout avec mon  irresponsable patron . Très perturbée, je ne suis quoi faire exactement. La nouvelle m'avais surprise.

J' invite mon patron au restaurant pour l'informer de cette nouvelle tout en doutant de son appréciation.
Ce dernier accepta sans hésiter que l'enfant que j' attendais est bien de lui mais me proposa  avec pitié d'avorter pour ne pas gâcher sa réputation d'homme public respectable et ses concurrents peuvent s'en servir d'armes pour le détruire.
Il était très égoïste. Il ne pensait qu'à lui même, j'étais toujours relégué au second plan.
Il me remit une enveloppe de deux millions pour cet avortement.
Selon le médecin l'avortement était très risqué. Il me conseilla de garder mon enfant.
J'étais pourtant d'accord pour me faire avorter au début m ais grâce au médecin j'ai changé finalement d'avis.
je comptais garder discrètement cette grossesse quelque soit le prix à payer.
Ainsi,je fais croire à mon patron que c'est déjà fait et lui demanda de ma'ccorder quelques mois de congés pour aller en vacances en France pour calmer les rumeurs sur notre relation amoureuse qui circulait partout dans l'entreprise et dans la presse également.  Le directeur accepta sans hésiter et me remit encore une grosse fortune.
Voyager m'arrangerait beaucoup puisque je ne voulais pas que mon père soit au courant de la mauvaise nouvelle. 

Quelques temps après,j'accouchai d'un garçon que j'appelais Mandela parce que mon fils était un survivant.
J'étais le seul à connaître de l'existence de ce nouveau né.
C'était mon petit secret que je gardais jalousement pour moi-même, en vivotant.