Resistance

- Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cognez comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître.
Malgré le calme de sa voix ses yeux bleutés couverts sous de longs cils exubérèrent tout l'aigreur qui bouillonnaient dans ses veines, elle le regarda fixe avec un dédain poignant. Une abjection qui froissait son ego pour la nième fois. La carafe d'eau dans sa main gauche l'empêchait de poser l'action qui tournait en boucle dans son cerveau, néanmoins il se retenu peu. D'un geste rapide, il empoigna sa mâchoire et y pressa de toute force comme pour extirper toutes libertés d'expression contrariante. Elle gigota, sachant que ces étreintes limitaient sa défense, ce qui le poussa à la calée au mur avec brutalité de sorte à l'immobiliser.
- Tu feras, ce que je veux ! et quand, je le voudrai car tu m'appartiens! murmura-t-il à son oreille.
Laissant ensuite se fracasser le récipient au bout de ses doigts à leurs pieds tout en se dirigeant vers la sortie. L'eau qui ruisselait sur le sol était à peine visible dans la pièce sombre, éclairé par lumière du jour perçant une fenêtre étroite en bloc de verre. Il se dissipait en se heurtant aux vaisselles éparpillées parterre, emportant dans ces flots les insectes innocents qui se régalaient de la nourriture avarié. A peine que la porte se referma, elle se jeta sur ces genoux pour collecter les dégoutes d'eau restants dans les morceaux d'argiles fragmenter. Tâtant de ces lèvres à même le sol afin d'humecter sa gorge rester sec pendant plus de trois jours. Elle avait traversé le désert deux jours auparavant escorté de force par ces barbus arabes, qui était d'une moindre cruauté que ces ravisseurs.
Arrivée dans ce somptueux palace, elle refusait de manger ou de boire. Injuriant, crachant et se débattant telle la résistante qu'elle fut chez elle. A Marioupol, sa ville natale, elle avait mise sur place un groupe de bénévole pour la plupart des femmes, dont l'engagement était d'apporter un support logistique supplémentaire aux soldats sur le front. Leur apportant vêtement chaud, repas et accompagnement moral. Il est important disait-elle : « Les filles que nous montrons à nos hommes que nous comprenons leur sacrifices. » en disant cela Irghiv répliquait ironiquement à chaque fois. « Lequel de ces beaux hommes en costume est ton homme ? » et le groupe se mettait à rire de la mine qu'elle faisait. Irghiv était le seul gai du groupe et le meilleur ami de Svania, il l'accompagnait dans tous ces projets, ils se connaissaient depuis le secondaire et partageait tous ses secrets. Il savait pertinemment que la jeune fille de 26 ans n'avait réellement connu qu'un seul homme de toute sa vie, après le secondaire et qu'elle n'avait partagé aucun moment d'amour intense avec ce partenaire au de-là du doux touché et des baisers. Un palmarès qu'il jugeait déplorable pour une si jolie jeune fille. Il n'hésitait pas donc pas à en faire allusion dans ces vines subtiles et même en publiques. Cela mettait Svania mal à l'aise, l'exaspérait même, mais la sincérité de son ami lui était précieuse. Perdre cela était le chagrin qui animait son refus d'être, ainsi que la culpabilité qu'elle ressentait d'avoir occasionné la perte de son alter-ego.
Apres plusieurs semaines de bombardement quand les Russes ont donné l'assaut. Elle s'était retrouvée piégé entre deux feux. Les tchéchènes d'un côté et les combattants Ukrainiens de l'autre. Caché sous terre pendant plusieurs jours, Irghiv fut le seul à venir à son secours. Ils ont traversés les rues de Marioupol jonchés de cadavre se rendant à Ushakova là où vivaient sa mère et son beau-père, avec lesquelles elle n'avait échangé la parole depuis des mois. Le bâtiment était éventré, l'une des cages d'escaliers était visible d'extérieur. Des traces de brulures sillonnaient les murs et le sol poussiéreux. Au 4eme là ou se situait l'appart de ses parents, les murs étaient décapés, le plafond du couloir principal s'était effondré, le mobilier des appartements renversés, les verres des fenêtres projetées de partout. Des grabuges de béton mélangés à des traces de sang remplissaient les pièces. Elles avaient peut-être perdu sa mère sans avoir eu la chance de se réconcilier. Le bâtiment entier était vide, il n'y avait presque personne aux alentours. Mise à part de cet individus qui râlait bizarrement une trottinette au manche disloquer, manquant une roue. La trottinette, remplie d'effets personnels tout aussi en piteuse état que l'individu qui le tirait. Vêtus d'un accoutrement pour résister au froid, ces vêtements étaient sales, sa tête bâillonné d'un bandage défripé et maculé de sang coagulé. Arrivé à quelques centimètres près, ils constataient que c'était une femme. Elle semblait être désorientée, Irghiv en passe de perdre ses moyens le regardait écœuré.
- Vous habitez dans le coin madame ? demanda poliment Svania.
Elle s'arrêta brusque, puis éclata d'un rire strident qui laissa apparaitre la mauvaise condition de sa bouche. Son haleine était puante, ces dents d'un jaune orangé accentué comportaient des taches noires entre les fentes. Deux de ces incisives étaient fraichement arrachées. La gencive était rouge vive et la salive en bordure de sa langue était d'un glas de sang. Son rire persistant frôlait la démence et Irghiv prit du recul avec un air de rejet. Elle se tut brusque. Puis les regardant tour à tour sous un sourire malicieux. Elle dit d'une voix mécanique.
- Ils sont partis, ils ont tous pris le couloir humanitaire des Rrrrusses !
- Avez-vous vu cette dame ? demanda Svania, tirant l'unique photo qui lui restait de sa
mère replier dans sa poche arrière.
Son interlocutrice ne fit guère attention et poursuivit son chemin en tirant sa trottinette.
- Nous devrions nous rendre à Lviv, j'ai des amis là-bas qui pourront nous aider. Proposa Irghiv, constatant la désolation dans les yeux de Svania tout en regardant cette dérangée s'éloigner. Elle était dépossédée, de l'eau remplissait le bassin de ces grands yeux, son visage se crispa.
- Tu as entendu ce qu'elle a dit, nous devons prendre le couloir humanitaire. Les mains dans les poches arrières essayant de cacher son stress.
- Tu crois cette vielle folle ? dit Irghiv, regardant Svania d'un air surpris et tendant la Main droite dans la direction prise par la dame. Il gesticula un instant sur place, puis tournoya sur lui-même en contemplant les immeubles aux alentours. La réflexion était claire, la ville était en ruine, les bâtiments calcinés et quoi qu'il dise, cette jeune fille têtue ne renoncerait à la traversée pour retrouver ses parents.
- Bon d'accord dit-il à Svania qui le regardait le visage pâle et sans émotions.
Ils traversèrent ainsi les rues dangereuses de Marioupol, quémandant des indications aux rares habitants qui osaient aussi fréquenter ces recoins. Afin de rejoindre le dernier autobus restant. Le cessez-le-feu était censé se terminer à 6 heures du matin mais dès minuit le feu repris à nouveau, on ne sait qu'elle camp avait initié l'affrontement. Le convoi dans une zone sous contrôle russe, dû partir à la hâte, le bus à peine rempli...