Tu es dureté
D'un soleil brûlant qui darde ses rayons
Du pierrier ingrat qui résiste à la houe
De ce regard de haine
... [+]
Attiré par le lointain kaléidoscope, il entra dans la forêt et se laissa guidé par le miroitement des couleurs dans le dédale des troncs verticaux. A intervalles réguliers de subtiles effluves aiguillonnaient ses sens en éveil. Soudain les fûts firent place au vide. Au cœur de l'espace libéré trônait une créature statique et solitaire. Désorienté, il suspendit son vol prêt à tourner casaque quand un rai de lumière frappa la créature en plein dos, faisant jaillir de ses reins un incessant et chatoyant cortège floral.
Affamé par sa longue course, il vibrionna autour des corolles vives. Mais à peine effleurait-il un seul de leurs pétales que les fleurs se sauvaient, l'entraînant dans leur sillage, jusqu'à ce qu'il atteigne la gerbe colorée qu'une main tenait serré comme si elle craignait de la voir disparaître à tout instant. Aimanté par le parfum de son nectar favori, il s'aventura sur cette étrange canopée à la recherche de sa fleur préférée. Quand enfin il l'eut repérée et s'apprêtait à en aspirer le suc un vent imprévu se leva et l'enleva.
Au soleil déclinant, l'homme arriva dans la clairière. Il s'approcha de la statue assise en lotus, sortit sa tablette et se mit à pianoter. Aussitôt l'intérieur s'éclaira. Les 6 compartiments qui occupaient le plateau capitonné installé à hauteur de sa taille étaient tous occupés. Pianotant à nouveau, il fit monter le plancher de la cage d'extraction située dans la fesse gauche, le plaça juste sous le compartiment numéro 1 tandis que le plancher de ce dernier se rétractait progressivement. Le papillon changea de support et sans heurt fut descendu. L'instant suivant, une portion de la fesse gauche s'ouvrit vers l'extérieur. A l'aide d'un pince araignée, l'homme, plus connu sous le nom d'Attrapeur, saisit délicatement le papillon par la face inférieure de son abdomen et le transvasa dans le coffret d'expédition. Méticuleusement il renouvela l'opération jusqu'à ce qu'il eut récupéré les 6 papillons.
Son Appelante avait une capacité maximale de 6 papillons. L'iris de son œil gauche contenait l'entière classification des papillons, la pupille de son œil droit recensait toutes les particularités du moindre individu qui batifolait dans son champ de vision, de sorte que l'identification était quasi immédiate. Si un papillon identique à une précédente capture se présentait, ballet et bouquet floral s'évaporaient. L'Appelante diffusait alors une fragrance répulsive pour éloigner l'indésirable. En cas de doublon accidentel ou de sujet inintéressant, l' Attrapeur pouvait à distance expulser l'intrus pour faire de la place.
Ses trésors en sûreté dans son sac, l'Attrapeur actionna la caméra logée dans le creux de l'épaule droite de son Appelante afin de vérifier le dispositif de capture. De sa poche il extirpa un papillon artificiel et l'approcha de lèvres de la statue. En à peine une fraction de secondes la bouche béa, engloutit le leurre qui fut propulsé dans une chambre noire aménagée dans l'épaule gauche où un gaz anesthésiant paralysait les proies. Lorsqu'il fut totalement immobile, le plancher s'effaça. Porté par une souple colonne d'air il fut acheminé dans un des compartiments de l'étage inférieur où il se posa délicatement. Satisfait, l'homme reprit son faux papillon puis procéda au nettoyage du dispositif grâce à un aspirateur miniature chargé de recueillir la moindre poussière d'écaille.
Depuis qu'il travaillait avec l'Appelante, une invention toute personnelle, il s'était fait une solide réputation. Ses papillons étaient très recherchés et valaient de l'or sur le marché très confidentiel des lépidoptères en voie d'extinction, traqués moins pour leur beauté que pour leur intérêt génétique. Il sourit en pensant aux magnifiques spécimens qu'il avait collectés et à ce qu'ils allaient lui rapporté.
La nuit n'allait plus tarder. L'homme prit le chemin du retour, non sans avoir, comme chaque fois sacrifié à son rituel. Il ne pouvait quitté l'Appelante sans prendre dans sa main ce pied aux orteils offerts, objet de tant de souvenirs heureux. A l'orée de la clairière, il s'arrêta et contempla l'Appelante dans le crépuscule naissant. Le sculpteur avait fait merveille. La ressemblance avec la femme aimée jadis était saisissante. Hormis, peut-être, ce pli amer de la bouche qui ne se révélait que de profil. Lorsqu'il s'en était aperçu, le piège intérieur était déjà en place. Impossible de revenir en arrière. Les jours passant, sa fortune grossissant, il lui semblait que ce trait s'accentuait, se durcissait en un reproche de plus en plus accusateur et oppressant.
Affamé par sa longue course, il vibrionna autour des corolles vives. Mais à peine effleurait-il un seul de leurs pétales que les fleurs se sauvaient, l'entraînant dans leur sillage, jusqu'à ce qu'il atteigne la gerbe colorée qu'une main tenait serré comme si elle craignait de la voir disparaître à tout instant. Aimanté par le parfum de son nectar favori, il s'aventura sur cette étrange canopée à la recherche de sa fleur préférée. Quand enfin il l'eut repérée et s'apprêtait à en aspirer le suc un vent imprévu se leva et l'enleva.
Au soleil déclinant, l'homme arriva dans la clairière. Il s'approcha de la statue assise en lotus, sortit sa tablette et se mit à pianoter. Aussitôt l'intérieur s'éclaira. Les 6 compartiments qui occupaient le plateau capitonné installé à hauteur de sa taille étaient tous occupés. Pianotant à nouveau, il fit monter le plancher de la cage d'extraction située dans la fesse gauche, le plaça juste sous le compartiment numéro 1 tandis que le plancher de ce dernier se rétractait progressivement. Le papillon changea de support et sans heurt fut descendu. L'instant suivant, une portion de la fesse gauche s'ouvrit vers l'extérieur. A l'aide d'un pince araignée, l'homme, plus connu sous le nom d'Attrapeur, saisit délicatement le papillon par la face inférieure de son abdomen et le transvasa dans le coffret d'expédition. Méticuleusement il renouvela l'opération jusqu'à ce qu'il eut récupéré les 6 papillons.
Son Appelante avait une capacité maximale de 6 papillons. L'iris de son œil gauche contenait l'entière classification des papillons, la pupille de son œil droit recensait toutes les particularités du moindre individu qui batifolait dans son champ de vision, de sorte que l'identification était quasi immédiate. Si un papillon identique à une précédente capture se présentait, ballet et bouquet floral s'évaporaient. L'Appelante diffusait alors une fragrance répulsive pour éloigner l'indésirable. En cas de doublon accidentel ou de sujet inintéressant, l' Attrapeur pouvait à distance expulser l'intrus pour faire de la place.
Ses trésors en sûreté dans son sac, l'Attrapeur actionna la caméra logée dans le creux de l'épaule droite de son Appelante afin de vérifier le dispositif de capture. De sa poche il extirpa un papillon artificiel et l'approcha de lèvres de la statue. En à peine une fraction de secondes la bouche béa, engloutit le leurre qui fut propulsé dans une chambre noire aménagée dans l'épaule gauche où un gaz anesthésiant paralysait les proies. Lorsqu'il fut totalement immobile, le plancher s'effaça. Porté par une souple colonne d'air il fut acheminé dans un des compartiments de l'étage inférieur où il se posa délicatement. Satisfait, l'homme reprit son faux papillon puis procéda au nettoyage du dispositif grâce à un aspirateur miniature chargé de recueillir la moindre poussière d'écaille.
Depuis qu'il travaillait avec l'Appelante, une invention toute personnelle, il s'était fait une solide réputation. Ses papillons étaient très recherchés et valaient de l'or sur le marché très confidentiel des lépidoptères en voie d'extinction, traqués moins pour leur beauté que pour leur intérêt génétique. Il sourit en pensant aux magnifiques spécimens qu'il avait collectés et à ce qu'ils allaient lui rapporté.
La nuit n'allait plus tarder. L'homme prit le chemin du retour, non sans avoir, comme chaque fois sacrifié à son rituel. Il ne pouvait quitté l'Appelante sans prendre dans sa main ce pied aux orteils offerts, objet de tant de souvenirs heureux. A l'orée de la clairière, il s'arrêta et contempla l'Appelante dans le crépuscule naissant. Le sculpteur avait fait merveille. La ressemblance avec la femme aimée jadis était saisissante. Hormis, peut-être, ce pli amer de la bouche qui ne se révélait que de profil. Lorsqu'il s'en était aperçu, le piège intérieur était déjà en place. Impossible de revenir en arrière. Les jours passant, sa fortune grossissant, il lui semblait que ce trait s'accentuait, se durcissait en un reproche de plus en plus accusateur et oppressant.