Le psy entre deux chaises

Tout ce qu'il y a d'important à savoir c'est que j'aime l'Auvergne, le Tripou et les cookies.

Toute histoire commence un jour, quelque part. Ici, Montréal. Un couple, la trentaine. L'un s'est inscrit chez un psy en mars 2015. En Mai 2016, sa conjointe, alors âgée de 32 ans, perd sa grande soeur. Sa mère lui conseille d'aller voir un psy. Son conjoint ne semble pas s'opposer au fait qu'elle aille voir le même psy que lui. En fait, il lui conseille. Les semaines et les mois passent, elle n'arrive pas à se décider, trouve étrange d'avoir le même psy que son conjoint.
Fin juillet 2016, alors que son conjoint est en congés, elle contacte le psy. Celui-ci accepte avec grand plaisir la thérapie. En juillet, il n'a plus grand monde, tous ses patients sont en vacances et il a du temps.
La semaine du 24 au 31 juillet, les sessions se feront quotidiennes et de plus en plus longues et intenses. D'abord une heure, puis deux jusqu'à aboutir sur des séances de 4h sur les 2 derniers soirs.
Le 1er août commence sa période de congés. Elle rejoint alors son petit ami dans le pays ou il butine déjà, un verre de pina colada et un polar dans les mains.
Le 1er septembre, ils devaient rentrer tous deux au travail. Elle a toujours eu le même travail. Lui a un nouveau travail depuis maintenant 5 ans. Suite à un grave accident qui a changé sa vie, il a du démissionner de son travail, pour en trouver un autre au bout de quelques mois. Ce ne fut pas très difficile, tout son entourage a eu pitié de lui, même les gens qu'il ne connaissait pas. Sa conjointe est restée. Depuis tout ce temps, elle est restéee.
Le matin du premier sptembre, donc, le conjoint passe dans un magasin du chaîne de produits informatiques. Il récupère une pièce qu'il a réservée sur leur site internet pendant le mois d'août. Puis il enfourne son sac et se dirige vers son lieu de travail. Le soir arrivé, il se rend à sa séance de psy. En plein milieu de celle-ci, et alors que son psy est gentiment allé lui faire un café, il dépose la minuscule pièce récupérée le matin même dans une figurine de la table basse. Complexe, celle-ci permet de cacher le petit micro. Il s'agit d'une figurine de boxeur créée à partir de gros fils de fer, qui se balance sous une sorte de poteau en métal gris.
Lorsque le psy revient, le conjoint continue la séance comme si de rien n'était. Puis elle se termine, le psy le remercie et lui dit de revenir la semaine prochaine, après avoir bien réfléchi à la séance de cette semaine.
Il sort dans le vestibule récupérer son manteau, lorsqu'il croise sa conjointe, qui entre pour sa séance.
Il se donne d'abord un air supris. Je croyais que toi, c'était le mercredi ?
Oui M.X a décidé d'avancer ma séance au lundi, tout en gardant celle du mercredi.
Ah, d'accord. Cela fait tout à fait sens.
La séance se déroula à merveille. La conjointe débita tout ce qu'elle avait sur le coeur. La séance dura près de 2 heures. Les longues séances de juillet étaient désormais révolues, et la conjointe et le psy devaient reprendre un rythme normal, contraints par la rentrée.
Le mercredi, la conjointe se rendi chez le psy pour sa séance du mercredi. Et le mardi aussi. et le jeudi aussi. et le vendcredi aussi. Le week-end, elle proposa au conjoint d'aller voir un spectacle sur la psychanalyse.
Le lundi, lors de sa séance, le psy ne lui propose pas de café. Le conjoint demande à en avoir un. Lorsque le psy est éloigné, le conjoint plonge la main dans les entrelacements du boxeur de fer. Le micro n'est plus là.
Le psy revient et lui tend le café. La séance se déroule normalement, le conjoint discute et le psy acquiesce. A la fin de la séance, le conjoint demande un chocolat car il se sent mal, un peu de sucre ne serait pas de refus. Pendant que le psy est dans la cuisine, il replonge la main dans le corps du boxeur. Il fouille davantage, cherche les recoins salis du vieux personnages, et finit par tomber sur une petite piéce en plastique. Hourra !
Il sort par la double-porte et se sent ragaillardi. Arrivé chez lui, il croise sa conjointe qui part pour sa séance de psy. Il referme la porte et dépose ses affaires. Il prend un mug dans les placards, du chocolat en poudre et du lait. Le tout mélangé, il le dépose au milieu du micro-ondes. Le micro trône sur la table-basse de son salon.
Il ressort le mug, vient s'asseoir sur le canapé bas qui fait face à la petite table de verre transparent. Il appuie sur le bouton "play". La voix de la conjointe se fait entendre.
Elle dit ce qu'elle a fait de la journée. La collègue l'a mal regardée ce matin, elle ne lui a même pas dit bonjour. Au début elle s'en fichait, mais ensuite ça a commencé à poser problème. Dés qu'elle avait besoin d'elle pour exécuter des tâches, cette dernière faisait la sourde oreille, ou refusait carréement de l'aider. Ca doit être parce que je ne l'ai pas invitée à ma soirée de début d'été en juin dernier. Et puis il y a cette autre qui est gentille mais qui ne prend pas parti. On ne sait jamais ce qu'elle pense, c'est énervant.
Toute la cassette audio est consacrée à ses collègues sur la soirée de lundi. Sur celle de mardi, on passe sur son patron. Sur celle de mercredi, elle parle de son conjoint. Sur celle de jeudi, elle parle enfin de sa soeur. A la fin, elle demande ce que c'est, cette bizarre statuette, avec des fils de fer qui pendent de partout. Le conjoint a un haut-le-coeur.
C'est une création d'Alexander Calder, répond le psy. Un artiste-sculteur américain qui marqua l'art du début du XXème siècle en introduisant du mouvement dans les oeuvres jusqu'ici statiques. Elle reprend ses chants, plus nuancés, moins irrités.
Sur celle de vendredi, elle chante. A la fin, elle hurle. Le psy ne lui demande pas pourquoi. Il la laisse hurler. Il ne parle pas. Il lui demande si elle veut du café. Elle ne répond pas. Elle continue à hurler.
Le soir, la conjointe rentra. Le conjoint fit comme si de rien n'était.

Le lendemain matin, le conjoint se rendit au boulot, sur le boulevard Saint Laurent. Il s'arrêta en bas de l'immeuble, au numéro 7261. Il badga, rangea son vélo sur le bas-côté et referma vite la porte derrière lui, pour ne pas laisser entrer le froid. On était en septembre mais il faisait déjà 5 degrés. Sur la grande pancarte de l'entrée, on pouvait lire "Association Montréalaise pour l'Insertion Professionnelle des Muets depuis 1920".