L'Homme et le Désespoir

Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. Me soumettre à vous ? Je ne serai point un pion contrôlé par un être aussi exécrable tel que vous. Abandonner ? Êtes-vous en train de m'insulter ? Dans ce monde, je suis seul maître de mon sort. Alors très cher monsieur, je vous ordonne de quitter définitivement ma pensée.
Ancien professeur de littérature malgache, l'homme vécut déjà assez longtemps dans la vertu morale. La valeur des mots, la sagesse qui en découle, il s'y connaissait très bien et fut devenu aussi vite un bien et bon mentor aux yeux de tous. On disait constamment « c'est un homme fort en thème ». Pourtant, après les évènements successivement fâcheux, il a eu comme un déclic et son équilibre mental se laissent à demander : les tourments qui pèsent sur lui sont-ils si lourds ? Arrivera-t-il à supporter toutes ces rafales de mésaventure ? Quels conseils donnera-t-il à lui-même ? Eh bien, comme toujours il se montra à la hauteur du grand homme qu'il était et offrit au monde le plus beau des réponses, enfin se persuada-t-il « Tout va aller pour le mieux, je vais supporter tout ça ».
Toutefois, au fil du temps, la douleur devenait insupportable de sorte que ses belles paroles venaient à l'encontre de ses actes. Entre parler dans le vide, s'exprimer par des propos quasi incompréhensibles, il n'eut guère malgré lui le choix de consulter hebdomadairement une psychothérapeute.
Ainsi donc, les éloges durant sa carrière de professeur sétouffèrent et plus vite il devint simplement le fou.

En face de lui, sa psychothérapeute était disposée à donner toute son attention durant cette phase de déclic. Il en était à la troisième séance. Et aussi bizarre que fût la situation, car autrefois il était lhomme de conseil, le porteur daide et malgré une certaine honte, lhomme se sentit à laise, il sexprima, et mit à nu le chagrin quil voulait tant cacher. Cette troisième fois l'ébranla alors plus que le premier ou le deuxième jour puisquil reconnaissait enfin que maintenant il était celui qui avait le plus besoin d'aide.
 Alors comment sentez-vous depuis notre dernière séance ? Dis la psychothérapeute d'une voix apaisante.
— Je me sens en forme. Répondit-il. Et grâce à vous, docteur. Vous avez eu raison quand vous me disiez de ne pas mentir à soi-même. Acceptez la souffrance qui nous pèse et en faire une force pour se relever.
— OK, c'est bien. D'autres choses qui expliquent cette illumination positive ?
— Et bien voyez-vous, il y a peu je vous ai raconté à propos de ce vieil homme qui me rendait souvent visite.
— Celui que vous disiez vous harceler constamment. Comment l'appelez-vous déjà... hum... Monsieur Désespoir ?
— Oui oui lui-même et bien sachez que j'ai réussi à le chasser ! Exclama l'homme jovialement. Il essayait toujours à me dominer, me forcer à me soumettre et il croyait que j'allais m'abandonner à lui... mais non... J'étais plus résistant.
— Mes félicitations Monsieur, vous avez adopté le meilleur comportement. Il faut que vous continuiez dans cette voie.
Le désespoir qui lui apparait sous forme d'un vieil homme tout cabossé c'était tout manifestement la preuve qu'il était arrivé à une aussi triste fin. Néanmoins, les yeux pleins de vie, l'ancien professeur avait envie de se débarrasser de cette illusion qui le hantait chaque nuit et reprendre sa vie en main.
Passa le temps, il revient sur pied. Debout devant l'amphithéâtre comme le bon vieux temps, il regarda tous ces yeux rivés sur lui, tous excité de connaitre la suite de son histoire. La question qui se répétait souvent était : comment ? Alors voici ce que l'homme dit :
« Il y aura ce moment où on a tendance à cacher nos émotions et souvent on se dit tout va bien ou ça va aller alors qu'on se sent brisé jusqu'aux os. Mais au fil de temps, la souffrance devient si lourde à porter et on ne sait plus comment s'en décharger. Et toctoc qui selon vous cette personne qui frappe à votre porte ? J'appelle cette personne Monsieur le Désespoir. Il fait mal, il fait peur, il harcèle jusqu'à vous rendre même un fou. Il est tout simplement cruel. Cependant, il est facile de le chasser. Ne le laissez pas vous engloutir, il faut savoir surmonter les souffrances, trouver le courage de chercher le bonheur et passer un pas en avant. Car je vous dis, il n'est pas nécessaire de se jeter dans le désespoir. »