Toute histoire commence un jour, quelque part. L’histoire de Solenn a commencé depuis belle lurette et son impact continuera à se manifester dans la nature jusqu’à la fin des temps. Une histoire mystérieusement farfelue que nos aïeuls n’ont jamais eu la bravoure de nous la relater.
Dans l’un des anciens villages à proximité de la Transylvanie hivernale, sous la nouvelle lune, un nouveau-né embrassa l’agréable noirceur nocturne. Le dôme terrestre était d’une obscurité tellement invraisemblable qu’il aurait la possibilité d’absorber toute sorte de lumière. Agnees, la Magam Pythonissam, pénétra le cottage et s’approcha du berceau.
« - elle a de beaux yeux...gris.
- devrions-nous commencer le rituel maintenant, Magam ? dit Magus, l’accouchée primipare.
- oui, tu prépares ce qu’il faut pour le Peperitumagi. Elle a des yeux gris. »
En disant ces mots, Agnees cracha dans l’âtre et disparut dans la fumée fantasmagorique que sa salive eut causée. Magus se leva à peine, prit son nourrisson et son poignard, se dirigea vers son armoire et saisit l’encens de Bethléem protecteur et le Sang du Dragon augmentateur de la puissance magique.
Une fois arrivée au pied de la colline où ils iraient célébrer le Peperitumagi, Magus donna le nouveau-né à Agnees qui se mit à chanter des incantations avec les autres membres de l’Occultus en tournant autour du feu. La Magam prit le poignard et égratigna sa paume et versa sept gouttes de sang sur le front du nourrisson et dit à haute voix :
« - Par la puissance de Sheva, je baptise cette créature du nom de Solenn. Ô Divinité créatrice, nous vous remercions de nous accorder notre vœu tant désiré. Solenn sera mon héritière. Faites qu’elle soit une puissante et redoutable sorcière, aussi intelligente et habile que destructrice...Magus ! les encens ! »
Agnees saisit les encens avec ses longs ongles noirs et commença à les jeter en prononçant ces mots ésotériques :
« - l’encens de Bethléem embrasse les flammes affamées, que la chance et la réussite soient exaucées, et que les ailes des démons te protègent, Solenn, et que Le Sang du Dragon fortifie ce sortilège enflammé ! ». Le baptême toucha à sa fin, les sorciers et les sorcières clôturèrent la célébration par des chants païens.
Les sorcières et sorciers formaient une secte solidaire et complémentaire qu’ils nommaient Occultus, pratiquant leurs rituels en respectant le calendrier Wicca. A cette époque-là, ils s’efforçaient à se dissimuler, une fois divulgués, ils seraient condamnés au bûcher de la part des villageois.
Entourée par ses semblables, Solenn se révélait très douée et dotée d’une puissance magique incontournable. Magus, sa mère, lui apprit tous les secrets, même les plus profonds et maléfiques de la sorcellerie. Solenn grandit et devint une sorcière ravissante et réputée, adorée et idolâtrée par les hommes et détestée par les femmes.
Un jour, tandis que Magus et Solenn préparaient pour l’Heredisum, selon le calendrier Wicca, Agnees pénétra leur cottage.
« - Solenn, tendant les bras, ma fille, comme tu as grandi.
- Le temps passe très vite Magam, ravie de vous retrouver après tant d’années.
- tant d’années...oui... tu vas bientôt me remplacer et pouvoir entendre ce nom de Magam duquel je serai aussi bientôt dépourvue... Es-tu prête pour devenir la future matriarche de l’Occultus ?
- Je connais suffisamment de choses qui me permettront de guider et veiller sur la secte. Agnees, l’Occultus sera mon ultime responsabilité, nous faisons partie d’un groupe très réduit de sorciers et on chercherait à nous exterminer. Je veillerai à ce que l’Occultus ne se révèle point !
- J’ai foi en toi, Solenn.»
La nuit tomba, et la lune complète, vêtue d’une auréole, éclaircit le ciel morne. Au pied de la colline, le spectacle fut ésotérique par excellence : les encens et les fumées envahissaient l’air, les cannes et les balaies étaient partout et Agnees était assise et entourée par les autres sorciers et sorcières, notamment une, nommée Orna, celle avec qui Solenn passait plus de temps. La nouvelle Magam arriva, plus charmante que jamais, et envoûta tous les membres de la secte. Agnees se leva, prit son poignard et égratigna la paume de Solenn, puis elle versa de son sang dans le chaudron, qui contenait diverses potions magiques, en prononçant le Serment :
« - Solenn, tu répète après moi chaque mot que je dis. Moi, Solenn, fille d’un sorcier et d’une sorcière, je veillerai sur l’Occultus et je tâcherai de le protéger de toute menace et fulmination externes. Mon sang va embrasser le vôtre tout à l’heure ce qui certifie ma loyauté. En cas de transgression, mon sang embrassera la terre et ma chair embrassera vos glaives et les flammes chrétiennes. Saisissant son verre. Buvez, à votre santé et à l’immortalité de l’Occultus ! »
Agnees céda sa place à Solenn et lui donna une amulette en disant qu’elle irait la protéger tout au long de son règne. Orna se précipita et s’agenouilla près de la nouvelle Magam et commencèrent à discuter lorsqu’Orna lui demanda de se lever pour s’approcher de la bénédiction du feu.
« - Solenn allez debout, la cérémonie va bientôt finir et les flammes vont plus avoir d’effets !
- bon d’accord. »
Solenn se leva et les deux filles s’approchèrent du feu. Soudain, Orna rampa derrière elle comme un serpent guettant sa proie et la poussa de toutes ses forces aux flammes assoiffées, délibérant sa rancune et sa haine pour Solenn. Le scandale fut grandiose et les sorciers, décontenancés, se mirent à hurler et frapper Orna le plus violemment possible jusqu’à ce qu’ils la massacrèrent et jetèrent la dépouille sans merci. Solenn et Orna se firent, apparemment, brûlées.
Quelques années après, dans un autre territoire...
« - Voilà, Tenebris. Je vous ai apporté tout ce qu’il vous faut dans ce panier.
- vous pouvez disposer Aroxa. »
Une cape noire en velours dissimulant son visage depuis des années et une canne dans la main gauche. C’étaient les objets marquants de Tenebris, une sorcière trentenaire vivant dans un monde qui n’avait jamais connu l’obscurité, une terre toujours insatiablement ensoleillée et fourrée dans le frimas tout au long de l’année, un endroit fort lointain, isolé et d’un froid insupportable. Tenebris se réfugiait chaque jour dans une petite cave dont la lumière n’affectait pas ses rituels et ne détruisait pas ses yeux. Aroxa était toujours sa servante et son apprentie fidèle. Une fillette vivant sur ce territoire depuis une décennie. Elle et sa famille faisaient partie des sept uniques habitants de cette terre qui étaient eux-mêmes des sorciers. Un jour, elle sentit le besoin d’enlacer l’air glacial, entendre les sons agréables de la nature de nouveau, et contempler la splendeur d’une terre d’un blanc glacial dont l’éclat était absorbé par l’obscurité ténébreuse des arbres dénudés et la noirceur lugubre du dôme, un paysage purement funèbre et confortable pour Tenebris qui pensait tant à l’effleurer. Elle se disait : « Hélas... je crains que c’est ardu de me contenter d’un tel bonheur. Le soleil est toujours le plus dominant, me privant de ma béatitude nocturne... à moins que... ! ». Tenebris se dirigea vers la zone la plus profonde et sombre de la grotte, alluma le feu avec un claquement de doigts, posa son chaudron et mit dedans un ensemble d’herbes différentes, elle y ajouta ensuite six gouttes de son sang provenant de sa paume gauche en prononçant des mots dont le sens était incompréhensible : « Ô Erèbe, Dieu des Ténèbres ! Ô Nyx, Déesse de la Nuit ! je vous invoque par la puissance du Bois de Sandal et de mes bougies noires pour ensevelir le flambeau du jour semblant éternel et noircir le Dôme par la fumée sombre de ce rituel. Sex lunarum ordinem plena luceant in caelo sicut sex guttae sanguinis sunt quae perdidit in despumat aeni...». D’emblée, un nuage sombre, épais et grandiose couvrit le ciel lumineux, un spectacle atrocement splendide, une fumée très obscure envahit le zénith. Tenebris sortit de sa grotte, étendit ses bras et sourit, elle enleva sa cape et révéla son visage à la nature. Un nez difficile à définir, des lèvres abîmées, des yeux endommagés et gris, un visage brûlé... En réalité Tenebris n’était personne d’autre que Solenn. Oui Solenn survit, et c’était grâce à l’amulette qui lui avait été offerte par l’ancienne Magam, Agnees. Solenn, ou Tenebris, dansait aisément et chantait, fêtant sa liberté et son retour au paysage macabre après tant d’années lorsqu’Aroxa vint en haletant :
« - Enfin Magus Tenebris ! Enfin nous allons embrasser un air glacial et nos feux écarlates éclateront !
La gloire de Tenebris fut incontournable de la part de l’élite des sorciers du Monde glacial, précédemment enflammé. Pour eux, Tenebris était une divinité invincible et vénérable. La nuit de Walpurgisnacht, le chaudron libérait une fumée parfumée de différentes herbes, les odeurs des encens inondaient l’air et les sorciers faisaient des cercles et dansaient à leur manière. « Préparez vos graines, nous allons entreprendre la plantation immédiatement ! » Ordonna Tenebris. Les membres de l’élite prirent les racines précédemment mises dans l’eau du chaudron contenant des herbes magiques et les plantèrent dans l’endroit désigné parla Magam.
La durée du sort expira et vint l’ère lumineuse et ensoleillée durant laquelle les arbres grandirent très rapidement. Tenebris sortit de sa grotte, dissimulant son visage de la lumière, et se dissout dans les bois qu’ils avaient construit.
« - Vois-tu, Aroxa, dit-elle, mêmes les arbres ont besoin du soleil... ces bois seront notre cimetière, Aroxa. Morts et spectres, nous hanterions ces bois. Ils seraient des Bois Hantés.
- oui Magam, nos successeurs vont préserver ces Bois Hantés en sorte que cette tradition perdure. ». Les Bois Hantés, en effet, devinrent le cimetière des sorciers. Les morts étaient inhumés aux pieds des troncs des arbres.
Les nuits ternes revinrent après six mois de lumière astrale, comme prévu. Tenebris était assise à côté de l’une des arbres dans les Bois Hantés jusqu’à ce qu’une silhouette s’approcha d’elle et saisit son épaule gauche. Tenebris se mit debout aussitôt et resta immobile sous sa cape. La silhouette prononça le véritable pronom de Tenebris, ce qui la surprit.
« - Qui vous êtes au nom de Walpurgis !
- après un silence profond. ... Orna, c’est orna... ».
Tenebris se sentit tout à coup étranglée, elle commença à toucher son visage et sentir les dégâts que la personne devant elle lui avait faits. Orna, la survivante, s’agenouilla, saisit violemment et brusquement les mains de Tenebris.
« - en sangots, Solenn, pardonnez-moi, pardonnez-moi... Je n’ai pas su que ceci nous portera tous malheur.
- se penchant vers elle, de quel malheur parlez-vous donc, Orna ?
- Solenn, les chevaliers des croisades ont massacré un grand nombre de l’Occultus, nous ne restons que trois maintenant. Essayant d’empêcher ses larmes brûlantes de couler. Et nous nous sommes refugiés ici.
- D’un ton excité et nostalgique, Où sont les autres ?
- Suivez-moi.
Tenebris se trouva dans sa propre grotte. Elle parvint enfin à effleurer et étreindre ses compatriotes.
« Mes chers sorciers, je vous ai promis un jour de vous protéger et de préserver notre race, alors ne craignez rien et écoutez-moi attentivement. Vous resterez dans cette grotte et vous prendrez de cette poudre, si vous la jetez sur les yeux de vos violateurs, ils perdront leurs mémoire. Quant à moi, je me débrouillerai pour trouver une cachette, d’autres sorciers seront avec moi. ».
Aussitôt dit, aussitôt fait, Tenebris se dirigea vers les Bois Hantés, alluma le feu , saisit des herbes et des encens de sa poche et les jeta sur les flammes qui s’enrageaient au fur et à mesure qu’elle les ajoutait. Soudain, elle entendit des voix violentes, graves et hautes, dès qu’elle se retourna, Solenn perçut des chevaliers de l’autre bout des Bois Hantés, saisissant des flambeaux à feu bien écarlate. La Magam prit fuite et les sorciers de la zone la rejoignirent.
Des cris et des flammes partout, des têtes éparpillées et des corps décomposés et puants, les Bois Hantés se terminèrent en poudre. La pureté du ciel noir fut altérée par la fumée qui provenait de ces transgressions causées par les chevaliers des croisades.
Sortirent de la grotte les membres de l’Occultus, déconcertés, paralysés et confus. Plus de menaces, mais des conséquences atroces. Orna errait, en lamentant, autour des dépouilles indéfinissables lorsqu’elle vit le corps de Solenn allongé sur la terre glaciale à visage découvert et les traces de ses brulures étaient bien définies. Les autres sorciers de l’Occultus vinrent à leur tour admirer le sacrifice de leur Magam Pythonissam. Les sorciers de la zone étaient décapités et déchiquetés. Orna prit la parole, et dit à ses compatriotes : « Vous voyez bien comment notre Magam s’est immolée pour nous protéger et respecter le Serment. Solenn ne doit jamais quitter nos mémoires, ni celle de nos successeurs. ».
Après ces mots, Orna et les membres de l’Occultus ramassèrent ce qui restait des cadavres et les incinérèrent. La fumée de ces sorciers forma ce qu’on appelle aujourd’hui l’aurore austral. Ce phénomène qui surgit la nuit entre trois heures et cinq heures n’est rien d’autre que les spectres des sorciers de cette zone appelée de nos jours le pôle Sud. Sans omettre que Solenn a créée la nuit polaire qui dure six mois, laissant place à six mois du jour polaire. Voilà l’histoire d’une sorcière glorieuse qui a commencé un jour en Roumanie, et qui a terminé au Pole Sud.
Glossaire et indications :
Calendrier Wicca : un calendrier lunaire comportant les dates de toutes les pratiques mensuelles, ainsi que les dates des évènements éventuels marquants ;
Occultus : la secte des sorciers et sorcières de la Transylvanie ;
Magam Pythonissam : une expression en latin qui signifie en français la grande sorcière ; c’est la chef d’Occultus ;
Peperitumagi : se composant de Peperitu, mot latin signifiant naissance, et Magi, mot latin signifiant magicien. C’est la cérémonie du baptême de l’héritière du nom de Magam Pythonissam.
Heredisum : la cérémonie de l’investiture d’une sorcière comme une nouvelle Mgam Pythonissam.
Pour hériter ce nom, la sorcière doit avoir des yeux gris et il est impératif que ses ancêtres soient des sorciers, ce qui est rare. Tous les 100 ans une sorcière regroupant ces critères nait.
Dans l’un des anciens villages à proximité de la Transylvanie hivernale, sous la nouvelle lune, un nouveau-né embrassa l’agréable noirceur nocturne. Le dôme terrestre était d’une obscurité tellement invraisemblable qu’il aurait la possibilité d’absorber toute sorte de lumière. Agnees, la Magam Pythonissam, pénétra le cottage et s’approcha du berceau.
« - elle a de beaux yeux...gris.
- devrions-nous commencer le rituel maintenant, Magam ? dit Magus, l’accouchée primipare.
- oui, tu prépares ce qu’il faut pour le Peperitumagi. Elle a des yeux gris. »
En disant ces mots, Agnees cracha dans l’âtre et disparut dans la fumée fantasmagorique que sa salive eut causée. Magus se leva à peine, prit son nourrisson et son poignard, se dirigea vers son armoire et saisit l’encens de Bethléem protecteur et le Sang du Dragon augmentateur de la puissance magique.
Une fois arrivée au pied de la colline où ils iraient célébrer le Peperitumagi, Magus donna le nouveau-né à Agnees qui se mit à chanter des incantations avec les autres membres de l’Occultus en tournant autour du feu. La Magam prit le poignard et égratigna sa paume et versa sept gouttes de sang sur le front du nourrisson et dit à haute voix :
« - Par la puissance de Sheva, je baptise cette créature du nom de Solenn. Ô Divinité créatrice, nous vous remercions de nous accorder notre vœu tant désiré. Solenn sera mon héritière. Faites qu’elle soit une puissante et redoutable sorcière, aussi intelligente et habile que destructrice...Magus ! les encens ! »
Agnees saisit les encens avec ses longs ongles noirs et commença à les jeter en prononçant ces mots ésotériques :
« - l’encens de Bethléem embrasse les flammes affamées, que la chance et la réussite soient exaucées, et que les ailes des démons te protègent, Solenn, et que Le Sang du Dragon fortifie ce sortilège enflammé ! ». Le baptême toucha à sa fin, les sorciers et les sorcières clôturèrent la célébration par des chants païens.
Les sorcières et sorciers formaient une secte solidaire et complémentaire qu’ils nommaient Occultus, pratiquant leurs rituels en respectant le calendrier Wicca. A cette époque-là, ils s’efforçaient à se dissimuler, une fois divulgués, ils seraient condamnés au bûcher de la part des villageois.
Entourée par ses semblables, Solenn se révélait très douée et dotée d’une puissance magique incontournable. Magus, sa mère, lui apprit tous les secrets, même les plus profonds et maléfiques de la sorcellerie. Solenn grandit et devint une sorcière ravissante et réputée, adorée et idolâtrée par les hommes et détestée par les femmes.
Un jour, tandis que Magus et Solenn préparaient pour l’Heredisum, selon le calendrier Wicca, Agnees pénétra leur cottage.
« - Solenn, tendant les bras, ma fille, comme tu as grandi.
- Le temps passe très vite Magam, ravie de vous retrouver après tant d’années.
- tant d’années...oui... tu vas bientôt me remplacer et pouvoir entendre ce nom de Magam duquel je serai aussi bientôt dépourvue... Es-tu prête pour devenir la future matriarche de l’Occultus ?
- Je connais suffisamment de choses qui me permettront de guider et veiller sur la secte. Agnees, l’Occultus sera mon ultime responsabilité, nous faisons partie d’un groupe très réduit de sorciers et on chercherait à nous exterminer. Je veillerai à ce que l’Occultus ne se révèle point !
- J’ai foi en toi, Solenn.»
La nuit tomba, et la lune complète, vêtue d’une auréole, éclaircit le ciel morne. Au pied de la colline, le spectacle fut ésotérique par excellence : les encens et les fumées envahissaient l’air, les cannes et les balaies étaient partout et Agnees était assise et entourée par les autres sorciers et sorcières, notamment une, nommée Orna, celle avec qui Solenn passait plus de temps. La nouvelle Magam arriva, plus charmante que jamais, et envoûta tous les membres de la secte. Agnees se leva, prit son poignard et égratigna la paume de Solenn, puis elle versa de son sang dans le chaudron, qui contenait diverses potions magiques, en prononçant le Serment :
« - Solenn, tu répète après moi chaque mot que je dis. Moi, Solenn, fille d’un sorcier et d’une sorcière, je veillerai sur l’Occultus et je tâcherai de le protéger de toute menace et fulmination externes. Mon sang va embrasser le vôtre tout à l’heure ce qui certifie ma loyauté. En cas de transgression, mon sang embrassera la terre et ma chair embrassera vos glaives et les flammes chrétiennes. Saisissant son verre. Buvez, à votre santé et à l’immortalité de l’Occultus ! »
Agnees céda sa place à Solenn et lui donna une amulette en disant qu’elle irait la protéger tout au long de son règne. Orna se précipita et s’agenouilla près de la nouvelle Magam et commencèrent à discuter lorsqu’Orna lui demanda de se lever pour s’approcher de la bénédiction du feu.
« - Solenn allez debout, la cérémonie va bientôt finir et les flammes vont plus avoir d’effets !
- bon d’accord. »
Solenn se leva et les deux filles s’approchèrent du feu. Soudain, Orna rampa derrière elle comme un serpent guettant sa proie et la poussa de toutes ses forces aux flammes assoiffées, délibérant sa rancune et sa haine pour Solenn. Le scandale fut grandiose et les sorciers, décontenancés, se mirent à hurler et frapper Orna le plus violemment possible jusqu’à ce qu’ils la massacrèrent et jetèrent la dépouille sans merci. Solenn et Orna se firent, apparemment, brûlées.
Quelques années après, dans un autre territoire...
« - Voilà, Tenebris. Je vous ai apporté tout ce qu’il vous faut dans ce panier.
- vous pouvez disposer Aroxa. »
Une cape noire en velours dissimulant son visage depuis des années et une canne dans la main gauche. C’étaient les objets marquants de Tenebris, une sorcière trentenaire vivant dans un monde qui n’avait jamais connu l’obscurité, une terre toujours insatiablement ensoleillée et fourrée dans le frimas tout au long de l’année, un endroit fort lointain, isolé et d’un froid insupportable. Tenebris se réfugiait chaque jour dans une petite cave dont la lumière n’affectait pas ses rituels et ne détruisait pas ses yeux. Aroxa était toujours sa servante et son apprentie fidèle. Une fillette vivant sur ce territoire depuis une décennie. Elle et sa famille faisaient partie des sept uniques habitants de cette terre qui étaient eux-mêmes des sorciers. Un jour, elle sentit le besoin d’enlacer l’air glacial, entendre les sons agréables de la nature de nouveau, et contempler la splendeur d’une terre d’un blanc glacial dont l’éclat était absorbé par l’obscurité ténébreuse des arbres dénudés et la noirceur lugubre du dôme, un paysage purement funèbre et confortable pour Tenebris qui pensait tant à l’effleurer. Elle se disait : « Hélas... je crains que c’est ardu de me contenter d’un tel bonheur. Le soleil est toujours le plus dominant, me privant de ma béatitude nocturne... à moins que... ! ». Tenebris se dirigea vers la zone la plus profonde et sombre de la grotte, alluma le feu avec un claquement de doigts, posa son chaudron et mit dedans un ensemble d’herbes différentes, elle y ajouta ensuite six gouttes de son sang provenant de sa paume gauche en prononçant des mots dont le sens était incompréhensible : « Ô Erèbe, Dieu des Ténèbres ! Ô Nyx, Déesse de la Nuit ! je vous invoque par la puissance du Bois de Sandal et de mes bougies noires pour ensevelir le flambeau du jour semblant éternel et noircir le Dôme par la fumée sombre de ce rituel. Sex lunarum ordinem plena luceant in caelo sicut sex guttae sanguinis sunt quae perdidit in despumat aeni...». D’emblée, un nuage sombre, épais et grandiose couvrit le ciel lumineux, un spectacle atrocement splendide, une fumée très obscure envahit le zénith. Tenebris sortit de sa grotte, étendit ses bras et sourit, elle enleva sa cape et révéla son visage à la nature. Un nez difficile à définir, des lèvres abîmées, des yeux endommagés et gris, un visage brûlé... En réalité Tenebris n’était personne d’autre que Solenn. Oui Solenn survit, et c’était grâce à l’amulette qui lui avait été offerte par l’ancienne Magam, Agnees. Solenn, ou Tenebris, dansait aisément et chantait, fêtant sa liberté et son retour au paysage macabre après tant d’années lorsqu’Aroxa vint en haletant :
« - Enfin Magus Tenebris ! Enfin nous allons embrasser un air glacial et nos feux écarlates éclateront !
La gloire de Tenebris fut incontournable de la part de l’élite des sorciers du Monde glacial, précédemment enflammé. Pour eux, Tenebris était une divinité invincible et vénérable. La nuit de Walpurgisnacht, le chaudron libérait une fumée parfumée de différentes herbes, les odeurs des encens inondaient l’air et les sorciers faisaient des cercles et dansaient à leur manière. « Préparez vos graines, nous allons entreprendre la plantation immédiatement ! » Ordonna Tenebris. Les membres de l’élite prirent les racines précédemment mises dans l’eau du chaudron contenant des herbes magiques et les plantèrent dans l’endroit désigné parla Magam.
La durée du sort expira et vint l’ère lumineuse et ensoleillée durant laquelle les arbres grandirent très rapidement. Tenebris sortit de sa grotte, dissimulant son visage de la lumière, et se dissout dans les bois qu’ils avaient construit.
« - Vois-tu, Aroxa, dit-elle, mêmes les arbres ont besoin du soleil... ces bois seront notre cimetière, Aroxa. Morts et spectres, nous hanterions ces bois. Ils seraient des Bois Hantés.
- oui Magam, nos successeurs vont préserver ces Bois Hantés en sorte que cette tradition perdure. ». Les Bois Hantés, en effet, devinrent le cimetière des sorciers. Les morts étaient inhumés aux pieds des troncs des arbres.
Les nuits ternes revinrent après six mois de lumière astrale, comme prévu. Tenebris était assise à côté de l’une des arbres dans les Bois Hantés jusqu’à ce qu’une silhouette s’approcha d’elle et saisit son épaule gauche. Tenebris se mit debout aussitôt et resta immobile sous sa cape. La silhouette prononça le véritable pronom de Tenebris, ce qui la surprit.
« - Qui vous êtes au nom de Walpurgis !
- après un silence profond. ... Orna, c’est orna... ».
Tenebris se sentit tout à coup étranglée, elle commença à toucher son visage et sentir les dégâts que la personne devant elle lui avait faits. Orna, la survivante, s’agenouilla, saisit violemment et brusquement les mains de Tenebris.
« - en sangots, Solenn, pardonnez-moi, pardonnez-moi... Je n’ai pas su que ceci nous portera tous malheur.
- se penchant vers elle, de quel malheur parlez-vous donc, Orna ?
- Solenn, les chevaliers des croisades ont massacré un grand nombre de l’Occultus, nous ne restons que trois maintenant. Essayant d’empêcher ses larmes brûlantes de couler. Et nous nous sommes refugiés ici.
- D’un ton excité et nostalgique, Où sont les autres ?
- Suivez-moi.
Tenebris se trouva dans sa propre grotte. Elle parvint enfin à effleurer et étreindre ses compatriotes.
« Mes chers sorciers, je vous ai promis un jour de vous protéger et de préserver notre race, alors ne craignez rien et écoutez-moi attentivement. Vous resterez dans cette grotte et vous prendrez de cette poudre, si vous la jetez sur les yeux de vos violateurs, ils perdront leurs mémoire. Quant à moi, je me débrouillerai pour trouver une cachette, d’autres sorciers seront avec moi. ».
Aussitôt dit, aussitôt fait, Tenebris se dirigea vers les Bois Hantés, alluma le feu , saisit des herbes et des encens de sa poche et les jeta sur les flammes qui s’enrageaient au fur et à mesure qu’elle les ajoutait. Soudain, elle entendit des voix violentes, graves et hautes, dès qu’elle se retourna, Solenn perçut des chevaliers de l’autre bout des Bois Hantés, saisissant des flambeaux à feu bien écarlate. La Magam prit fuite et les sorciers de la zone la rejoignirent.
Des cris et des flammes partout, des têtes éparpillées et des corps décomposés et puants, les Bois Hantés se terminèrent en poudre. La pureté du ciel noir fut altérée par la fumée qui provenait de ces transgressions causées par les chevaliers des croisades.
Sortirent de la grotte les membres de l’Occultus, déconcertés, paralysés et confus. Plus de menaces, mais des conséquences atroces. Orna errait, en lamentant, autour des dépouilles indéfinissables lorsqu’elle vit le corps de Solenn allongé sur la terre glaciale à visage découvert et les traces de ses brulures étaient bien définies. Les autres sorciers de l’Occultus vinrent à leur tour admirer le sacrifice de leur Magam Pythonissam. Les sorciers de la zone étaient décapités et déchiquetés. Orna prit la parole, et dit à ses compatriotes : « Vous voyez bien comment notre Magam s’est immolée pour nous protéger et respecter le Serment. Solenn ne doit jamais quitter nos mémoires, ni celle de nos successeurs. ».
Après ces mots, Orna et les membres de l’Occultus ramassèrent ce qui restait des cadavres et les incinérèrent. La fumée de ces sorciers forma ce qu’on appelle aujourd’hui l’aurore austral. Ce phénomène qui surgit la nuit entre trois heures et cinq heures n’est rien d’autre que les spectres des sorciers de cette zone appelée de nos jours le pôle Sud. Sans omettre que Solenn a créée la nuit polaire qui dure six mois, laissant place à six mois du jour polaire. Voilà l’histoire d’une sorcière glorieuse qui a commencé un jour en Roumanie, et qui a terminé au Pole Sud.
Glossaire et indications :
Calendrier Wicca : un calendrier lunaire comportant les dates de toutes les pratiques mensuelles, ainsi que les dates des évènements éventuels marquants ;
Occultus : la secte des sorciers et sorcières de la Transylvanie ;
Magam Pythonissam : une expression en latin qui signifie en français la grande sorcière ; c’est la chef d’Occultus ;
Peperitumagi : se composant de Peperitu, mot latin signifiant naissance, et Magi, mot latin signifiant magicien. C’est la cérémonie du baptême de l’héritière du nom de Magam Pythonissam.
Heredisum : la cérémonie de l’investiture d’une sorcière comme une nouvelle Mgam Pythonissam.
Pour hériter ce nom, la sorcière doit avoir des yeux gris et il est impératif que ses ancêtres soient des sorciers, ce qui est rare. Tous les 100 ans une sorcière regroupant ces critères nait.