L'innocence aux enfers

Toute histoire commence un jour, quelque part. Tout cauchemar commence sans avertissement.
- Mademoiselle, voulez-vous acheter un parfum ?
- Non, merci, répondit Danielle au marchand.
« C’est bizarre, pensa Danielle, un marchand de parfum, au rayon des viandes ». Danielle se sentit brusquement bousculée. Inspirant une odeur piquante et suffocante, elle perdit connaissance. Le faux marchand la rattrapa dans sa chute, sans même se soucier des regards, l’enveloppa dans une couverture et disparu avec son douteux paquet dans la foule dans du marché de la Croix des Bossales, et les activités continuaient comme s’il n’existait pas.

Danielle se réveilla avec une sourde migraine. Les yeux à peines ouverts, elle tomba nez à nez avec Patrick. Ne croyant pas ses yeux, elle les cligna à plusieurs reprises, tout en essayant de bouger. Elle était ligotée, dans un endroit inconnu, mais, avec un ravisseur connu. Elle ne souffla mot tandis que les derniers moments de sa vie défilaient dans sa tête.

Danielle était une fille très intelligente, mais cela ne l’empêchait pas de participer aux groupes de travaux interscolaires ; une manière d’aider à son niveau, les autres jeunes de sa classe. Ainsi, elle rencontra Nicolas, un passionné des mathématiques mais, incapable de comprendre la chimie. Et les travaux en groupe se sont transformés en mentorat individuel puis en romance. Issus de milieu différents, ils firent en sorte de garder leur relation secrète, car, Nicolas était orphelin, vivant grâce au soutien de quelques membres de sa famille vivant à l’étranger, tandis qu’elle était d’une famille aisée, et influente dans la société.
Danielle préparait la rentrée des classes quand elle se rendit compte que ses règles tardaient à venir. Agée de 17 ans, s’apprêtant à entrer en classe terminale, son corps commença à se transformer a vue d’œil. Ce qui n’échappa pas à ses parents qui, n’acceptant pas le père de l’enfant, refusèrent de les soutenir et mirent leur fille a la porte.
Nicolas la prit en charge, mais, ils avaient le même âge, et étaient dans la même classe. Il prit les frais scolaire pour s’occuper d’elle et investit une partie de cet argent dans une microentreprise de vente de glace et de boissons gazeuses.
Les membres de la famille de Nicolas, apprenant ce qui s’était passé; les nouvelles vont vite en Haiti, lui coupèrent les vivres. Car, selon eux, s’il peut mettre une femme enceinte, il est assez mature et responsable pour s’en occuper tout seul.
Malheureusement, Danielle perdit le bébé. Et leurs économies fondirent comme neige au soleil pour faire face aux frais d’hôpitaux.
Les mois se succédaient et se ressemblaient tous: ponctués de problèmes économiques. Nicolas prit alors la décision de l’envoyer rejoindre une cousine à Port-au-Prince, afin que lui puisse partir pour le Chili avec leurs maigres fonds.
Elle était à Port-au-Prince depuis un mois, mais, n’avait toujours pas de nouvelles de lui. Mais, c'est très drôle, pensa-t-elle au lieu de se soucier d’elle-même, attaché et bâillonnée, elle pensait à lui.
Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Pourquoi était-elle ligotée dans ce lieu lugubre et nauséabond ? Pourquoi était-elle avec Patrick, l’un des passeurs qui devait emmener Nicolas au Chili ?

Nicolas de son côté n’avait pas osé dire toute la vérité a Danielle. Dieunel, le passeur lui avait lancé un ultimatum. Pour traverser avec lui, soit il ne payait pas et lui cédait sa femme, soit il lui donnait une partie et s’engageait à travailler avec lui pour payer sa dette afin de voyager. Nicolas avec accepter la seconde option et par mesure de sécurité, il avait laissé Danielle à Port-au-Prince au lieu de la laisser dans la maison de bidonville qu’il partageait avec des cousins.
Debout dans une embarcation de fortune, avec pour nom « La douceur », il lâcha les filets dans l’eau de mer. Dieunel était avec lui, ils avaient dû laisser les cotes de Fort-Liberté pour aller pêcher dans les eaux de la république voisine, car, les prises se faisaient rares. Dieunel lui, paressait au soleil, lui laissant tout le travail, alors qu’il était inexpérimenté. La seule condition pour eux de regagner la terre ferme était d’attraper suffisamment de poissons.
Cela faisait près d’un mois qu’il travaillait avec Dieunel, étant totalement à sa merci, Nicolas mangeait a peine mieux que les prisonniers oubliés du pénitencier national, et c’était leur troisième jour en pleine mer. Soudain, il surprit un mouvement de Dieunel, qu’il esquiva. Ce dernier avait une arme blanche qu’il esquiva de nouveau ce qui renversa leur embarcation. Nicolas brassait l’eau de toutes ses forces, sans un regard en arrière, il ne savait pas nager. La mer était calme ce qui lui permit d’avancer rapidement, et de se battre pour sa vie, pour lui et pour l’amour de sa vie, Danielle.
Il était près de la terre ferme quand il vit un homme sur une motomarine à selle. Il appela au secours, tout en priant dans son cœur. Son sauveteur, arrivé à sa portée lui tendit la main et l’aida à s’installer en selle.
Une fois sur la terre ferme, l’homme lui posa beaucoup de question en espagnol qu’il ne pouvait comprendre. Les seuls mots qu’il put répondre c’était « Haiti » et « Haitiano (haïtien) ». Le dominicain lui donna des vêtements de rechange et le ramena à la frontière.
Il remercia tant bien que mal son sauveteur et prit la route à pied vers la frontière. C’était un vendredi, il pu passer la frontière sans problèmes. Heureusement qu’il avait eu la sagesse de mettre ses papiers et son argent dans du plastique et les avait gardé sur lui. Il prit le premier bus qui partait pour le Cap-Haitien.
De retour au Cap-Haitien, il revient dans son quartier. Il vit un menuisier du nom de « Sois-Faite », il le salua, comme d’habitude. Celui-ci réagit comme s’il avait vu un fantôme en voulant prendre ses jambes à son cou. Nicolas tenta de le rassurer et il reprit confiance, et expliqua son comportement :
«  Mon ami, je suis désolé, si j’ai eu cette réaction. Ton cousin Alain disait à qui veut l’entendre qu’il s’est débarrassé de toi et qu’il a donné ta petite amie. Il a ajouté que ta petite amie est avec Patrick qui pourra faire ce que bon lui semble avec elle. Si tu veux, je peux t’aider à la retrouver. Ne va surtout pas chez toi. Si tu veux, je peux t’amener à Port-au-Prince ce soir. Rentre te cacher dans ma boutique. Je sais que tu ne mérites pas ce qui t’arrive, tu es un jeune homme aimable et serviable, pas comme les enfants prétentieux et arrogants de ta génération. Tu as toujours été là pour me rendre service, c’est à moi aujourd’hui de te rendre la pareille. »
Nicolas se cacha dans la boutique du menuisier, qui lui donna à manger et à boire. Celui-ci s’étant informé, porta à la connaissance de Nicolas les informations concernant la cachette de Patrick.
A la nuit tombée, ils prirent la direction de Port-au-Prince. Arrivé à destination vers une heure du matin, ils se rendirent a l’entrepôt ou selon les informations recueillis servait pour la détention de Danielle.
Nicolas frappa trois coups à la porte, et baissa la tête comme si les os de son cou ne pouvaient plus la soutenir. Patrick ouvrit la porte, montrant son imposante poitrine. Nicolas ne dit rien et resta debout, tête baissée devant la porte. Patrick, pensant qu’il avait affaire à un revenant, car, le plan avait toujours été de faire périr Nicolas, s’enfuit en hurlant sans demander son reste en laissant la porte grande ouverte.
Nicolas, tête baissée, car selon la légende locale, un revenant ne pouvait lever la tête, entra dans l’entrepôt, et chercha Danielle qu’il libera et sortit avec elle.
Danielle, Nicolas et le « Sois-Faite » le menuisier reprirent la route pour le Cap-Haitien. De retour au Cap-Haitien, le bouche-à-oreille avait déjà rapporté ce qui s’était passé à Port-au-Prince, et cela avait semé la panique auprès de ses cousins qui ayant pris tout ce qu’ils pouvaient avaient laissé la maison.
Un fois seuls, Nicolas demanda pardon à Danielle pour avoir mis sa vie en danger. Cette dernière le rassura que rien ne lui était arrivé, Patrick attendait les ordres de Dieunel, des ordres qui ne sont jamais arrivés.
Apprenant la mort de Nicolas, les parents de Danielle s’étaient lancés à sa recherche. Leur surprise fut grande quand une fois arrivé ils virent celui qu’ils croyaient décédé. Ils supplièrent toute fois leur fille de revenir chez eux en lui promettant de faire comme si rien de s’était passé. Mais, Danielle se rappelant de tous les récents évènements mais, rancunière, elle refusa de les suivre. Têtue, elle croyait dur comme fer, qu’en la jetant a la rue, ses parents avaient atteint le point de non-retour.
Ses parents résignés acceptèrent sa décision mais discutèrent avec eux sur la possibilité de les aider financièrement pour leurs études et leurs besoins quotidiens. Nicolas accepta, non sans peine, tout en promettant d’épouser leur fille dès qu’ils auraient atteint l’âge nubile.