La destinée de Bigué

Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle ci est l'histoire d'une jeune fille sénégalaise du nom de BIGUE Diogoye Diouf.
Tout a commencé un soir, quand le père Diogoye Diouf un vieux sage d'un village loin très loin dans la petite côte sénégalaise, convoqua sa fille unique Bigué dans la pénombre de la grande cour familiale. La jeune fille avertie par sa mère alla répondre à l'appel du vieux. Arrivée devant ce dernier, Bigué s'agenouilla et baissa la tête, s'attendant sûrement à être sermonné car ayant l'habitude. Elle se demandait ce qu'elle avait fait cette fois ci. Les moutons n'avaient_ils pas d'eau ou avait elle oublié de balayer l'enclos? Un vieux ne la trouvait _ elle pas correcte? Telles sont les questions qu'elle se posait. Mais le raclement de gorge du vieux Diogoye la ramena vite à la réalité, elle sursauta et regarda furtivement son père. Ce dernier décida enfin de prendre la parole : '' Bigué, Bigué , Bigué! Je t'ai appelée combien de fois ? ''Oui père , vous m'avez appelée trois fois. Répondit la jeune fille toujours la tête baissée signe de respect et de soumission envers lui. ''Bien'' reprit le vieux''si je t'ai appelée ce soir à cette nuit tombante loin des yeux et des oreilles indiscrètes, c'est pour t'annoncer que dès ce soir tu vas entamer une nouvelle vie loin des siennes. Oui! Je sais que tu es surprise mais tu n'es plus une petite fille. C'est pourquoi j'ai donné ta main à un ami de longue date, Diégane Faye. Et tu dois partir ce soir même.''Bigué acquiesça, certes elle connaissait bien celui qu'on lui avait donné en mariage, mais hélas elle ne pouvait qu'accepter la décision du chef de famille. Ainsi, la fille se leva et se dirigea vers sa case où elle trouva ses tantes paternelles et sa mère qui semblaient l'attendre. Elle fut préparée comme le voulait la coutume. Sa mère pria longuement pour elle tout en luttant contre ses larmes, car elle savait ce qui l'attendait. Elle avait vécu tellement d'épreuves dans son ménage qu'elle avait de la compassion pour sa fille. D'ailleurs elle était elle même contre cette union et avait surtout très peur de savoir sa fille dans un foyer polygame. Malheureusement comme toute bonne épouse sérère digne de ce nom elle ne pouvait que se soumettre à la volonté de son époux. De ce fait Bigué fut conduite au village voisin où vivaient son époux et sa grande famille. Son mari Diégane Faye est un grand et courageux cultivateur très connu dans la petite côte. Il a déjà une épouse du nom de Coumba Ndour. Arrivée dans son domicile conjugal Bigué fut accueillie par une coépouse qui a presque l'âge de sa mère et des beaux enfants plus âgés qu'elle.
Des jours passèrent et la jeune mariée s'habituait à sa nouvelle vie. Elle s'occupait de tout malgré les coups bas de sa coépouse, l'impolitesse de ses beaux enfants et la sévérité de son époux.
Des années ont écoulé, la vie de Bigué Diogoye était la même ou du moins était devenue pire, car, depuis sa nuit de noce pas l'ombre d'un seul enfant. Ce qui lui valait l'appellation''ventre vide''.Et là elle était à bout, entre les moqueries de Coumba Ndour, le regard déçu de son mari et la pitié qu'elle lisait sur le visage des voisins, Bigué se sentait mal et inutile.
Un beau jour de très bonne heure,p comme à son habitude la jeune femme se dirigea vers la grande forêt chercher du bois mort, pour la préparation du déjeuner familial. Arrivée à destination, elle s'affaira à ramasser le bois, ayant fini elle s'apprêtait à rentrer quand une vieille dame attira son attention. Celle ci s'était recroquevillée sur elle même et grellotait de froid. Bigué s'approcha lentement d'elle,et l'enveloppa avec l'unique voile qu'elle avait sur elle. Puis l'aida à se relever. La vieille touchée par la gentillesse de la jeune femme lui demanda de faire ses vœux les plus chers. Cependant la jeune fille fut surprise quand la vieille toucha son ventre avec un large sourire .'' Vas y Dioufa gnokhobaye Samba, Bigué Diogoye Diouf, vas y sans poser de question tu auras toutes tes réponses quand ton fils Mama Guédj roi de l'eau et protecteur de la côte verra le jour''. Surprise, effrayée confuse et contente Bigué rentra préparer le repas.
Deux mois plutard, la vieille Rabi une sage et mystérieuse dame du village constata sa grossesse. Elle fut heureuse mais en même temps elle avait peur, car elle se rappelait toujours de ce matin là de cette vieille dame,de sa main sur son ventre, de sa voix.
Un soir d'une éclipse de lune,dans le noir d'une chambre naquit un mignon petit garçon,le fils de Diégane Faye et de Bigué Diogoye Diouf. Un enfant pas comme les autres, celui-ci est trop clair de peau et ne cessait de regarder partout.
Il fut appelé comme par hasard Guédj Fara Faye. Sa mère perdue dans ses pensées ne vit même pas mère Rabi, qui sans quitter le nouveau né des yeux lui dit:'' Bigué il est temps d'amener l'enfant dans le bois, sa source, il est temps que tu connaisses qui as tu véritablement donné la vie.'' Là elle comprit, se leva lentement et envellopa l'enfant dans un gros pagne. Elle marcha jusque dans la forêt et s'arrêta, elle vit alors des lumières sortir de nulle part et se diriger vers elle. Et tout à coup la vieille de l'autre fois apparaît vêtue tout en blanc. Elle lui prit l'enfant et le lava trois fois dans le bras de mer en récitant des paroles incompréhensibles. Après leur rituel elle ordonna à la mère de le ramener la veille de sa circonsion et le jour de son mariage. Car seuls ces bains peuvent le protéger des mauvais esprits qui l'avaient pris en otage avant sa naissance. Bigué acquiesça et retourna se coucher.
Le petit Guédj grandissait et devenait de plus en plus beau. Allant de sa peau claire à la couleur de ses yeux, la beauté du petit était inégalée dans ce petit village.
Un matin, de très bonne heure, père Diégane Faye se faufila dans la case du deuxième garçon de sa fratérie. Il s'arrêta devant son corps endormi, l'observa longuement se rappelant de sa naissance ,de la naissance de son petit garçon! Guédj Fara ayant sûrement senti ce regard appuyé, posé sur lui sursauta et remarqua avec surprise la silhouette de son géniteur qui lui ordonna alors de le suivre. Ainsi ils quittèrent ensemble leur demeure et se dirigèrent vers la grande place du village. Sur place Guédj Fara constata la présence de tous les vieux sages et les garçons de son âge. D'ailleurs comme s'il n'attendait que père et fils Faye, le vieux Salmone Faye grand sage et chef du troupe des anciens du village,commença son mystérieux discours: ''mes enfants nous voilà enfin au grand jour, le jour tant attendu par tout homme est arrivé. Je ne vais pas'' casser l'os'' mais sachez juste que l'honneur et la réputation de votre nom de famille reposent désormais sur vous. Et que notre village n'a jamais connu de honte, nous avons toujours été parmi les plus courageux et les plus respectés de toute la petite côte. Allez y braves gens, que vos ancêtres Diambogn Fara Faye et Maïssa Waly Fara veillent sur vous''.
Ainsi dit tous les garçons se levèrent car ils avaient compris. Oui ils savaient maintenant ce qui les attendait, puisqu'ils s'y attendaient depuis qu'ils avaient compté leur quatorze hivernages. Ils se dirigèrent tous vers la grande forêt accompagnés de vieux.
Cependant père Diégane regardait son fils comme si c'était la première fois qu'il le voyait, il ressentait un sentiment étrange et inexplicable.
Quant au jeune Guédj Fara, croisant le regard appuyé de son père pour la énième fois ce matin là feignit un sourire avant de se tourner vers le convoi.
Une fois dans le bois, ils y trouvèrent des jeunes de villages voisins, avec qui ,ils doivent partager leur séjour. L'heure avait sonné, ils étaient tous là dans cette forêt pour l'ultime épreuve "la case de l'homme''.
Les jours passaient et les garçons s'habituaient à leur nouvelle vie, à leurs nouveaux entourages, ils vivaient dans l'harmonie,la dignité, le courage et la sodarité. Certes les conditions étaient difficiles allant de la circonsion à la punition quand l'un d'entre eux commettait une bétise.Eh oui ''quand tu trébuches je trébuche'' telle était la règle de l'initiation. Mais ils apprenaient à vivre dans la souffrance et dans la dignité comme le dictait la traduction.

Par contre Guédj Fara qui n'a toujours montré que courage,semblait être épuisé physiquement que moralement. N'ayant jamais versé de larmes depuis le début de l'aventure, le jeune homme ressentait une douleur jusqu'à là inconnue. Il maigrissait à vu de l'œil ce qui inquiétait beaucoup les vieux sages.
De la même manière la mère Bigué Diouf était méconnaissable car pleurant depuis l'annonce de la circonsion de son fils. Elle pensait à l'avertissement de la vieille de la forêt, et elle suppliait son mari de la laisser aller à la rencontre de son enfant dans le bois. Mais hélas ça c'était inadmissible une femme n'approchait jamais les initiés. Elle pleurait, priait et personne hormi mère Rabi ne pouvait comprendre son inquiètude.
Chaque nuit comme depuis prèsque son arrivée dans cette forêt , Guédj Fara voyait une vieille habillée en rouge dans la case où dormaient tous les jeunes circoncis. Il l'entendait crier son nom de sa voix aiguë, et la voyait souffler sur sa plaie. Son souffle était comme du poison sur sa peau. Le jeune garçon s'affaiblissait de jour en jour,il avait perdu beaucoup de poids tandis que les autres initiés commençaient déjà guérir. La peur de sa mère Bigué a augmenté quand dans ses songes elle voyait le corps inerte de son unique enfant et percevait le rire diabolique d'une vieille. C'est pourquoi un jeudi matin elle alla chez la mère Rabi qui après consultation lui fit part de la colère des esprits protecteurs du petit Guédj Fara. Et donc pour la consoler elle lui ordonna de faire des sacrifices. C'est ainsi que du sang de coqs rouges et de bœufs noirs fit couler. Mais hélas le coup était déjà parti, les mauvais esprits avaient déjà repris en otage l'âme du petit Guédj Fara, malgré la bataille des ancêtres et génies protecteurs du jeune homme. Les vieux sages ayant attendu longtemps sans amélioration concernant la plaie de Guédj Fara décidèrent de faire la dernière cérémonie des bois.Tous réunis autour d'un grand cercle, ils chantaient et dansaient sous le rythme des chants traditionnels. Quand son tour arriva, Guédj Fara entra dans le cercle et parla en ces termes''me voici moi Guédj Fara Bigué Faye,birame penda wagane, petit fils de Diambogn et de Fara, dans l'obscurité je suis né dans la lumière je m'en vais je n'ai pas vécu une éternité mais mon nom sera éternel''. Après ces mots Guédj s'immobilisa, il ne bougeait plus, il ne parlait non plus, ses beaux yeux étaient ouverts et fixaient le même endroit. Le bras de mer! Son heure avait sonné,ses anciens avaient perdu la bataille, les mauvais esprits avaient réussi, ils avaient pris le petit fils de Diambogn Fara leur éternelle rivale et conquérante.
Surpris et confus les jeunes initiés et leurs initiateurs prirent le chemin du retour. Au village ils trouvèrent tous les habitants dans la place publique. Les vieilles femmes chantaient les louanges des garçons, leur courage et leur bravoure. Chaque maman alla à la rencontre de son fils avec le plus beau et grand pagne de sa famille. Et là Bigué ne vit pas son petit, son unique fils ,son trésor, sa source de vie, elle qui avait espéré revoir son enfant le tenir dans ses bras et lui chanter ses louanges là elle avait compris. Et là des larmes ont coulé, des pleurs ont été entendu,des cris furent élevés. Ceux d'une mère qui a resté des années sans l'ombre d'un enfant, ceux d'une mère qui se sentait coupable et négligeante, ceux d'une mère qui venait de perdre sa force, ceux de Bigué Fara Diouf. Alors elle courut vers la grande forêt magrè l'appel de son mari dans ce bois, où elle avait pour la première fois senti qu'elle n'était pas une '' ventre vide'', elle vit son enfant debout comme une statuette. Elle s'approcha précipitemment et en volant le toucher la voix de mère Rabi l'arrêta'' Bigué! Veux_tu vraiment partir vers ce monde inconnu où est condamné ton fils? Ne fais pas ça ma fille, ne rends pas la tâche plus lourde à Diambogn''.
_Non je rejoins mon fils, ensemble nous allons vaincre les esprits, quelque soit le temps. Et nous vous garantirons la paix et la sécurité. Eh oui toute histoire se termine un jour quelque part, la mienne s'arrête là. Mais sera loin de l'oubli.'' Puis elle toucha le corps de son fils et s'immobilisa.Et comme s'il n'attendait que ça le corps de l'enfant s'écroula, accompagné de celui de sa génitrice. Les habitants du village sont arrivés tardivement et ils étaient tous meurtris. Sous l'ordre du père Diégane mère et fils furent inhumés sur place en face de l'eau.
Quelques jours après une belle plante qui deviendra plus tard un grand baobab, appelé par les habitants Mama Nguédj poussa sur leur tombe. C'est l'arbre protecteur de la petite côte.