Je l’aime encore

Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle-ci, débute avec une simple phrase qui ne cesse de l’obnubiler : « elle doit mourir ! elle doit mourir ! »
Il rentra tôt, vint de se faire porter pâle à la caserne. Plongé dans le tourment de cette triste nouvelle qu’il venait de découvrir, il y’a peu. Son esprit étant retenu en otage par ces pouacres idées qui ne cessent de lui trotter dans la tête. Il s’imagina entrain d’étrangler sa victime et, prit plaisir à l’écouter gémir de douleur. Il commença déjà à sentir l’odeur du sang sous son nez : « Elle ne mérite pas ma confiance, elle m’a trahi et, pour ça je dois l’envoyer en enfer.» Murmurait-il, ses yeux posés sur cette vieille photo de mariage.
Au salon, avec sa tasse de thé déposée sur la table, son arme rangée derrière le dos, Djo fit semblant de regarder sa fille, Nenina, entrain de jouer aux poupées. Avec un regard mal dissimulé, il scruta sans cesse la taille de la petite, comme s’il espérait trouver une quelconque réponse à travers elle. Ses lèvres balbutièrent, à voix basse, plusieurs fois il répéta la même chose: « Je vais fracasser le crâne de sa mère et, je vais l’enterrer dans un trou derrière la maison.»
Etait-il devenu un monstre ! Comment un homme d’une grande probité comme lui souhaiterait la mort d’une femme qu’il a tant aimée, tant protégée? Enfin, le même cœur qui vous aime aujourd’hui, c’est le même qui vous détestera demain, chaque amour a ses raisons. Malgré tous les instants de bonheur, de joie passés à coté de sa femme, Djo désirait qu’une chose : voir le cadavre de Marie gisant par terre.
Djo est tombé fou amoureux de la jeune femme le premier jour où il avait posé son regard sur elle. Marie sortait d’une église située dans un quartier reculé de la ville de Bukavu. Il la fixait sans cligner d’yeux : elle avait un doux visage, marchait telle une chatte dans une robe molle de couleur grise. Sa taille pétillait et, faisait rêver à l’amour. Timide, discrète et imprévisible qu’elle fit, Ce jour-là, ce colonel de la police militaire Congolaise est tombé sous ses charmes. Djo l’a aimé et, quelques mois plus tard il a fait d’elle sa femme.
Ả présent, elle n’est plus celle qu’il a connue dans le passé, elle a changé. Chaque fois qu’il la regarde, il sent cette envie de la tabasser, envie de cracher sur son visage...La seule personne qui l’empêche à passer en action, c’est Nenina, sa petite fille de douze ans. Enfin c’est ce qu’il pensait avant qu’il ne découvre la vérité sur l’identité de son vrai père.
Maintenant, son cœur lui condamne, lui torture. Ce qu’il s’apprête à faire lui donne des maux de tête. Dans son travail, on lui a appris à torturer les gens, à les interroger et aussi à les tuer, si cela s’avère nécessaire. Douze ans déjà que sa femme lui dupe, lui manipule, en lui faisant croire que la déesse, la jolie petite Nenina est son enfant, sa perle rare :
« Qu’est-ce que je n’ai pas fait pour cette femme ! Après l’avoir épousé, je l’ai payé le reste de ses études dans une université de la région où les frais m’ont presque coûté les yeux de la tête. À la fin de ses études, je lui ai ouvert un grand magasin situé dans le centre-ville, je lui ai fait visiter les USA, la France, le Canada...Enfin les pays de ses rêves les plus fous. J’ai tout fait pour qu’elle soit heureuse. »
« Aujourd’hui, la douleur s’amplifie petit à petit dans mon cœur et je sens que je vais faire un dégât ce soir. J’ai appris que le vrai père de Nenina veut la récupérer. Mais avant que ma petite fille adorée me soit prise, sa mère devra me quitter en première. Je suis décidé, déterminé à en finir avec elle. Cette fois-ci personne ne pourra m’en empêcher. Ả cause de cette femme, j’ai perdu le goût de la vie, j’ai perdu le sens même du mot « bonheur ». Je ne suis qu’un homme à reconstruire, l’amour m’a fait un mauvais tour. »
— Papa, pourquoi es-tu si triste ? Demanda Nenina, ses yeux plongés dans ceux de son père.
Surpris de la question, il hocha légèrement sa tête et, sans placer un mot, il observa Nenina pendant quelques minutes. « Pauvre petite fille! si seulement tu savais ce que je planifiais, tu ne m’appellerais pas ʽʽPapa’’.» intervint sa voix intérieure.
— Non, je ne suis pas triste ma chérie, je suis tout simplement dépassé par les événements de la vie. Ne t’inquiète pas, ça ira. Lui répondit-il brièvement
Elle s’approcha tout doucement de son père, déposa un doux baiser sur ses joues et puis s’assit sur ses genoux. Elle plaça son bras au tour de son cou et le questionna de nouveau: « C’est à cause de maman que tu es fâché ? » demanda-t-elle.
Honteusement il regarda sa fille et, sous le coup d’émotion, il esquiva son regard. Il n’est pas facile de mentir à une personne en la regardant droit dans les yeux, alors il inclina sa tête, chercha une réponse à donner. Impossible pour lui de dire la vérité à son enfant : on ne parle pas d’infidélité, d’un homicide qu’on s’apprête à commettre à une jeune enfant comme Nenina.
« Oui ! un peu. » Sans ajouter d’autres détailles et, d’une manière brève il répondit à sa fille.
— Est-ce que vous allez encore vous chamailler avec maman, comme l’autre fois ? reprit-elle.
Cette question lui perça le cœur, il fut surpris de voir combien son enfant se rappelait encore de cette nuit là où ses parents s’étaient disputés. Trois mois étaient déjà écroulés. Alors, il se rendit compte qu’il était fautif, pour s’excuser ; il sera fort Nenina dans ses bras, caressa ses longs cheveux noirs, déposa la tête de la jeune fille contre sa poitrine. Tout doucement il lui murmura dans les oreilles «  Je suis désolé ma chérie, ça ne risque pas de se produire.»
— Me promets-tu de ne pas faire du mal à maman lorsqu’elle rentrera de son magasin ? demanda pour la dernière fois la jeune fille.
— Je vais tout simplement discuter avec ta mère. D’ailleurs tu devrais te préparer, ce soir tu iras dormir chez ta tante Carène, elle m’a téléphoné tu sais !
Il avait tout préparé : aller déposer son enfant chez sa sœur pas très loin de chez lui, ensuite se débarrasser de la femme de ménage qui toujours finit son travail tard dans la soirée, enfin de se retrouver seuls à deux. Chaque fois qu’il pensait à ces photos de sa femme dans les bras de son supérieur, il devenait fou de rage : ses mains commençaient à trembler de colère, son pouls accélérait et, à chaque fois qu’il imaginait une autre façon d’en finir avec sa Marie, il s’étirait.
Pendant qu’il essayait de calmer ses émotions, sa femme arriva : mallette à la main, habillée d’un pantalon écru de marque Versace, T-shirt Gucci. Comme d’habitude, Elle le salua en déposant un bisou faux sur sa joue gauche et, puis elle s’assit à coté de son mari, prit son enfant dans ses bras. Rouge aux lèvres, ongles taillés, cheveux retouchés, elle fit semblant d’ignorer son monsieur. Sans arrière-pensée elle se mit à jeter un coup d’œil à son portable, ne sachant pas que son mari avait découvert la vérité sur son aventure avec son nouveau chef direct, le colonel Matata.
Comme tout autre homme en colère, Djo ne s’empêcha pas à développer des idées allusives : « elle sent le parfum d’un autre homme, surement celui du Colonel. Elle doit l’avoir vu avant qu’elle ne rentre à la maison... » Malgré ses allusions, il réussit à garder son calme. Il ne voulut pas décevoir sa fille, il l’avait promis de ne pas faire du mal à sa mère, enfin pas à cet instant là. Suite au silence prolongé de son époux, Marie se sentit coupable, les battements de son cœur s’accélèrent mais elle resta muette.


Faisant semblant de continuer à jouer, Nenina les regardais temps à autres, ses adorables parents n’arrivaient pas à communiquer. Sa mère prit son sac, s’éclipsa dans sa chambre pendant quelques minutes et, revint de nouveau au salon avec sa bible à la main. Le temps de patienter l’heure du dîner, elle feuilleta sa bible et, profita à lire quelques passages.
Ils dînèrent, moins d’une heure après Nenina rejoignit sa tante. Un peu plus tard, la bonne prit congé et rentra rejoindre ses enfants. À leur départ, Djo et Marie se retrouvèrent à deux dans une maison à trois pièces : pas des cameras de surveillance, pas de chien de Compagni, pas de chat qui miaule, bref, pas de témoin. Un calme absolu régna pendant quelques minutes, Marie toujours replongée dans sa lecture.
« Si tu lis vraiment cette Bible, peux-tu me dire de quoi parle-t-elle ? Demanda Djo.
En brisant le silence, il cherchait une faille dans leur conversation. Il espérait que sa femme lui avouerait son infidélité, comme ça il trouverait le courage de brandir son arme sur Marie.
— Et pourquoi cette question ? répondit-elle.
— Simple question de curiosité ! Répliqua le capitaine.
Marie attendit l’arrêt de moteur de la voiture de son voisin qui venait de se garer pas loin de leur maison. Elle patienta jusqu’à ce que celui qui conduisait ladite voiture arrête de klaxonner : « puisque monsieur veut savoir les passages que je viens de lire, je vais le lui dire. En ouvrant ma bible, reprit-elle, je suis tombée sur Exode 20 et mon cœur m’a dit de ne lire que les paragraphes 13-14, et la parole de Dieu dit ceci : Tu ne tueras point, tu ne commettras point d’adultère. » Ainsi dit la parole de Dieu, ajouta Marie, sans honte ni peur.
Djo voulait entrer dans le vif du sujet, comme un sourd il n’entendit que le verset 14 qui dit de ne pas commettre d’adultère. Comme si le verset 12 ne lui disait absolument rien. Il se tourna vers sa femme et, d’une voix mécontente il prit la parole: « quelle sacré coïncidence ! Tu ne commettras point d’adultère. Si vraiment la Bible nous interdit de ne pas le faire, dis-moi pourquoi m’avoir été infidèle ? »
Juste en posa cette question à la personne concernée, il sentit la montée d’adrénaline. Sans se précipiter il garda son sang-froid, il attendit la réponse de sa femme comme les chrétiens attendent la venue du Messie. Quant à Marie, elle garda son silence pendant un instant, son regard incrédule et, son souffle court.
— Arrête de me regarder comme si tu ne sais pas de quoi je parle ! reprit Djo.
— Enfin, tu es mon mari, comment veux-tu que je te regarde ? Tu délires ou quoi ? Répliqua la femme du capitaine.
Il devint de plus en plus en colère contre sa femme. Cette dernière n’arrivait pas à répondre à une aussi importante question. Son regard lui trahissait, elle se sentait coupable de quelque chose. Son mari devint impatient : « mon œil! et tu oses dire que c’est moi qui délire ? Avec toutes tes photos que j’ai vues au bureau ! »
Elle sembla contrainte, le capitaine avait vu des photos, impossible pour elle de nier la réalité.
— De quelles photos parles-tu, Djo ? Je ne comprends plus rien ! ses yeux posés dans ceux de son mari.
— Les photos du colonel Matata et toi.
— Oh ! Ces photos !? s’exclama-t-elle.
Elle sourit, comme si ça lui faisait plaisir de torturer son mari. Immédiatement, Djo sortit son arme derrière le dos et, la pointa devant ses yeux.
— Je vais te tuer, tu m’as trahi !
— Tu n’auras jamais la force d’appuyer sur la détente, ça je le sais. Reprit Marie.
D’un air méfiant, Il regarda sa femme et, puis s’approcha d’elle en toute quiétude : «  Tu te trompes, j’ai tout prévu. Je dois te tuer » reprit-il.
Mettant sa bible de côté Marie avança son visage jusqu’à la pointe de l’arme, sans froid ni peur elle pria son mari d’en finir avec qu’elle : « Vas-y, tire ! tire si tu as le courage. Tire, je te dis ! »
Les mains de Djo tremblèrent de peur : cette conviction qu’il avait, cette rage qu’il ressentait sembla n’avoir pas de force ; la présence de Marie avait tout anéanti. « Ne t’approche pas de moi, je vais tirer. » ajouta-t-il.
Sa femme laissa fuiter un petit sourire. Ses yeux pleins d’amour, elle était convaincue que son mari n’arriverait pas à tirer : « non, tu ne peux pas le faire. »
— Et pourquoi donc ? Demanda le Capitaine.
— Tu ne peux pas tirer sur la femme que tu aimes, je le vois dans tes yeux. Je sais aussi que tu n’aimerais pas que ta fille grandisse étant orpheline, n’est ce pas ?
— Je m’en moque, d’ailleurs Nenina n’est pas ma fille et tu le sais bien.
— Peu importe ce que tu penses. Qu’elle soit ta fille ou pas, elle t’aime et toi tu l’aimes, c’est tout ce qui compte chez elle.
Le capitaine rata sa mission, impossible de tirer sur sa femme : il l’aimait encore, c’est évident. Alors pour mettre fin à cette discussion, il prit l’arme, la tourna vers lui : « ne t’approche pas de moi ! J’ai manqué la force de tirer sur toi parce que je t’aime encore c’est sûr et, comme je ne peux pas continuer à vivre avec cette honte d’avoir été trahi, vaut mieux me mettre une balle dans la tête pour en finir avec mes jours, ainsi je serai tranquille là où j’irai. » Ajouta-t-il, pointa son arme sur sa tête à coté de son oreille droite.
— Nooon ! cria Marie. Arrête, ne fais pas ça ! Donne-moi juste une minute pour t’expliquer.
Les larmes commencèrent à couler sur son visage, elle savait que Djo était capable d’en finir avec sa vie. Elle tremblait de peur pendant que son mari respirait profondément. « Vas-y, tu as trente secondes, je t’écoute. » il arma son pistolet et prêt à faire feu.
Marie n’eut pas assez de temps pour convaincre son mari à ne pas se suicider. De peur, elle commença à bégayer. Elle n’arriva pas à trouver le mot exact pour convaincre Djo à ne pas passer en action. Alors que les secondes touchaient à leur fin, voilà qu’une invitée entra à l’improviste. Cette dernière surprise de voir le capitaine pointé son arme sur lui-même, elle laissa échapper son sac à main et, poussa un cri de détresse. Djo n’arriva pas à croire ses yeux, tout doucement il baissa son arme.
« Voilà ! reprit Marie, j’ai une sœur jumelle. Je l’ai su aujourd’hui quand la tante Charlotte me l’a présenté. Quand je suis revenue du magasin, je cherchais comment te l’annoncer mais, tu étais d’une mauvaise humeur. Je te présente Sarah, ma sœur jumelle, la femme du colonel Matata. »
«  Djo ! Je t’aime, jamais je ne te serai infidèle, jamais. »